Cher journal, aujourd'hui, j'ai rencontré un homme. Il est plus âgé que moi et très protecteur. Je crois qu'il m'apprécie. Il me sourit souvent. Et m'observe quand je lui tourne le dos. Il a le regard vif. Il n'est pas très bavard et a un rire assez gars.

Cher journal, cela fait plusieurs semaines que je parle avec cet homme. Il me plaît beaucoup. Je lui en ai parlé. C'est réciproque. Aujourd'hui, on doit se voir. Il y aura mes amis avec moi. J'ai peur de rester seule avec lui. Il n'a qu'un an de plus, mais physiquement, c'est un homme.

Ça ne s'est pas bien passé tout à l'heure. En arrivant, mes amis se sont disputés. On s'est séparé en deux groupes. Avec mon amie et mon copain, nous sommes allés au cinéma. J'étais entre eux. À un moment, mon copain a pris les devants avec nous. Il a commencé à faire des choses que je ne voulais pas. Pour me punir, il a embrassé mon amie. Et lui a fait la même chose qu'à moi. Elle n'était pas d'accord non plus. J'ai pleuré.

Cher journal, plusieurs jours se sont écoulés depuis cette fameuse journée. J'ai décidé de me séparer de lui. Il me faisait peur.

Cher journal, aujourd'hui, je suis allée chez ma meilleure amie. Elle aimait beaucoup mon ex et a décidé de se mettre avec. Quand je suis arrivée chez elle, le matin, il était déjà là. Elle m'a rassuré, me disant que ça se passerait bien. Je ne me suis pas préoccupée de lui. On a fait notre montage. On s'est reposé après. J'étais allongée à côté d'elle et il est venu. Il s'est mis comme nous. Il a commencé à faire balader ses mains sales sur moi. Ma meilleure amie s'est énervée. Il a arrêté. Plus tard, il a essayé de m'embrasser. À chaque fois que je me débattais, il resserrait son bras autour de mon cou. Ma meilleure amie lui a crié dessus, alors, il l'a frappé. Il a recommencé avec ses mains. Et moi, je ne pouvais plus bouger. Je regardais ma meilleure amie hurler après lui. Le supplier d'arrêter. Je m'en voulais de ne pas avoir pu la protéger. Et elle s'en voulait de ne pas pouvoir l'arrêter. Au bout de plusieurs minutes, il m'a lâché. Je me suis enfuie. Lâche. Je l'ai laissé seule avec lui.

Je suis revenue l'après-midi. Une école primaire, une kermesse. On était en sécurité. Du moins, c'est ce que je croyais. À l'heure du départ, il a réessayé. En vain, cette fois.

Cher journal, j'ai parlé de mon histoire à une proche. Elle m'a dit de porter plainte. J'ai peur. Cher journal, ça fait un an à présent. Ma plainte a été rejetée pour faute de preuves. Aujourd'hui, j'ai peur de la violence et des hommes. Je ne leur fais plus confiance. Chacun de leurs regards m'angoisse, chacun de leurs mots sonne faux et chacun de leurs gestes m'apeure. Suite à cet épisode, je pensais que ça ne m'arriverait plus. J'ai eu tort. Il y a quelques mois, un autre homme est allé plus loin. Plus loin dans les mots, plus loin dans les gestes. Je ne porterai pas plainte, cette fois. Je suis trop lâche. Et pourtant, je ne suis pas sa seule victime. Mais elles sont toutes comme moi. Détruites. Elles préfèrent se taire car elles ont honte. Peur du regard des autres. De leurs jugements.

Elles ne veulent pas qu'on s'apitoie sur leur sort. Qu'on les plaigne. Elles veulent juste oublier et pouvoir de nouveau faire confiance aux hommes. Ne plus sursauter, lorsqu'on les effleure. Ne plus fondre en larmes, lorsqu'on les prend par la taille. Ne plus se mettre en boule, lorsqu'on fait un geste brusque près d'elles.

Cher journal, aujourd'hui, je suis une enfant harcelée. Après avoir surmonté le harcèlement moral, le harcèlement sexuel a pris sa place. Et il n'est pas plus douloureux que le précédent. Ils se valent aussi bien l'un que l'autre.

@patateblonde

Recueil : Utopia