Chapitre 10 | 3

"No one will win this time,

I just want you back.

I'm running to your side,

Flying my white flag, my white flag."

Surrender – Natalie Taylor. (En média).


Rouge de colère, mon grand-père me lance un regard glaçant. Un regard que je hais plus que tout au monde. Un regard de déception. Il secoue la tête avec un dégoût assez évident, mais lorsqu'il s'apprête à ouvrir la bouche pour me confirmer que je ne suis plus assez bien pour être sa petite-fille, Welling l'en empêche. Choqué, ou peut-être confus, il dévisage son ami comme s'il venait de le trahir.

— Scott, qu'est-ce que c'est que ce cinéma ?

J'aimerais avoir le même courage que Raven et foncer dans le tas, mais je ne suis pas comme lui. Je ne le serai jamais. Malgré tout, je donnerais n'importe quoi pour pouvoir rire au nez de ce coach, l'envoyer sur les roses, lui hurler que ce n'est pas un caprice. Cet homme ne me connaît pas, il n'a pas le droit de me juger. Il n'a aucune idée de ce que ça me fait d'être sur la glace sans Axel. Il ne voit pas son meilleur ami mort le dévisager à chaque fois qu'il tente une nouvelle figure. Il ne ressent pas l'explosion dans sa poitrine à chaque fois que quelqu'un d'autre le touche pour assurer sa réception. Il n'a pas envie de vomir à chaque fois qu'il se rend compte qu'il est en train de remplacer la seule personne au monde qu'il n'aurait jamais dû perdre. J'ai essayé de reprendre le patinage après la blessure d'Axel. J'ai essayé. Mais seule, ce n'était plus pareil. Alors maintenant qu'il est parti pour de bon, comment je pourrais ne serait-ce qu'imaginer lui voler le rêve que cette satanée voiture rouge lui a arraché ? Quel genre d'amie serait prête à faire une chose pareille ?

— Non, non, non, tu ne vas certainement pas me faire ce coup-là, Hamilton ! s'énerve l'entraîneur en m'extirpant de mes pensées.

Je ne sais pas depuis combien de temps il se dispute avec l'instigateur de cette journée catastrophique, mais j'ai l'impression d'avoir loupé une partie très importante de leur discussion parce que je n'y comprends plus rien.

— Tu sais ce que je pense de ce genre de conneries ! Tu sais pour Nathalie et tu sais aussi que je ne ferai pas à une gamine ce qu'on a fait avec moi !

— Oh, je t'en prie, Charles ! Ne mêle pas Nathalie à tout ça, ça n'a rien à voir !

— Tu connais mes positions sur ce genre de décisions. Je ne changerai pas d'avis parce que ton nom est placardé sur toutes les patinoires de la ville.

Welling semble hors de lui. Ses grands gestes sont de plus en plus frénétiques, mais mon grand-père garde sa nonchalance habituelle. Tant et si bien que le coach finit par s'éloigner avec humeur. Moi aussi, il me fait cet effet-là, aujourd'hui. Moi aussi, je voudrais pouvoir lui tourner le dos et m'en aller.

— Tu es contente de toi, j'espère ?

Sidérée, je fixe mon aïeul sans parvenir à réagir.

— Je sais que c'est difficile pour toi, Willow, reprend mon interlocuteur d'un ton paternaliste, mais si tu n'acceptes pas qu'on t'aide, tu vas perdre tout ce que tu as connu. Cette situation est tragique, c'est vrai. C'est normal que ça t'atteigne. Mais là, tu la laisses t'achever, et ça, c'est lâche. Tu n'es pas lâche. Les Hamilton ne sont pas lâches. Alors reprends-toi. S'il te plaît.

Il pose une main délicate sur mon épaule, pourtant j'ai envie de la lui briser. Comment ose-t-il ? Comment peut-on avoir si peu de considération pour un autre être humain ? Qu'on prétend aimer, en plus. Pourquoi est-ce qu'il ne veut pas comprendre que ce n'est pas de ça dont j'ai besoin ? Je ne peux pas guérir de la perte d'Axel en allant dans tous les endroits qui me rappellent qu'il devrait être là. Ce n'est pas possible. Peut-être que j'ai tort, mais pour le moment, la seule chose que je suis en mesure de tenter c'est de me rendre dans des lieux où il n'a jamais laissé aucune trace. Comme si déposer les miennes quelque part pouvait m'aider à faire vivre ce bout de moi qui n'a jamais eu besoin de lui pour survivre. Et si en m'accrochant à la nouvelle Willow, je prenais conscience qu'Axel n'est pas seulement la meilleure partie de ce que je suis ? Et si en l'autorisant à voir le jour, je m'offrais une chance de rencontrer d'autres cœurs que celui de mon meilleur ami ? Deux prunelles aussi claires qu'un ciel d'été apparaissent dans mon esprit. Le sourire de Raven inonde mes synapses, et le temps d'une seconde, l'image de mon grand-père qui tourne les talons pour m'abandonner à mon sort ne me touche plus.

ᴥᴥᴥ

Assise sur l'un des sièges juste devant la barrière transparente, je me sens soudain vide. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que toute cette mascarade est terminée ? Est-ce que je peux rentrer ? Est-ce que je vais pouvoir garder cet appartement maintenant que mon aïeul a compris que je n'étais pas assez courageuse pour honorer le nom des Hamilton ?

— Willow ?

Une intonation légère m'aide à retrouver le chemin de la lumière dans tout ce brouillard, et je lève les yeux vers Amy. Enveloppée dans une grosse doudoune bleu clair, elle me sourit.

— Je voulais simplement te remercier pour aujourd'hui. Et...

Ses sourcils se froncent au moment où deux ruisseaux s'éclatent sur mes pommettes.

— C'était un vrai plaisir de te rencontrer, lâché-je en essuyant mes larmes avec vivacité.

Un rictus poli plaqué sur le visage, j'observe la petite brune sans vraiment la voir. On dirait qu'elle se dandine d'un pied sur l'autre, mais je ne suis pas bien sûre de comprendre pourquoi.

— Je me demandais si... enfin, c'est sans doute pas le moment, mais j'aurais voulu savoir si tu prévoyais de revenir.

Perplexe, je garde le silence.

— Tes conseils m'ont été précieux aujourd'hui alors... je me disais que ça pourrait être génial de voir comment tu travailles.

— Je ne suis pas certaine de pouvoir te promettre ça, grimacé-je.

— Oh... Oui, bien sûr... C'est pas grave, murmure-t-elle dans un mensonge incontestable. Mais, si jamais t'as envie de... je ne sais pas trop... ben, au pire, viens, ce soir. Il y a un gala, c'est pour ça qu'on s'entraînait tous un dimanche.

— Je vais réfléchir.

Amy acquiesce, mais ne paraît pas convaincue par ma réponse. Sa proposition est adorable ; pour autant, je suis encore loin de pouvoir replonger dans cet univers de paillettes, même quand rien ne m'oblige à enfiler mes patins. Je n'y suis pas prête. La dernière fois que j'ai assisté à ce genre d'événement, les parents de Neven ont appelé les miens pour leur annoncer que le quatre-quatre dans lequel se trouvaient leur fils, Axel, Océane et Lucas avait percuté un camion-citerne à quelques kilomètres de là. Ils étaient sur la route parce qu'ils revenaient en ville pour me voir danser. C'était ma soirée, et je les avais suppliés d'être présents après avoir fêté la réussite du match des trois basketteurs de notre jolie équipe. Ils ont tous fini dans cet accident parce que je voulais qu'ils soient avec moi, parce que je voulais qu'ils assistent à ça. Parce que je voulais qu'ils connaissent mon monde. Ce monde les a tués. Je les ai tués. Je ne veux plus jamais me rendre à un gala.

— Est-ce qu'on peut parler un peu ?

Sans vraiment attendre ma réaction, le coach Welling se laisse tomber dans le fauteuil en velours rouge à côté du mien. Déterminée à lui demander de me lâcher la grappe, je me tourne vers lui d'un mouvement sec, mais son regard désolé me paralyse. La tristesse qui brille dans le fond de ses pupilles est bien trop réelle pour que je me permette de l'envoyer paître.

— Rassure-toi, je ne suis pas là pour te persuader d'accepter ces séances d'entraînement, me promet-il d'un air doux. Je n'avais aucune idée que tu ne voulais pas de cette remise en forme. Je n'aurais jamais consenti à cette rencontre si ça avait été le cas.

— Alors qu'est-ce que vous attendez de moi ?

J'ai beau ressentir toute sa détresse, je ne peux pas m'empêcher de me méfier. Pourquoi est-ce qu'il me dit ça ? Qu'est-ce que ça lui apporte de venir discuter avec moi quand il vient de se mettre à dos un homme aussi influent que mon grand-père ?

— Rien, Willow. Rien du tout. Je tiens simplement à te dire que si tu as besoin, les portes de cet établissement, de mon bureau, des vestiaires te sont ouvertes.

Mais à part ça, t'essaies pas de me convaincre.

— Je sais à quel point ta situation est difficile...

— Vous ne savez rien de ma situation, craché-je sur la défensive.

Welling sourit, puis soupire. Un court silence s'installe entre nous alors qu'il se met à observer cette piste blanche qui semble régir sa vie autant qu'elle a régi la mienne.

— Quand ma femme est morte et qu'il a fallu que je remette mes patins pour mes premiers championnats sans elle, j'ai cru qu'on me demandait l'impossible. Travailler de nouvelles... et même d'anciennes chorégraphies avec une autre patineuse m'apparaissait comme la pire des trahisons que je pouvais commettre. Tout ce que je souhaitais, c'était arrêter. Couper les ponts avec le moindre détail qui pouvait me ramener à la glace. Sauf que moi, je n'ai pas eu ton courage, Willow.

Abasourdie, je dévisage Charles comme si ce qu'il racontait n'avait aucun sens.

— Je n'ai pas osé dire non quand on m'a poussé à reprendre le sport. Ma soi-disant passion. Et ça a détruit l'image que j'avais de cette discipline. Je ne voyais que Nathalie. Partout. Tout le temps. Ça m'a poussé à faire des choses que je regrette. Alors aujourd'hui, j'aimerais t'aider à éviter ça. Mais je voudrais aussi que tu saches que tu peux compter sur moi si un jour tu as envie de renouer avec la glace. Même si c'est dans des mois. Même si tu n'entres ici que pour regarder la piste ou pour t'y allonger. Même si tu n'enfiles plus jamais tes patins. Si tu as besoin, tu viens. N'importe quand, n'importe quel jour, à n'importe quelle heure. Je laisserai une clé pour toi à l'accueil, comme Amy en a une. Tu n'es pas obligée de l'utiliser. Tu n'es pas obligée de venir. Et si tu viens, tu n'es pas obligée de me le faire savoir ou de croiser ma route. Tout ce que tu as à prendre en compte, c'est que tu as cette possibilité.

Ma gorge me brûle, ma vision se brouille, je ne sais plus quoi penser. Perdue, je fixe les manches noires de la veste d'Axel en les revoyant se déposer devant mes yeux quand il arrivait derrière moi avec ses petits « devine qui c'est ». Son chuchotement est si distinct dans mes souvenirs que j'ai presque la sensation de l'entendre une nouvelle fois. Comme si, en me retournant, j'avais une chance de le voir me sourire avant de me prendre dans ses bras.

— Comment est-ce vous avez fait, vous ? articulé-je d'une voix enrouée de larmes.

— Comment j'ai fait quoi ?

Ses prunelles sombres cherchent les miennes, mais je reste focalisée sur la présence de mon meilleur ami. Celle que j'invente, mais qui soulage le moindre pic de douleur à deux doigts de me transpercer.

— Pour renouer avec la glace.

— Je l'ai d'abord détestée. Puis je l'ai délaissée. Pendant des années. J'ai laissé ma carrière s'effondrer sans rien faire de concret ou de sain à côté. Je me suis démoli en même temps que j'ai démoli ce que le patinage m'avait poussé à construire. Et puis un jour, après avoir fait mon deuil, j'ai eu besoin de la revoir. Juste de la regarder. Alors je suis entré dans la première patinoire que j'ai trouvée et j'y ai rencontré un jeune. Il devait avoir à peine douze ans. Il s'entraînait dur, aussi dur que moi avant de perdre Nathalie. Je voyais en lui tout ce que je n'avais plus. Pourtant j'avais quelque chose qu'il n'avait pas : la technique. L'expérience. Je suis revenu le voir plusieurs fois, et au bout d'un certain temps, je l'ai conseillé. Puis entraîné. Et j'ai pris conscience que même si je ne pouvais plus enfiler mes patins sans Nathalie, j'étais quand même en mesure de me rendre utile dans cet environnement que je n'arrivais pas à quitter. J'ai besoin de cette piste, de ce froid, de cette chose qui vibre en moi quand je suis ici. Alors j'ai fait en sorte de mettre la main sur ma façon à moi de faire revivre cette étincelle que la mort de ma femme a étouffée mais sans laquelle je ne suis qu'une coquille vide.

Une coquille vide... C'est ça. C'est exactement ça. Sans Axel, je ne suis plus qu'une coquille vide. 


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Coucou tout le monde, comment ça va ?

Moi, je crois que je suis malade, mais je suis content. Les premières pré-commandes de mon nouveau livre arrive tout doucement et les réactions que je reçois sont juste incroyables. Si y'a des personnes que ça intéresse, la date de sortie officielle, c'est le 5 novembre. Donc si jamais vous voulez vous procurer une version eBook ou que vous préférez acheter la version brochée via Amazon, sachez qu'elles seront toutes les deux disponibles le 5 novembre. 

Je mettrai aussi des exemplaires dédicacés (avec goodies) en vente sur Etsy et remettrai les packs cadeaux pendant tout le mois de décembre. Il est possible aussi que j'organise un petit concours pour Noël, donc gardez un œil sur mes réseaux ! 

J'ai très très hâte que les personnes qui l'ont/vont l'acheté/r me disent ce qu'elles en pensent mais j'ai surtout hâte de vous présenter mon prochain livre, qui lui sera un livre qui ressemble bien plus à ce que j'ai l'habitude d'écrire. Il est actuellement en cours et c'est, pour l'instant, le projet dont je suis le plus fier. Donc j'ai hâte, hâte, hâte. De toute façon, quand il s'agit de voir vos réactions, j'ai toujours hâte.

Bref, bref, j'arrête de parler et je vous laisse un peu la parole : 

Vous pensez que Willow va finir par renouer avec la glace ? Qu'elle va utiliser la possibilité que le coach lui offre de venir quand elle veut ? Vous aimeriez qu'elle le fasse ? 

D'ailleurs, en parlant du loup, le coach Welling, on l'aime bien finalement ?

La musique, je ne sais pas si elle est connue ou pas, je l'ai découverte sur Tik Tok et elle m'a beaucoup touché. Elle vous plaît ? 

 Voilà, voilà, c'est tout pour moi. 

Je vous dis à mardi ou mercredi. Et en attendant prenez bien soin de vous les potes. 

On se retrouve sur mes réseaux, si mon livre vous intéresse. 

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