Chapitre 18 | 3
"What a sight for sore eyes,
Brighter than the blue sky.
She's got you mesmerized while I die."
Heather – Conan Gray. (En média).
Des billets à la main, tout le monde s'égosille, s'excite, encourage et je me sens dépassée. Mais qu'est-ce qui m'a pris d'entrer ici ? À l'étroit au milieu de tous ces hommes à moitié nus et en sueur dans la chaleur suffocante de cet endroit étrange, je tente tant bien que mal de me frayer un chemin jusqu'au centre du rassemblement pour comprendre ce qui s'y passe. Pour comprendre toute cette agitation. Pour comprendre de quels paris parlent les gens autour de moi.
Plus je m'approche du cœur de ce capharnaüm infernal, plus des bruits sourds me parviennent au-dessus du brouhaha ambiant. Chaque impact est suivi d'un gémissement et quand je me retrouve enfin aux premières loges du spectacle macabre, mon estomac se retourne. C'est lui. C'est le Corbeau. Le poing fermé à s'en faire mal et déjà taché de sang, il envoie un uppercut violent à un trentenaire qui doit bien faire deux fois son gabarit. Le poids lourd paraît un instant désorienté par la précision du coup qu'il reçoit, alors son adversaire en profite pour s'attaquer à l'un de ses genoux, avant de le gratifier d'un nouveau crochet du droit au niveau de la mâchoire à la seconde où il perd l'équilibre. Sonné, le grand baraqué s'écroule comme une misérable quille sur l'une des lampes industrielles qui éclairent vaguement la salle et la foule acclame le vainqueur malgré les étincelles effrayantes qui jonchent le sol quand l'énorme ampoule explose. Elle acclame ce garçon que j'ai du mal à reconnaître.
L'air épuisé, il balaie ses admirateurs d'un regard las, essuie un filet rouge qui dégouline de sa lèvre inférieure puis se fige. Il ne me quitte plus des yeux. Un bleu aussi intense que le ciel en plein été m'enveloppe complètement et je m'y perds, je m'y abandonne. Les éclats de voix disparaissent. Le ring improvisé, délimité par le cercle fermé que forme les parieurs s'évapore. Plus rien n'existe au monde en dehors de cette bulle familière qui se dessine autour de nous.
— Bah alors, Beauté, on s'est perdue ? Qu'est-ce que tu fais là ?
Une odeur d'alcool à vomir m'arrache à ma contemplation, tandis qu'un sale type se colle à moi. En alerte, je tente de m'éloigner du chauve tout transpirant, mais il me retient d'une main aux fesses que j'ai envie de lui faire avaler.
— Ne... Ne me touchez pas ! m'indigné-je faiblement.
Je voudrais crier, m'énerver, le frapper de toutes mes forces mais je reste tétanisée lorsque je remarque qu'il n'est pas tout seul : trois autres pervers me reluquent avec le même appétit. Prise de panique, je tourne à nouveau la tête vers l'espace de combat mais me rends compte avec horreur que Raven n'est plus là. Non. Mon rythme cardiaque s'accélère. Je suis seule. Soudain hors de contrôle, je me débats contre le barbu, qui se met à rire en même temps que ses acolytes, jusqu'à ce qu'un biceps puissant entoure mes épaules. Écœurée, j'essaie de me dégager.
— Je t'ai cherchée partout, Bébé ! T'étais où ?
Un peu surprise, j'arrête de gigoter, fronce les sourcils et dévisage mon sauveur, qui lui, défie les quatre molosses d'un œil menaçant. Le chauve me lâche, puis s'éloigne de deux pas, les mains levées.
— C'est ta pute, le Corbeau ? lance-t-il en me désignant du menton.
Raven tique face au vocabulaire du barbu, mais acquiesce avec un sourire dépravé.
— Ouais, je crois bien qu'il va falloir que tu t'en trouves une moins intéressante, Walker.
— Désolé, mec ! ricane ce dernier.
Accompagné de ses acolytes répugnants, le dénommé Walker m'observe une dernière fois des pieds à la tête avant de s'en aller. Je n'ai cependant pas le temps de reprendre mon souffle que le Corbeau m'entraîne loin de l'attroupement. Il joue des coudes, sourit aux personnes qui le félicitent, ignore les remarques graveleuses et une fois devant le bâtiment sinistre, il retire son bras de mes épaules pour planter ses prunelles sévères dans les miennes.
— Merde, mais qu'est-ce que tu fous ici ?
Un rire sarcastique m'échappe.
— Ce que moi je fais ici ?
— Jusqu'à preuve du contraire, c'est toi qui n'es pas à ta place, lâche-t-il, glacial.
Désillusionnée, je le dévisage quelques secondes comme si j'avais une chance qu'il se rende compte de l'énormité de ce qu'il vient de dire et qu'il me demande pardon.
— Alors c'est ça que tu fais ? C'est pour ça que tu n'es jamais en état de travailler, parce que tu te fais éclater la figure pour de l'argent ?
Je ris encore, à deux doigts de me défouler sur lui et son air fermé.
— Qu'est-ce que ça peut te foutre, ce que je fais de mes journées ? crache-t-il.
Mais quel connard, ce mec !
— Et moi qui croyais qu'on te faisait du mal ! Que ton oncle et ta tante te maltraitaient... Tu t'es bien foutu de moi.
Raven tique encore.
— Je t'ai jamais menti, Willow. T'as inventé ça toute seule.
Son ton austère me fait bouillir et le pire, c'est que je sais qu'il a raison. Il n'a jamais laissé sous-entendre qu'il avait besoin d'aide. Pourtant je ne parviens pas à me calmer. Je lui en veux. Je lui en veux de s'infliger ça. Je lui en veux de se mettre en danger de cette façon, de le faire si souvent. Je lui en veux de préférer Savannah.
— Je rêve... m'étranglé-je.
— Pourquoi t'es là, Willow ? Pourquoi tu m'as suivi ?
— Tu te rends compte de ce que tu fais ? Tu te rends compte que tu pourrais finir à l'hôpital ou pire...
— Je sais me défendre, Willow. Tu m'as vu à l'œuvre, rappelle-toi.
— Oui, Axel aussi savait se défendre et pourtant il est mort quand même ! m'écrié-je, les yeux humides.
Le regard du Corbeau change, quelque chose s'y brise. Le mur qu'il avait érigé entre nous se fissure.
— Je ne suis pas Axel, Willow... murmure-t-il en s'approchant lentement de moi.
En douceur, il caresse ma joue désormais noyée de larmes puis m'attire contre lui. D'abord, la chaleur de son corps contre le mien m'apaise, elle réceptionne tous mes sanglots et m'emmitoufle pour les asphyxier. Mais au bout de quelques minutes, ma gorge se serre à nouveau.
— Arrête ça, le supplié-je. Arrête de te faire subir tout ça...
Raven s'écarte légèrement de moi, attrape mon visage en coupe et plante ses prunelles brillantes dans les miennes.
— Eh... tout va bien, je vais bien. Je ne vais pas mourir, chuchote-t-il à quelques centimètres de mes lèvres.
Sa bouche effleure la mienne et de lourds frissons me parcourent de long en large. Ses pupilles s'y écroule et mon rythme cardiaque s'emballe. Si je m'écoutais, je traverserais la distance qui nous sépare pour l'embrasser enfin, pourtant au lieu de ça, je le repousse brusquement.
— Ne joue pas avec moi, Raven ! gémis-je, déjà en manque de ses bras. Je ne suis pas celle que tu veux.
Le Corbeau fronce les sourcils en passant une main abîmée dans sa nuque.
— Je ne joue pas...
— Alors fais un choix.
— Un choix ? Mais putain, Willow, de quoi tu parles ?
Son ton agacé enflamme les cendres de ma colère.
— Je parle du satané soutien-gorge que tu as laissé chez moi !
Raven écarquille les yeux mais ne prononce pas le moindre mot.
— T'étais là, dans mon lit, à deux doigts de... de... de je ne sais pas quoi d'ailleurs et je croyais vraiment qu'il se passait un truc entre nous. Qu'on avait un lien spécial. Alors qu'en fait, t'avais les sous-vêtements de quelqu'un d'autre avec toi. Tu jouais sur les deux tableaux et tu continues ! Je ne suis pas une poupée de chiffon, Raven ! Tu n'as pas le droit de me balader pendant que tu couches avec la première connasse venue !
— Il se passe rien, entre nous. On est amis, c'est tout. Je suis désolé de t'avoir envoyé les mauvais signaux, lance-t-il sans même avoir le courage de me regarder. Et je ne couche pas avec la première venue, encore moins avec une connasse.
Blessée, choquée, encore au bord de l'explosion, je fais deux pas en arrière avec la douloureuse sensation qu'on vient de me gifler.
— Ne t'approche plus jamais de moi, éructé-je. Je ne veux plus te voir.
Sans prendre la peine d'attendre la moindre réaction de sa part, je me précipite loin du chantier. Je me mets à courir comme une dératée. Je ne sais pas où je vais, je ne sais pas combien de temps je vais prendre pour y aller, tout ce que j'arrive à faire c'est fuir. M'éloigner le plus possible de ce mec et de son petit manège.
J'ai tout inventé.
Il n'y a jamais eu aucun lien entre nous.
Tout ça n'était que du vent.
Je me déteste. Je le déteste. Je déteste le monde entier.
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Vous avez le droit de me détester, ça fait longtemps que je vous avais pas donné une bonne raison de le faire...
Je suis désolé, je ne suis pas trop présent sur Wattpad, en ce moment. J'ai pas mal de boulot et pas une santé mentale incroyable, donc j'essaie un peu de faire comme je peux. Mais ça me fait toujours autant plaisir de voir vos quelques commentaires quand je reviens. J'adore vos réactions.
D'ailleurs, en parlant de réactions, y'en a qui pensent que Raven joue ? Ou alors c'est Willow qui perçoit des choses qui n'existent pas ?
Vous pensez que Willow s'est trompée, comme le sous-entend Raven, qu'elle a totalement inventé l'idée que quelqu'un lui faisait du mal ?
Leur relation est définitivement morte, selon vous ?
Et la musique, un classique, maintenant. J'adore Conan Gray, en tant que personne et en tant qu'artiste, ça vous plaît ?
Voilà voilà, c'est tout pour moi.
On se retrouve bientôt pour la suite.
Prenez bien soin de vous, les potes.
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