Chapitre 16 | 2

"Will you let me follow you?

Wherever you go, bring me home."

Sea Of Lovers – Christina Perri. (En média).


— Willow... Willow ?

— Non, je ne suis plus là. Je suis partie m'enterrer à Valdez.

— Valdez ? En Alaska ?

Je lui réponds d'un grommellement atténué par le tissu de mon oreiller et Raven rit de plus belle. Un poids étrange s'enfonce dans le matelas juste à côté de ma tempe alors qu'on me retire le bouclier qui me protège du monde. Toujours aussi gênée, je ne daigne pas jeter un œil au Corbeau qui baisse le nez dans ma direction. Appuyé sur son coude, il m'observe sans prendre conscience que cette soudaine proximité me fait perdre tous mes moyens. Il est si proche que son torse nu effleure la peau de mon bras à chacune de ses respirations. Qu'est-ce qui m'arrive ? Pourquoi est-ce que j'ai envie qu'il se colle vraiment à moi ? Pourquoi est-ce que son odeur boisée me transporte dans un autre univers ?

— Eh... regarde par ici.

Son chuchotement fait courir de lourds frissons le long de mon corps bouillant pourtant je m'obstine à fixer un point invisible quelque part à ma droite entre ma table de chevet et ma veste en coton qui traîne sur le sol. Une tendre caresse se dépose sur mon front alors que Raven met le temps en pause. Il écarte une mèche de cheveux de mon visage dans une douceur incroyable, comme s'il savait que ce simple geste me ferait revenir vers lui. Plus capable de lui résister, je plonge mon regard dans le sien. L'intensité que j'y découvre me coupe le souffle. Je ne sais pas combien de temps on passe à se noyer l'un dans l'autre mais lorsque je sens les expirations de Raven me chatouiller la joue, je comprends qu'on s'est rapprochés et que ses prunelles bleues bifurquent lentement vers ma bouche, qui s'assèche sur-le-champ. Nos lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres les unes des autres. Il ne me suffirait que d'un mouvement pour les unir. Il ne lui suffirait que d'avancer encore un tout petit peu pour réaliser mes prières sourdes.

Des vibrations provenant de son côté du lit fait voler notre bulle en éclats et Raven se racle la gorge avant de s'éloigner pour attraper son téléphone.

— Erika ?

Ses sourcils se froncent.

— Je suis...

Sa voix s'évapore et ses paupières tombent sur ses yeux magnifiques comme un voile sombre.

— Ils sont en colère ?

Sa mâchoire se serre, il soupire puis passe des doigts angoissés sur sa mâchoire en s'asseyant.

— Okay, okay... j'arrive. Quoi ? Mais où veux-tu que j'aille, je...

Un rire amer le secoue tandis que je me redresse à mon tour. Une tension impressionnante semble s'être emparée de lui pourtant, quand son regard se verrouille sur moi, je n'y lis que de la bienveillance à mon égard. Est-ce qu'il essaie de me rassurer ? Est-ce qu'il maquille ses émotions pour me tenir à l'écart de ce qui lui arrive ?

— Que je revienne avec une bonne excuse ? s'énerve Raven en tournant la tête. Mais qu'est-ce que tu veux que je leur dise ? Je n'ai pas... Non, bien sûr que non, je veux pas qu'ils me punissent... Oui enfin... Sauf que c'est ce qu'ils vont faire de toute façon, que je me pointe avec n'importe quelle raison d'avoir découché ! Ouais, c'est ça, raccroche !

Son portable fait un vol plané jusqu'au bout du lit, manquant de peu de s'éclater sur le sol alors que le Corbeau masse sa nuque, le menton contre la poitrine. Désemparée face au stress que je crois lire dans ses muscles tendus, j'approche une main hésitante de son omoplate. Lorsque la pulpe de mes doigts entre en contact avec sa peau toute chaude, Raven relève le nez.

— Est-ce que ça va ?

— Ouais, ouais, t'en fais pas. C'était juste ma cousine qui me prévenait que j'aurais peut-être mieux fait de rentrer, rien de grave, m'explique-t-il d'une voix lasse.

Sa cousine ? Est-ce que ce sont son oncle et sa tante qui le maltraitent ? Il m'adresse un sourire forcé que je ne lui rends pas. J'aimerais tellement pouvoir l'aider. Faire pour lui ce que je n'ai jamais pu faire pour Axel.

— Hey, fais pas cette tête, lance-t-il en haussant l'épaule contre ma paume.

— Ils... tu vas avoir des problèmes ?

Le sourire de Raven s'évanouit en même temps que son regard qui s'écroule sur les draps en coton.

— Un bon gros sermon, rien de plus.

— Raven...

— Je ferais mieux d'y aller, me coupe-t-il en s'extirpant du lit.

En silence, je l'observe chercher sa chemise, puis l'enfiler. Peut-être que je devrais insister, peut-être que je devrais tenter d'en apprendre plus, pourtant je ne prononce pas le moindre mot. Je me contente de scruter ses hématomes qui disparaissent à mesure qu'il boutonne son vêtement.

— Elle débarque souvent chez toi à 6h du mat' ?

Perdue dans mes pensées, dans les souvenirs d'Axel qui revenait chaque semaine avec une nouvelle blessure, je ne saisis pas la question que me pose mon collègue. Tout ce que j'y vois est une façon de détendre l'atmosphère, de changer de sujet, d'essayer de me faire croire qu'il a retrouvé son expression joueuse. Tu ne m'auras pas aussi facilement, Raven. Les faux-semblants, je connais par cœur.

— Ta grand-mère, je veux dire, reprend-il. Enfin... c'est bien ta grand-mère ?

— Oh, oui ! C'est ma grand-mère. Elle passe plusieurs fois par semaine avant d'aller travailler. Elle me prépare des pancakes ou du chocolat chaud, la plupart du temps. D'habitude elle me laisse un petit mot sur la table, mais elle passe toujours voir si je dors, histoire de me faire un petit coucou avant de partir.

— C'est sa façon à elle de te dire que t'es la bienvenue à New York, peut-être, suppose-t-il en jetant un coup d'œil au petit mot qu'il a laissé sur mon mur la première fois qu'il est venu ici.

Une émotion indescriptible s'empare de ma poitrine et tout ce que je trouve à faire, c'est de lui offrir un petit sourire. Un sourire timide. Un sourire de reconnaissance. Comment fait-il pour toujours savoir quoi me dire pour que je me sente bien ? Que je me sente acceptée ?

— Il y en a au moins une qui est contente que je sois là...

Mon amertume lui fait froncer les sourcils alors qu'il récupère son portable sur la couette.

— Y'en a pas qu'une, tu sais.

Abasourdie, je me fige sans pouvoir m'empêcher de le dévisager. Ses lèvres que j'aurais bien aimé goûter avant que sa cousine ne nous interrompe s'étire en un léger rictus avant qu'il ne tourne les talons pour descendre les escaliers. Est-ce qu'il vient de m'avouer qu'il est content de m'avoir rencontrée, là ? Dans le salon, j'entends Granny saluer mon invité et mon corps se débloque. Je m'expulse du lit, m'enveloppe de la veste d'Axel que j'avais laissée en boule sur la chaise bleue dont je ne sais pas quoi faire puis me précipite au rez-de-chaussée. J'enlace rapidement ma grand-mère pour lui dire bonjour puis cours presque après Raven.

— Tu veux pas... prendre un petit déj' ici ? m'écrié-je presque en le voyant atteindre la porte d'entrée.

Il s'immobilise, fait volte-face et me lance un regard désolé.

— Je peux pas, je devrais déjà pas être là... mais on se voit au taf, de toute façon ? On pourra se prendre un café là-bas, si tu veux.

Un peu déçue, je hoche la tête et il m'imite.

— Salut, Willow, ajoute-t-il avec bienveillance.

Quand il abaisse la poignée, mon cœur fait une embardée.

— Attends !

Il se stoppe encore une fois, un sourcil haussé. Incapable de trouver quoi que ce soit à lui dire pour justifier ma réaction, je fonce sur lui pour le serrer contre moi. Visiblement étonné, il referme ses bras autour de mon corps avec une seconde de décalage et je me délecte de la tendresse de cette étreinte. Le nez dans sa chemise, je m'imprègne de la douceur du tissu, de cette chaleur dont je me souvenais et qui me manquais bien plus que je n'aurais pu le croire, de son odeur si unique...

— Merci pour tout, murmuré-je, hissée sur la pointe des pieds pour atteindre son oreille.

Je le sens sourire contre ma tempe, et une envolée de papillon me chatouille le ventre.

— Pas de problème, la Française.

Un petit rire m'échappe.

— Fais attention à toi, d'accord ?

— Sinon tu vas casser la gueule à mes escaliers ?

Je m'écarte de lui en m'esclaffant alors que ses mains se déposent naturellement sur ma taille.

— Quoi ?

Ses prunelles pétillent de malice mais la seule chose à laquelle j'arrive à prêter attention sont ses doigts si près de mes hanches.

— On dirait bien que j'ai des tas de choses à te raconter... lâche-t-il dans un mystère exagéré.

— Oh, au fait, Poulette ! Je suis navrée, je t'avais dit que je viendrais avec toi pour te faire découvrir Times Square après ton service ce midi, mais finalement j'ai un empêchement...

Surprise, je m'éloigne de Raven d'un bond avant de réaliser ce que vient de m'annoncer ma grand-mère. J'essaie de garder la face pour que Granny ne remarque rien de la nouvelle déception qui se propage dans mes veines. Découvrir Times Square, c'est l'un de mes plus grands objectifs. Une case à cocher absolument dans ma Bucket list... Faire ça avec ma grand-mère, mon refuge de toujours me semblait encore plus symbolique, comme une étoile que je n'aurais pas laissé filer, cette fois.

— Ce... c'est rien... On aura qu'à remettre ça, soufflé-je.

J'entrevois mon collègue esquisser une petite moue, mais reste focalisée sur mon aïeule, qui me sourit de toutes ses dents en retroussant les manches de son pull vert pomme. Elle se dirige d'un pas décidé dans la cuisine et je m'autorise un soupir peiné.

— Invite tes amis ! me lance-t-elle depuis la pièce d'à côté. Je te promets de me rattraper la semaine prochaine, ma Willow.

— Quels amis ? chuchoté-je, le moral dans les chaussettes.

— Bon, bah moi j'y vais... marmonne Raven.

Mon estomac se retourne. Oh non... j'espère qu'il ne m'a pas entendue... Est-ce qu'on est amis ? Est-ce que lui me considère comme une amie ? Après tout ce qu'il a vu, je ne suis pas sûre que quiconque aurait envie de passer plus de temps avec moi. En tant qu'ami ou en tant que quoi que ce soit d'autre... Bon sang, mais pourquoi il a fallu que je sois aussi pathétique devant lui ? Pourquoi j'ai accepté d'aller à cette satanée fête ? Il doit vraiment me prendre pour une pauvre fille...

— Au revoir, Madame ! lance-t-il un peu plus fort pour que ma grand-mère l'entende.

— Salut, jeune homme ! Et fais attention au cœur de ma petite-fille, tu veux !

Granny ! m'insurgé-je.

Le Corbeau souffle du nez mais je n'ose pas me retourner. Je n'ose pas affronter son regard.

— Au revoir, la Française, murmure-t-il en frôlant mon oreille de ses lèvres.

De lourds frissons me parcourent l'échine.

— À... à plus tard... balbutié-je, paralysée.

— Ah et, Willow ?

Mon corps pivote malgré lui.

— Moi, tu peux m'inviter. 


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Coucou tout le monde, 

J'espère qu'en ces temps de fêtes vous allez bien. J'espère que vous êtes dans un endroit safe avec des gens qui vous aiment et que vous aimez. Sachez que si ce n'est pas le cas, mes DM sont ouverts. Vous n'êtes pas seul.e.s et vous êtes aimé.e.s. Je vous souhaite en tout cas de passer les meilleures fêtes possibles, et que vous aurez quelques sourires aux coins de vos lèvres avant la nouvelle année. 


Du coup, vous voyez un petit rapprochement dans ce lit, ou c'est dans l'imagination de Willow que tout se passe ?

La cousine de Raven, est-ce qu'elle l'a vraiment mis en garde ? Vous pensez qu'il n'aura qu'un sermon ? Comment vous sentez ce coup de fil ? 

Et pour Times Square, vous imaginez Willow inviter Raven ? Ce serait une bonne idée, à votre avis ? 

La musique, je connaissais pas, il me semble que j'ai découvert cette chanson par hasard sur Deezer ou YouTube, mais j'ai trouvé que ça leur allait bien. Vous aimez ? 


Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je ne sais pas si vous allez pouvoir passer sur le chapitre étant donner que ce sont les fêtes en ce moment, donc je ne m'attends pas à quoi que ce soit. Mais si vous êtes là, je vous envoie plein d'amour et de bonnes ondes. 

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