Chapitre 14 | 2
"But your arms were open at my door
And you taught me what a life is for,
To see that ordinary, isn't.
Light me up again."
Light Me Up – Ingrid Michaelson. (En média).
Tous sur le trottoir, nous contemplons avec circonspection le bus violet et blanc qui semble être à l'effigie d'une équipe de baseball universitaire. Une voix rauque et un peu trop enjouée nous crie de monter à bord depuis l'intérieur du véhicule mais personne n'esquisse le moindre geste.
— The Violets de l'université de New York ? s'étonne Raven en déchiffrant les inscriptions peintes sur la carrosserie impeccable.
— Bah quoi ? On avait pas assez d'argent pour venir chercher les stars de la soirée en limousine, alors on a improvisé ! s'exclame Lucy avec un grand sourire.
Elle pénètre dans l'autocar avec enthousiasme, ne nous laissant pas d'autres choix que de la suivre. Un peu intimidée, je grimpe les quelques marches sans regarder personne et ne relève le nez que lorsque le ton de tout à l'heure retentit à nouveau. Je ne sais pas ce qu'il raconte, mais son propriétaire n'hésite pas une seule seconde à me reluquer des pieds à la tête quand je passe devant lui. Il me siffle, me fait un clin d'œil et m'offre un sourire d'une blancheur à la limite du naturel. Avec ses cheveux châtains en pagaille, sa musculature galbée par son tee-shirt floqué du logo de la NYU et sa confiance en lui exacerbée, il est évident que ce mec se croit irrésistible.
— Cole ! Si tu veux que pas que je réduise tes couilles en bouillie, t'as intérêt de respecter mes invités ! aboie Lucy en frappant sur le dossier du siège conducteur.
Devant son volant, le dénommé Cole lève deux mains innocentes mais je n'attends pas qu'il ouvre la bouche et me dérobe à son regard ocre pour foncer au fond du bus aussi coloré à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le plus loin possible de ce gros porc. Je m'installe près de la fenêtre de gauche, alors qu'Isaiah suit le même chemin pour se laisser tomber à côté de celle de droite.
— Ignore ce connard, il se prend pour un dieu parce que c'est un athlète, mais comme chacun d'entre eux, il a rien dans le crâne.
Son air renfrogné m'arrache un petit sourire.
— Est-ce que tu insinuerais que je n'ai rien dans le crâne ? le taquiné-je, moqueuse.
Ses grands yeux verts s'écarquillent et je ne peux pas m'en empêcher, je pouffe de rire.
— Une athlète, hein ? s'enquiert une voix qui me submerge de frissons.
Raven s'assoit sur le siège juste devant le mien, le dos contre la vitre, sans cesser de me fixer. Perdue dans le bleu profond de ses yeux et l'odeur boisée qui irradie de lui, il me faut de longues secondes avant de parvenir à articuler un mot.
— Un truc comme ça...
Les coins des lèvres du Corbeau remontent, ses pupilles pétillent de curiosité pourtant il n'ajoute rien et le car démarre. Le trajet est rythmé par les éclats de rire de Lucy et Maïa à l'autre bout de l'habitacle ; leur conversation avec le Moineau semble animée mais chaque fois que monsieur-le-porc ouvre la bouche, il semble s'effacer. À mes côtés, il n'y a que les deux garçons qui brisent le silence. Ils se frittent, se défient mais paraissent s'entendre à merveille. Savannah, elle, reste focalisée sur le paysage qui défile à l'extérieur et ce, même quand son voisin de derrière essaie de la faire réagir. Elle prévient plusieurs fois Isaiah de lui lâcher la grappe et j'en viens à me demander ce qu'elle fait ici. Elle n'a pas l'air d'apprécier notre compagnie, ni d'avoir particulièrement envie de faire ami-ami avec qui que ce soit d'autre, alors pourquoi s'inflige-t-elle cette soirée ? Cette fille est une véritable énigme. Au bout de ce qui me paraît être une bonne vingtaine de minutes, je finis par jeter un œil aux rues américaines qui regorgent de buildings tous plus impressionnants les uns que les autres et remarque que nous prenons de la hauteur. Nous nous retrouvons vite piégés dans ce qui ressemble à une prison en fer forgé. Mon estomac se retourne. Plus le bus avance, plus j'aperçois l'étendue d'eau qui se déroule face à moi. Sous nos pieds. Je crois que je vais vomir.
— On... On est sur un pont ? m'étouffé-je, le cœur battant.
— Yep ! Le pont de Brooklyn, me répond Isaiah. Pourquoi, t'es jamais passée là ?
Incapable de contrôler ma respiration qui s'accélère, je secoue la tête dans un mouvement frénétique. J'ai beau tenter de toutes mes forces de me concentrer sur autre chose que la barrière en ferraille derrière laquelle Axel apparaît encore et encore, les flashs me reviennent par dizaines. Je me revois sortir de ma voiture en panique. Je me revois sonder le pont Mirabeau. Je revois mon meilleur ami lâcher la rambarde. Je revois son corps disparaître dans l'obscurité de la nuit. Aujourd'hui aussi, il fait noir. Aujourd'hui aussi, je suis sur un pont.
— Eh, Willow, est-ce que ça va ?
Une douce chaleur se dépose sur mon épaule. Je fais volte-face et entrevois la silhouette du Corbeau que je reconnais à l'odeur du parfum qui s'empare de mes narines. Tout est flou, tout m'écrase, tout s'écroule. Les images du suicide d'Axel refusent de me libérer. Tout ce que j'arrive à distinguer, c'est ce pont qui n'en finit plus. Ce pont qui se mélange avec celui qui m'a volé mon meilleur ami. Une caresse bouillante se dépose dans ma nuque et soudain, un ciel d'été remplace la cruauté de mon pire cauchemar.
— Willow, Willow, Willow... regarde-moi.
Je comprends enfin à qui appartiennent ces prunelles bleues. Je comprends enfin pourquoi le calvaire semble plus supportable. Raven est là. Il est là, il me soutient et je m'accroche à sa présence comme à une lueur au bout du tunnel.
— N'y pense pas, okay ?
Ses yeux quittent les miens une fraction de seconde pour se poser sur la raison de ma noyade et je fais l'erreur de l'imiter. Mon souffle se saccade davantage, mes larmes coulent, je vais m'effondrer.
— Merde... non, Willow... Concentre-toi sur moi, okay ? C'est bientôt fini. Attends, raconte-moi un truc, parle-moi.
Je le dévisage sans comprendre, sans réussir à réfléchir. Qu'est-ce qu'il veut que je lui dise ? Je ne suis même pas sûre d'être en mesure de prononcer quoi que ce soit.
— C'est pas toi qui aime le mec bouclé, là ? Le chanteur que tout le monde idolâtre en ce moment, l'anglais ?
Les sourcils froncés, je fouille dans mon esprit pour essayer de trouver de qui il s'agit.
— Harry ? gémis-je entre deux soubresauts.
— Ouais, c'est ça ! Harry quelque chose ! Je l'ai vu sur la coque de ton téléphone quand tu l'as oublié au bar.
Je ne vois pas bien ce que Harry Styles vient faire dans cette situation, mais je me contente d'écouter Raven comme si ma vie ne dépendait que ce qui pourrait sortir de sa bouche. Que de ses pouces qui dessinent des cercles sur mes joues.
— Qu'est-ce que tu aimes le plus chez lui ? me demande-t-il d'un ton doux.
— Sa... Sa voix...
— Alors ferme les yeux. Imagine-la dans ta tête. Imagine-le, lui aussi. Imagine-le dans une salle de concert, ou alors juste devant toi, et écoute-le chanter ta chanson préférée.
Les paupières closes, je ne suis qu'à moitié les directives du Corbeau. Au lieu de me concentrer sur un Harry imaginaire, je me fais emporter par la tessiture grave de Raven, par sa prévenance.
— Il est là, devant toi avec une guitare. Enfin je sais pas si ce mec sait jouer de la guitare... Imagine-le avec un instrument, n'importe lequel. Ou alors simplement assis sur un tabouret. Autorise la musique à t'envahir. Il n'y a plus qu'elle. Plus que lui. Plus rien d'autre n'existe que ça. Voilà, c'est bien. Maintenant inspire...
Il prend une profonde inspiration.
— Expire.
Il souffle bruyamment.
— Inspire...
Il recommence, encore et encore, sans doute pour que je cale mon rythme au sien. Petit à petit, à force de me laisser bercer par ses mots qui ne ressemblent désormais plus qu'à des murmures, je me calme. Mes tremblements diminuent, je retrouve un peu d'oxygène, mes sanglots se tarissent... Tout va bien, Willow. Respire.
— Ça va mieux ?
L'autocar réapparaît autour de moi, le ciel d'été aussi.
— Je... Je suis désolée... chuchoté-je en reniflant.
— T'en fais pas, répond-il sur le même ton.
Son front contre le mien me rassure autant que ses doigts contre ma peau et, lentement, je reprends mes marques. Je me souviens où je suis, ce que je fais ici.
— Hey, vous deux, je crois qu'on arrive...
Je tourne la tête malgré moi pour observer Isaiah qui se rassoit à sa place. Quand s'est-il levé ? Où était-il parti ? Un peu déboussolée, je scrute les alentours et remarque que la jupe pleine de chaînettes de Savannah me fait face. Debout dos à Raven, elle paraît nous protéger des regards indiscrets tout en m'accordant un peu d'intimité.
— Merci, Sav', lance le Corbeau sans me quitter des yeux.
L'Hirondelle hoche la tête, puis se dirige vers la sortie, suivie de près par Isaiah, qui lui a plus de mal à ne pas me dévisager, une inquiétude évidente incrustée sur le visage.
— Tu viens ? Ou alors tu préfères appeler ton chauffeur ?
Hésitante, je souffle. Est-ce que j'ai vraiment envie de me retrouver au milieu de dizaines de personnes que je ne connais pas après une expérience aussi intense ? Je pense un instant à mon duplex vide, à la solitude qui m'étreindrait si j'y retournais maintenant et ma poitrine se serre.
— Je ne veux pas rester toute seule... me lamenté-je.
— Alors viens, on y va. Je te lâche pas d'une semelle.
Encore une fois, la gentillesse de Raven m'émeut aux larmes. Elle me pousse dans mes retranchements, me rappelle tout ce qu'Axel ne m'offrira jamais plus. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je me dégage de la prise du Corbeau pour pouvoir me jeter dans ses bras. D'abord surpris, il se fige, mais finit par me serrer contre lui en me frottant doucement le dos. Ça va aller, maintenant. Ça va aller...
— Merci, Raven...
_________________
Coucou tout le monde, comment ça va ?
Je suis désolé, j'ai pas encore eu le temps de me poser pour aller voir vos commentaires sur la partie précédente. Mais j'ai vu qu'après ma petite chouinerie, vous aviez été quelques-uns à me laissez un petit commentaire et merci pour ça. ça me fait super plaisir. Je suis désolé de me plaindre sans cesse, ce n'est pas la meilleure période de ma vie en ce moment. Enfin bref, j'espère quand même que cette histoire vous plait un peu.
Du coup, royal de moyen de se déplacer ou pas si ouf au vu du conducteur ?
Qui veut un Raven, maintenant ? A moins que sa réaction ne vous paraisse pas si cool que je ne le trouve ?
Et la réaction de Savannah alors, elle est comment ? J'ai un peu envie de voir comment vous la trouvez, les gens qui ne pouvaient pas la bairer.
La musique, bon bah trend Tik Tok, j'ai beaucoup aimé la chanson. Elle vous plaît ?
Voilà voilà, c'est tout pour moi. Je passe sur vos commentaires en rentrant, encore merci pour votre réaction et votre soutien.
Prenez bien soin de vous les potes.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top