Chapitre 20

- Whaou ! Je suis complètement morte ! s'exclama Lucie en s'étirant.

Susan acquiesça, somnolente sur la chaise de son amie, sa tête dodelinant de gauche à droite.

Leur journée avait été épuisante ! Entre l'histoire de ce fichu hashtag, l'alien campeur du côté de Lucie et les trois zigotos suants pour Susan, les tenues à essayer et à retoucher ainsi que les entraînements ! Elles en avaient juste un tout petit peu marre.

Susan attrapa son téléphone et le déverrouilla. Son Twitter apparut aussitôt devant ses yeux, comme hypnotisée, elle ne put s'empêcher de faire glisser son fil d'actualité :

« Fighting Noona ! Tu es plus jeune que moi mais je t'admire tellement que j'ai décidé de t'appeler Noona ! Je t'aime, ne t'occupe pas de ceux qui sont méchants avec toi ! Tu es la plus belle ! Fighting ! #SusanYouArePerfect »

« Tu chantes trop bien ! #SusanYouArePerfect »

« J'aime beaucoup tes cheveux et tes yeux, ils vont bien ensemble ! #SusanYouArePerfect »

« J'espère que tu vas continuer à chanter ! J'ai hâte de te revoir à la télé ! #SusanYouArePerfect »

« Eonni, vas-tu sortir un album ? Toi et Jungkook Oppa étaient tellement beaux ! J'espère que vous finirez ensemble ! #SusanYouArePerfect #LoveSuKook »

La jeune fille sentit ses mains tremblées.

- Hé... qu'est-ce qu'il t'arrive ? demanda Lucie, voyant son amie recommencer à pleurer.

Un petit sourire éclaira son visage et les larmes coulèrent jusqu'à la commissure de ses lèvres.

- Ils... ils sont tellement gentils... sanglota-t-elle en s'essuyant maladroitement le visage.

La blonde lui sourit aussi. Ah, Susan venait de découvrir les messages d'encouragements de ses fans ! Elle était heureuse pour elle ! Même si, au fond d'elle-même, elle ressentait des fois une petite once de jalousie pour son amie. Ce qu'elle trouvait tout à fait normal ! Après tout, qui n'aurait pas été envieux de sa situation ?

Lucie soupira légèrement. Oui, même si elle était envieuse, Susan restait sa meilleure amie. Elle se devait de la soutenir dans toutes les situations, sans jamais chercher à profiter de ses faiblesses ou autres. Et puis, ce n'est pas qu'elle était une fragile mais, voir pleurer Susan presque tous les jours la confortait dans l'idée qu'être sur la scène n'était peut-être pas un métier pour elle !

- Je... je crois que je vais arrêter pour aujourd'hui, tu ne crois pas ? renifla Susan en riant.

Lucie hocha la tête :

- Je crois que c'est en effet, une très bonne idée ! Aller, on ne va pas tarder à rentrer, Eomeonim va nous attendre sinon !

Susan acquiesça et, une heure après, elles étaient toutes les deux au chaud dans la maison des Kang.

- Alors les filles, comment se passe votre intégration en Corée ? leur demanda Madame Kang en commençant à manger.

Entre deux bouchées de riz, les françaises lui racontèrent leurs premiers mois en détails, ne tarissant pas d'éloges sur le pays qui les avait accueillis malgré quelques incidents. Madame Kang les écoutait attentivement et réagissait parfois à ce qu'elles disaient.

- Bon, je crois qu'il est temps pour vous d'aller dormir, n'est-ce pas mes enfants ?

- Oui Eomeonim ! répondit Lucie.

- Bonne nuit à vous aussi Eomeonim, bailla Susan, une main devant la bouche.

Le sourire bienveillant de Madame Kang les accompagna jusqu'à ce qu'elles passent la porte du salon. Puis, elle appela la gouvernante pour qu'elle s'occupe de la vaisselle et partit dans ses appartements.

Les deux jeunes filles se levèrent de bonne heure le lendemain, ce qui les fit arriver à l'agence vers 8h30.

A peine eurent-elles passée le pas de la porte que le PDG en personne les interpella :

- Susan ! Lucie ! Venez s'il vous plaît ! J'ai à vous parler !

Elles se regardèrent toutes les deux, la même lueur inquiète dans le regard. Mon dieu ! Mais qu'avaient-elles fait, encore ?

Bon, elles devaient respirer et récapituler ce qu'elles avaient effectué hier... Elles n'avaient pas brûlé l'atelier... elles n'avaient pas laissé J-Hope assommé dans un placard... elles n'avaient pas renversé la coloration de Suga sur la tête de Taehyung parce qu'elles étaient énervées... ok, peut-être qu'elles avaient un peu abusé en forçant Jungkook à aller prendre une douche en le ligotant et en le traînant de force dans les vestiaires. Mais elles n'étaient pas seules ! RapMonnie était complice !

Mais alors... qu'est-ce que c'était ?

Alors qu'elles étaient en pleine confusion mentale, le PDG les fit entrer dans son bureau en faisant bien attention aux regards indiscrets à l'extérieur. Il les fit asseoir et passa derrière le meuble pour se poser dans son fauteuil.

- Bien... Au début, je n'avais pas vraiment l'intention de vous le faire savoir mais je vois que cela a pris des proportions plus importantes que je ne l'imaginais...

Susan commençait, lentement mais sûrement, à paniquer intérieurement. Cela se ressentait sur sa manière d'être puisqu'elle se tordait les mains d'anxiété, arrachant les petites peaux de ses doigts et se retenant de ne pas se ronger les ongles.

- Et... pourquoi ce soudain changement d'avis ?

Monsieur Bang soupira et Lucie baissa la tête dans une prière muette. Faites qu'il ne leur arrive rien de grave, s'il vous plaît.

L'homme en face d'elles ne leur répondit pas et leur tendit seulement un magazine en papier glacé, caractéristiques des revus à scandales. Susan écarquilla les yeux en découvrant une photo d'elle et de Jungkook sur un canapé, sa tête sur l'épaule du jeune homme, dormant paisiblement. Lucie hoqueta, revoyant la scène comme si elle s'était passée il y a une heure à peine.

La blonde se souvenait de cette photo prise par Taehyung, le jour où elle était restée à l'agence pour travailler sur la veste du chanteur. Mais que faisait-elle en première page de ce vulgaire torchon ? Ses yeux bleus déchiffrèrent le titre : « Susan Delanay cherche à séduire les BTS pour percer dans le monde du divertissement ! »

Elle en fut tellement surprise qu'elle mit ses mains devant sa bouche. Quelle était cette horreur ? Pourquoi disait-on cela ? Son amie n'avait absolument rien fait ! Elle n'était en aucun cas coupable de ce genre de choses !

- Excusez-moi, comment ce tabloïd s'est-il retrouvé en possession de cette image ? l'interrogea Lucie.

- Suite aux hashtags haineux concernant Susan, les garçons ont voulu réagir à leur tour en postant des messages d'encouragements. C'est V qui a mis cette photo sur Twitter, regardez.

Il sortit son portable et leur montra le post en question avec la légende en dessous, « Ne sont-ils pas mignons nos maknaes ? Kékékéké. Prenez-bien soin d'eux ! »

- Malheureusement, un certain nombre de fans ont très mal réagi suite à cette photo. Je ne peux pas blâmer seulement vous, car Taehyung ainsi que Jungkook sont aussi en faute, ils n'avaient pas à être aussi proche de vous, leur expliqua-t-il posément.

- Monsieur... je vous jure... je, chercha à se défendre Susan, je n'ai jamais envisagé de telles choses !

Un geste de la main du PDG l'arrêta.

- Je m'en doute bien, mais je vais devoir prendre des mesures contre ça. Jeunes filles, je vous demandez de vous tenir éloignées des BTS pendant une durée indéterminée, le temps que cela se calme. Lucie, tu t'occuperas essentiellement de Susan désormais.

Prise de panique, la voix de Susan monta dans les aigüs :

- Monsieur ! Lucie n'a rien fait ! Pourquoi lui interdire à elle aussi ?

- Calme-toi veux-tu, je ne veux pas prendre de risques. En tant que françaises et étrangères en ce pays, il vous faut respecter les règles. Maintenant, si vous voulez bien retourner à vos occupations, j'ai des affaires importantes à régler.

Encore sous le choc de ces révélations, les deux jeunes filles s'inclinèrent et s'échappèrent silencieusement de la pièce. Elles errèrent dans les couloirs jusqu'à se réfugier dans une salle de danse vide. Susan s'écroula sur le sol et resta quelques minutes figée dans la même attitude, le regard perdu dans son reflet en face d'elle. Lucie, elle, s'était laissée glisser le long du mur et ne parlait pas.

Le sort s'acharnait n'est-ce pas ? Elles ne lui avaient rien demandé pourtant, si ce n'était une vie plus palpitante et une petite once de chance. Parce que c'était un peu grâce à ce joli principe qu'était la chance, qu'elles étaient réunies ici. Mais maintenant, le trèfle à quatre feuilles s'était fané, le fer à cheval s'était brisé et l'attrape rêves avait laissé passer les cauchemars.

C'était un peu ça, au fond. Un songe qui s'effiloche au fil du temps. C'était fini maintenant, la dure réalité allait les rattraper, leur dévorer leur âme pour ne laisser que des corps vides de joie et de bonheur.

Lucie sursauta légèrement et porta sa main contre sa joue. La pulpe de ses doigts rencontra une substance humide. Elle pleurait. Un petit sourire triste s'empara de ses lèvres un court instant. Les larmes avaient mis du temps à sortir de leur cachette ; cela faisait trop longtemps qu'elle les attendait. Elle ne chercha pas à les essuyer, les laissant simplement couler sur ses joues pâles.

La blonde jeta un regard à sa meilleure amie et découvrit qu'elle était dans le même état qu'elle. Décidemment, elles ne faisaient que pleurer ces derniers temps !

- Hé... on va arriver à surmonter ça, non ? lui demanda Susan au bout d'un certain temps.

- Mmh... ouais, on va réussir...

Lucie se traîna sur le sol vers Susan qui lui ouvrit ses bras. Elle se blottit à l'intérieur et elles restèrent comme ça, dans le silence réconfortant de leur amitié.

- On va se battre jusqu'au bout, hein ?

- Oui Lucie... oui... je te promets que tu ne partiras pas d'ici... je te promets... chuchota Susan en lui caressant les cheveux.

- Et toi ? Tu promets que tu resteras avec moi ?

Susan sourit mais ne lui répondit pas. Elle ne pouvait pas lui promettre une chose pareille, ce n'était pas possible. De plus, cela faisait déjà quelques temps qu'elle se posait la question de savoir si, oui ou non, elle restait en Corée du Sud.

Elle n'avait que dix-sept ans après tout, sa vie venait juste de commencer. Comment pouvait-elle savoir si elle avait fait les bons choix en venant dans ce pays, en s'éloignant de sa famille ? Etait-ce réellement son rêve ? Celui-ci prenait de plus en plus l'aspect d'un affreux cauchemar. Elle voulait juste sortir de toutes ces histoires, respirer un grand coup à l'air libre. Elle avait la sensation de se noyer dans les insultes et les reproches, elle avait besoin d'oxygène !

Si partir était la solution alors elle partirait.

- Sou... tu ne vas pas me répondre ?

- Hein ? Oh, pardon Luce, c'est rien... retournons travailler.

Susan se détacha de son amie, se leva et sortit de la salle comme absente. Lucie se retrouva seule avec ses ombres. La jeune fille se recroquevilla en position fœtale et se mit à sangloter. Son dos tremblait et elle sentit un souffle glacé lui geler les membres et la poitrine.

Susan allait partir. Elle l'avait ressenti jusqu'au plus profond d'elle-même. Son cœur s'était compressé et son souffle s'était bloqué dans sa gorge. Son amie l'avait décidé et elle ne pouvait rien y faire. Ses pauvres yeux la piquèrent une nouvelle fois et l'eau dévala ses joues comme un torrent de montagne. Comment allait-elle faire ? Comment allait-elle la retenir ? Comment ? Elle hurla :

- Comment je vais faire ! Dites le moi ! Comment ? Pourquoi est-ce qu'on nous abandonne... qu'est-ce qu'on leur a fait ? Merde alors, mais qu'est-ce qu'on leur a bien fait ! On a le droit de vivre non ? Même ça c'est interdit ? Même ça on ne peut pas ? Je ne veux pas qu'elle parte... Susan... je ne veux pas... je vous en supplie... que quelqu'un nous aide...

Ce fut ce moment que choisit un des membres de BTS pour faire irruption dans la salle. Le jeune homme se précipita vers Lucie et la souleva de terre en la secouant par les épaules.

- Lucie ! Lucie ! Qu'est-ce qu'il se passe ? Ca va ?

La jeune fille se débattit et le chanteur la lâcha.

- Ne m'approchez pas ! s'exclama-t-elle.

- Lucie... pourquoi tu me vouvoies ?

La styliste se remit debout, s'inclina devant V et partit de la salle, le regard douloureux.

- Lucie ! Lucie ! Où vas-tu ! Explique-moi ! Lucie !

Elle ferma douloureusement les paupières mais ne se retourna pas et continua sa route. Jamais elle ne l'avait entendu l'appeler d'une voix aussi suppliante. Ses jambes se mirent à courir d'elle-même. Si elle devait arrêter de leur parler, autant briser le lien le plus rapidement possible. Ne disait-t-on pas de ne pas attendre pour arracher un pansement ? Plus vite cela serait fait, mieux ils se porteront. Elle voulait y croire.

Après avoir quitté Lucie, Susan s'était réfugiée dans le studio d'enregistrement. Sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle avait réglé les platines et avait inséré le disque comprenant des maquettes composées par les BTS avant de prendre un casque et de chanter. Sa voix claire et écorchée avait alors résonné dans le studio. Elle avait l'impression de pleurer tout en chantant.

La jeune fille décida de noter toutes les mots qui lui venaient à l'esprit sur son carnet, malheureusement, elle ne l'avait pas sur elle. Après quelques recherches, elle dénicha un bloc-notes déjà gribouillée et s'en servit à son tour pour y mettre les paroles qu'elle avait chanté quelques instants plutôt. Elle passa sa journée enfermée dans le studio, imprégnée par les mélodies.

Plongée dans son travail acharné, elle n'entendit pas la porte s'ouvrir et continua à chanter à corps perdu, laissant ses sentiments balayer la pièce tel un ouragan enragé.

Des applaudissements retentirent suite à sa prestation. Elle fit volte-face et découvrit le regard fier du plus jeune des BTS qui la scrutait. Furieuse, elle enleva violemment son casque et sortit en trombe de l'atelier, bousculant le jeune homme abasourdi au passage.

Il lui attrapa le poignet avant qu'elle ne s'enfuit.

- Mais qu'est-ce qu'il te prend ! C'était super ce que t'as fait !

- Lâche-moi ! cracha-t-elle.

- Quoi ? s'écria-t-il, hé Princesse ! Je peux savoir le problème ?

La jeune fille lui fit face et lui lança un regard noir.

- Le problème ? Il n'y a pas de problèmes ! Maintenant... laisse-moi partir !

Sous le choc, le chanteur lui lâcha la main et la regarda s'éloigner, une lueur d'incompréhension dans le regard.

Susan se mit à courir dans le couloir, voulant à tout prix s'échapper d'ici. Elle ne devait pas revoir Jungkook. Le PDG avait été clair, plus de relations entre les BTS et elles. Même si cela lui brisait le cœur en tout petits morceaux, elle devait se tenir éloignée d'eux.

Ne sachant pas où aller, Susan retourna à son appartement pour essayer de remettre ses idées au clair. Quand elle passa la porte, le silence régnait dans la maison.

Elle entra et se dirigea de suite vers le salon, ne prenant même pas la peine d'allumer les lumières : la pénombre avait un effet apaisant sur elle. Elle se blottit sur le canapé et ramena ses genoux contre sa poitrine. Elle commença à se balancer d'avant en arrière avant que sa sonnerie de téléphone ne la fasse rencontrer le sol.

La jeune fille jura et se contorsionna pour attraper son petit engin qui vibrait près de sa tête. Arg. Pourquoi était-il si loin ? Merdouille.

- Allô ? Comment ? Maman, maman, calme-toi d'accord. Respire et explique-moi.

Une fois la communication téléphonique terminée, Susan s'écroula sur son lit, la tête enfoncée dans l'oreiller. Elle balança son portable à travers la pièce, et elle l'entendit se fracasser contre le mur. Elle n'y prêta pas attention et étouffa son cri dans le coussin.

Pourquoi ! Pourquoi maintenant ? Cela ne pouvait pas être possible ! Pas maintenant ! Ils n'avaient pas le droit de lui faire ça ! Elle leur avait interdit ! Ils ne devaient rien leur arriver ! Non ! Ce n'était juste pas possible ! Non !

Ses mains agrippèrent le drap comme si sa vie en dépendait ; de grands plis se creusèrent sur la couette. Son corps se mit à trembler et, bientôt, ses yeux se remplirent de larmes qui pénétrèrent le tissu immaculé. Et elle hurla. Elle hurla tant et si bien que ses cris laissèrent une longue traînée brûlante à l'intérieur de sa gorge comme si elle avait avalé des braises incandescentes.

La jeune fille ne s'arrêta de pleurer que tard dans la nuit. Elle dormit très mal, et se réveilla souvent pleine de sueur, de terrifiantes ombres noires dansantes devant ses yeux et imprimées sous ses paupières fatiguées.

Le lendemain, Susan s'habilla rapidement avant de mettre ses affaires mal pliées et désordonnées dans ses valises. Elle empoigna ses sacs et se dirigea vers la sortie de son appartement. Avec un dernier regard en arrière, elle ferma la porte, laissa les clés dans la boîte aux lettres et partit.

C'était décidé, elle retournait en France.

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Hey !

Vous savez quoi ? Je viens d'écrire un chapitre de déprimée ! Whouhou ! Nan, je blague mais là, je crois que j'ai fait fort :')

Bref, j'espère que vous avez appréciez quand même !

Et surtout, passez de bonnes vacances mes tigrous en sucre <3

Sweety ~


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