Chapitre 18 | 2

"I hate you, I love you.

I hate that I want you.

You want her, you need her

And I'll never be her."

I hate U, I love U – Gnash ft Olivia O'Brien. (En média). 


En arrivant au bar après une nuit difficile, je me rends compte que Raven n'est toujours pas là. Une inquiétude diffuse s'empare de ma poitrine alors que des dizaines de scénarios catastrophes s'enchaînent dans mon esprit. Et si son oncle et sa tante étaient allés trop loin ? Et s'il avait fini à l'hôpital ? Et si je l'avais perdu, lui aussi ? À cette idée, mon cœur se met à battre la chamade et l'expression anéantie de Maxxie au moment où il réalise à son tour que notre collègue n'est pas présent n'arrange rien. Une envie soudaine d'aller le voir pour lui demander ce qui se passe m'étreint, pourtant je me ravise. Ses traits crispés par l'angoisse me bloquent. Peut-être que je devrais le soutenir au lieu d'essayer de lui soutirer des informations. Ou alors peut-être que je devrais essayer de le rassurer en lui disant que le Corbeau est sûrement juste en retard, que tout va sans doute très bien pour lui. Oui, voilà, je devrais essayer ça. À l'instant où je me décide à faire un pas vers le Moineau, une chevelure ébène me passe devant le nez et toute ma colère remonte. Non. Qu'ils se débrouillent, tous les deux. Je n'en ai rien à faire. Si quelqu'un doit s'occuper des états d'âme de Raven ou de son ami, c'est cette fille-là. C'est elle qu'il veut, non ? C'est d'elle dont il est proche, pas de moi. À côté de Savannah, je ne suis rien. Je ne suis que celle qui s'est fait avoir comme la dernière des abruties. De rage, j'accélère le pas pour tenter de rejoindre les vestiaires sans que personne ne remarque mon changement d'humeur brusque mais la voix de Maxxie me stoppe net.

— Putain, Raven !

Malgré moi, je fais volte-face et observe le Moineau se précipiter vers l'entrée à grandes enjambées. Blanc comme un linge, Raven perd presque l'équilibre quand il réceptionne son ami qui est pourtant bien plus petit et plus fin que lui. L'une de ses deux mains caresse les cheveux courts de Maxxie alors que l'autre forme des cercles dans son dos comme s'il essayait de le convaincre qu'il est bien là. En un seul morceau. À son contact, les épaules du Moineau s'affaissent et son soulagement me serre le ventre. Il me serre le ventre parce que c'est le genre de réaction que je connais sur le bout des doigts. Le genre de réaction que j'ai eue quand j'ai su qu'Axel et Neven avaient survécu à l'accident alors qu'Océane était dans le coma et que Lucas était mort sur le coup. J'ai pris Axel dans mes bras de la même façon que Maxxie s'accroche à Raven maintenant. Ce n'est pas un simple « je me suis inquiété », c'est un « bordel, j'ai cru que t'allais mourir » et ça me fait peur. Ça me terrorise de me dire que j'avais raison, que Raven est probablement dans une situation toute aussi grave que celle qu'Axel a toujours tenté de fuir.

— Oh, la Colombe, t'as pas l'impression d'être au milieu du passage, là ?

Le ton acerbe de Savannah me fait sursauter et je m'écarte de son chemin sans demander mon reste. Elle se dirige vers la salle dans un soupir exaspéré et je la fusille d'un air mauvais. Pour qui elle se prend, celle-là ? Encore plus sur les nerfs, je lance un dernier coup d'œil en direction de mes deux collègues, qui se lâchent tout juste, avant de secouer la tête avec amertume. Après tout, ce ne sont pas mes affaires. S'il a besoin de quelqu'un, il l'a elle. Je suis sûre qu'elle est du style à savoir se battre, en plus. À pouvoir le défendre et le protéger en cas de nécessité. Cette fois poussée par une volonté féroce d'ignorer la douleur qui grandit dans mon estomac, j'entre dans le premier vestiaire qui croise ma route et m'enferme dans une cabine de douche en me retenant de hurler tout ce qui enfle dans ma cage-thoracique. Le souffle court, les yeux humides, je prends conscience que je suis au bord de la rupture. Tout tremble à l'intérieur de moi, tout menace d'exploser. Pourquoi est-ce que c'est si dur d'entamer une nouvelle vie ? Pourquoi est-ce que ça fait si mal de rencontrer de nouvelles personnes ? Ce n'était pas ce que je voulais. La seule chose qu'il me fallait, la seule chose qu'il me faut là, tout de suite, ce sont les bras d'Axel. Lui, il a toujours aimé celle que je suis. Pour lui, je n'ai jamais eu peur de ne pas être à la hauteur. Avec lui, il n'a jamais été question de percevoir des liens qui n'ont jamais existé.

— Me fais pas la morale, merde ! Pas toi, pas maintenant.

Une porte claque et j'essuie mes larmes à toute vitesse comme si quelqu'un pouvait les voir à travers la paroi derrière laquelle je me cache.

— Mais putain, tu te rends compte de ce que tu fais ? Tu tiens à peine debout et tu veux aller là-bas ce soir ? Tu cherches quoi ? À te faire tuer ?

Je crois reconnaître le Moineau mais quelque chose en lui n'est plus pareil. Ce calme nonchalant, presque froid, qu'il arbore toujours vient d'éclater en mille morceaux. Sa voix déraille, elle se craquèle et j'ai l'impression d'en ressentir chaque fissure.

— J'ai besoin de cet argent, Maxxie, tu comprends ça ?! lui hurle Raven, me faisant tressaillir. C'est ma seule échappatoire à cet enfer et tu le sais !

— Même avec cette thune, t'es pas certain de pouvoir t'en sortir, alors pourquoi tu prends tous ces risques ? Pourquoi tu bosses pas plus souvent avec Joachim plutôt ?!

Le ton du Moineau suit celui de son ami et je me retrouve paralysée. Je sais que je devrais leur faire savoir que je suis là. Je sais que je devrais sortir de cet endroit pour les laisser discuter en privé, mais mon corps ne répond plus. J'ose tout juste respirer.

— Parce qu'avec lui je peux pas me faire 5 000 dollars en une seule nuit, Maxxie !

— Et qu'est-ce que ça change que tu les gagnes si vite ? Tu sais pas quoi faire de ta mère !

Un rire caustique échappe à Raven. Un rire qui me donne la chair de poule.

— T'es vraiment...

Des bruits de pas résonnent à quelques centimètres de moi et je recule par instinct, le cœur au bord de l'explosion.

— Non, Raven, attends ! Je suis désolé, je suis désolé... gémit Maxxie. J'aurais pas dû dire ça, t'en va pas...

Je n'en suis pas certaine mais je pense que le Moineau craque contre son ami. Ses sanglots s'étouffent, quelqu'un exhale et des chuchotements incompréhensibles retentissent.

ᴥᴥᴥ

Le service a été plutôt mouvementé aujourd'hui. Tellement, que je n'ai pas eu besoin d'excuse pour éviter Raven. Focalisée sur ma tâche, je zigzaguais entre les tables et les clients tout en me repassant en boucle la conversation que j'ai entendue dans le vestiaire. Que va faire Raven, ce soir ? Qu'est-ce qui peut rapporter autant d'argent en si peu de temps ? Et surtout, pourquoi en a-t-il autant besoin alors qu'il travaille ici, au bar, et apparemment pour un certain Joachim ? Que fait-il de ses salaires ? Est-ce qu'il les donne à sa mère ? Ce serait pour ça que Maxxie a parlé d'elle ? Peut-être que je me trompe depuis le début et que c'est elle qui lui fait du mal. Et si elle le menaçait ? Qu'elle lui extorquait tout ce qu'il gagne ?

— À plus, les pom-pom girls ! s'écrie l'Aigle Royal en nous adressant à tous un petit signe militaire avec ses doigts sur sa tempe.

Maxxie l'envoie balader, Savannah lui fait un doigt d'honneur mais moi, je reste hypnotisée par le rire de Raven. Les prunelles brillantes d'humour et peut-être d'un peu plus, il ne détache pas son regard d'Isaiah jusqu'à ce que ce dernier disparaisse dans l'obscurité de la nuit new yorkaise.

— Moi aussi je vais y aller, nous prévient-il. Sav', tu fermes ?

L'Hirondelle lève la tête vers lui puis acquiesce sans un mot. La façon qu'ils ont de se scruter l'un et l'autre me rend malade. Pourquoi lui, elle ne le rembarre pas ? Pourquoi elle accepte qu'il s'en aille avant d'avoir terminé de ranger avec nous ? Est-ce qu'elle sait tout ce que je ne sais pas ? Est-ce qu'il lui a raconté ce qui se passe dans sa vie ? À cette simple pensée, mon cerveau disjoncte et j'attrape la veste d'Axel avec hargne en me lançant à la poursuite de Raven. Me tenir le plus loin de lui possible ne fonctionne pas. Il faut que je lui parle, il faut qu'il m'explique. Il faut que je lui avoue ce que j'ai sur le cœur. Quand la fraîcheur de la rue s'engouffre dans mes boucles blondes, j'entends Savannah me rappeler à l'ordre, me faire la remarque qu'elle n'a pas faite à son Dom Juan.

Parle toujours, tu m'intéresses.

Au lieu de lui cracher mon acidité à la figure ou de faire demi-tour pour m'excuser de mon départ si abrupte, j'accélère la cadence. Le Corbeau est déjà loin devant et je n'ai pas envie de le perdre de vue. Il ne faut surtout pas que je le laisse s'échapper aussi facilement. Je devrais l'interpeller, lui crier de s'arrêter, pourtant je garde un silence borné. Je veille même à ce qu'il ne s'aperçoive pas de ma présence. Mais qu'est-ce que je suis en train de fabriquer, bon sang ? Plus ça va, plus Raven m'éloigne de ma zone de confort. Je ne connais pas cette partie de Harlem et ce soir, l'inconnu me terrifie. Je vais être incapable de retrouver mon chemin toute seule. Après une bonne demi-heure de marche à lutter contre le signal d'alarme qui rugit dans mon esprit, j'observe Raven s'attarder devant un immense bâtiment qui ressemble plus à un chantier en construction. Un peu à l'écart du reste de la ville, le squelette de cette future demeure est froid, brut de décoffrage. Les parpaings gris desquels dépassent de temps à autre des fils électriques entourés de tuyaux en plastique enroulés sur eux-mêmes me paraissent presque trop fragile pour soutenir le reste de l'édifice. Bien moins craintif que moi, Raven déplace une baie vitrée à peine fixée pour pénétrer à l'intérieur de l'habitation et mon rythme cardiaque s'accélère. J'hésite. Aux alentours, tout est silencieux. Il n'y a pas un chat. Personne pour me voir si jamais ce que je m'apprête à faire est illégal, mais personne pour m'entendre si jamais quelque chose tourne mal à l'intérieur.

Qu'est-ce que je dois faire ?

Entrer ?

Ne pas entrer ?

M'enfuir en courant ?

L'appeler pour qu'il sorte de là ?

Je suis perdue. Est-ce que je vais vraiment me dégonfler si près du but ? De toute façon je ne suis pas très sûre d'avoir le choix, désormais. Je ne peux pas retourner à mon appartement sans lui et crier son prénom au beau milieu de la nuit ne me semble pas être l'idée du siècle. Allez Willow, inspire, expire... Un peu tremblante, je finis par entrer dans le monstre de béton qui menace de m'engloutir pour ne plus jamais me recracher. Dans le noir, je ne perçois d'abord pas grand-chose. J'avance sur le sur gravier à l'aveuglette pendant ce qui me paraît durer une éternité, quand une espèce de bourdonnement gronde derrière une porte fermée. Est-ce que Raven est entré là-dedans ? Ni une ni deux, je tire sur la poignée pour éviter de me laisser la moindre seconde de réflexion et le léger fond sonore se met à gronder de plus en plus fort à mesure que je descends les escaliers en pierre qui mènent au sous-sol. 


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Coucou tout le monde, désolé, semaine chargée !

J'ai plein plein de projets en cours et parfois, je suis un peu dépassé. Mais en ce moment, j'ai un nouvel objectif dont je ne peux pas parler, mais qui est source de grande motivation. Si tout se passe comme prévu, dans quelques mois, je pourrais vous en parler ! J'espère que tout va bien pour vous, que ce premier mois de 2023 n'est pas trop éprouvant. 

Vous pensez que Willow a raison quand elle dit que Raven est dans une situation dangereuse ? Ou bien elle en fait un peu trop parce qu'elle voit Axel partout ? 

À votre avis, pourquoi Raven a-t-il besoin d'autant d'argent ? Et pourquoi sa mère pourrait-elle être un frein ? 

Bonne ou mauvaise idée de suivre Raven ? De pénétrer dans cet endroit ? 

La musique, archi connue, mais je l'aime bien. Elle vous plaît, à vous ? 

Voilà, voilà. C'est tout pour moi. Je reviens samedi pour vous poster la suite, normalement. 

Prenez soin de vous, les potes. 

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