Chapitre 19
— Regarde cette vue, c'est splendide n'est-ce pas ? Il n'y a que l'océan Pacifique qui soit de ce bleu si magique, se réjouit la Costaricaine tandis qu'elle traverse notre lodge d'un pas pressé pour atteindre la grande terrasse qui surplombe une plage sauvage en contrebas.
Le groom referme la porte de bois flotté derrière nous, et mon regard s'arrête non pas sur le paysage paradisiaque, mais sur la silhouette divine de la jeune femme plusieurs mètres devant moi. Elle s'éloigne pour rejoindre la balustrade, et je tente de capturer cette image dans mon esprit, comme une carte postale mentale que je garderai parmi mes souvenirs les plus précieux. Toujours sans se retourner, elle détache ses cheveux ébènes. Ils tombent en cascade dans son dos, jusqu'à ses reins. Jenna parait petite, au cœur de ce panorama de jungle et de mer. A sa droite, un lit suspendu par des lianes face à la mer, invitant à la paresse. A sa gauche, un jacuzzi orné d'éclats de mosaïque désordonnés dans des teintes de pierre, de sable et d'azur. Quant à elle, la terrasse est constituée de bois foncé, aux reflets presque bordeaux, qui lui donne une allure à la fois noble et naturelle. Nous n'avons pas d'autre point de vue que celui de la mer, car de chaque côté la végétation luxuriante encercle notre nid. Nous sommes seuls au monde. N'y tenant plus, je marche finalement vers elle. Je passe devant notre lit suspendu, de forme ronde et tout en bois tressé, réhaussé d'une moustiquaire blanche enveloppante, presqu'aussi fine et ouvragée qu'un voile de mariée. En face, une grande baignoire ronde aussi, taillée dans une pierre de rivière, avec pour seul robinet une tige creuse de bambou s'échappant de la paroi.
Je la rejoins et me poste derrière elle. Je pose mes mains sur la courbure douce de ses épaules et esquisse quelques caresses avant de descendre sur ses bras que j'enserre plus fermement. Je la sens frissonner contre moi, tandis que j'effleure sa peau du bout des lèvres, dans son cou. Elle penche la tête sur le côté en soupirant doucement, mes baisers deviennent plus affirmés, plus pressants. La vague de désir qui monte dans mes tripes menace de me consumer. J'ai l'impression d'être libéré de mes chaînes, depuis que mes oreillettes ont émis le signal m'indiquant que nous sommes seuls. La pudeur — ou la conscience professionnelle — qui me retenait jusqu'ici n'est plus qu'un vague souvenir.
Sans prévenir et plus brutalement que je ne l'aurais voulu, je la fais pivoter contre moi pour qu'enfin elle soit contrainte de me faire face. Plus de dérobade. Ses yeux surpris se fixent dans les miens, impassibles. Elle ne sourit plus, l'amusement est passé.
— Jusqu'où irons-nous, Quentin ? demande-t-elle à voix basse. Comme Icare, voleras-tu trop près du soleil ? poursuit-elle avec un air de défi dans la voix, mais de la détresse dans les yeux.
Pour toute réponse, je déboutonne ma chemise et la laisse tomber au sol. Ses yeux se baissent sur mon torse et ses mains viennent instinctivement se blottir contre mes pectoraux, sur ma peau brûlante.
— Tsss... Ne vois-tu pas que je me consume déjà ? dis-je entre mes dents serrées, un peu agacé.
Elle se hisse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser humide et voluptueux sur ma clavicule, comme la promesse silencieuse d'un plaisir infini, pour peu que ses lèvres ne se posent sur les miennes... ou nettement plus bas.
— Quentin... murmure-t-elle dans une grimace douloureuse. Je suis heureuse, ici et maintenant. Mais... Je ne veux pas te faire de mal... articule-t-elle tandis que ses grands yeux humides remontent à la rencontre des miens.
Je la sens sincère et fragile. Une larme perle au coin de ses cils.
— Je ne te demande rien, dis-je pour la rassurer. Ni promesse, ni rien du tout. Tu feras ce que tu voudras. Mais moi, je veux te promettre une chose, et j'espère que tu ne l'oublieras jamais.
J'attrape son menton pour être certain qu'elle ne détournera pas le regard, puis de mon autre main je saisis la sienne pour venir la poser à plat sur mon torse, juste au-dessus des battements de mon cœur qui s'emballe.
— Tu sens ? Tout ceci est réel. Je te le promets.
Elle retire sa main, un peu intimidée, et sourit imperceptiblement, bien qu'elle n'imagine sans doute pas la portée réelle de mes paroles. Je sais pertinemment qu'elle doutera de moi et de ma sincérité lorsqu'elle aura découvert le piège dont je suis complice. J'espère simplement que cette promesse lui reviendra en mémoire et qu'elle comprendra que je ne faisais pas semblant.
Pour l'heure, je fonds sur ses lèvres et savoure avec délectation son accueil lorsque sa bouche s'entrouvre, faisant tomber les dernières barrières entre nous. J'attrape ses hanches et la hisse sur la rambarde pour qu'elle soit à bonne hauteur de ma bouche, de mes mains, de mon entrejambe. Je défais son chemisier et empoigne enfin ces seins qui m'obsèdent depuis le premier jour. Elle se débarrasse elle-même de son pantalon, qui tombe plusieurs mètres en contre-bas sur le sable, sans que nous ne nous en souciions le moins du monde. Sa peau roule sur la mienne, notre simple contact intime suffit à la faire geindre. Nous n'attendons plus qu'une chose, qui a tant tardé à venir : ce moment que je redoutais beaucoup, mais désirais encore plus fort. C'est maintenant, plus personne n'y peut rien, pas même moi. J'écarte le tissu mouillé de sa culotte, et mon sexe dressé se fraye lui-même un passage entre ses lèvres gonflées. Elle laisse échapper un petit cri de surprise — peut-être même de douleur, il faut dire qu'elle est très étroite, je sens une vraie résistance sur mon membre. Loin d'être inconfortable, cette sensation de devoir m'imposer à son corps est encore plus excitante. Elle écarte davantage les cuisses pour me permettre, enfin, d'entrer entièrement. Elle se presse contre moi, comme si sa vie en dépendait, comme si elle pouvait trouver dans mes bras le seul refuge contre son dessein, celui dont elle ne m'a rien dit encore mais qu'elle semble porter à bout de bras autant qu'à bout de souffle. Je voudrais la garder ainsi, rester en elle chaque minute de cette vie, ne laisser personne nous séparer, oublier que nous sommes deux corps. Pour faire durer ce moment plus longtemps, je résiste à la tentation de la pilonner et me contente de lents aller-et-retours qui mettent nos nerfs à rude épreuve. Elle proteste à chaque fois que je la quitte, mais gémis de plus en plus fort quand je la pénètre à nouveau. Finalement, sa respiration change de rythme, sa voix monte d'une octave et son corps est parcouru de spasmes de jouissance. Je ne tiens plus, je me laisse aller à mon tour, regrettant déjà de ne pas avoir su garder le contrôle de son extase plus longtemps. Elle était mienne et à ma merci, j'aurais aimé que cette sensation ne s'arrête jamais. Pour la première fois, Jenna m'a laissé la dominer.
J'ai beau savoir qu'elle a connu de nombreux hommes avant moi, j'ai la profonde conviction d'avoir partagé un moment rare avec elle. Tandis que je la serre au creux de mes bras, son visage se tourne vers le mien et elle m'offre un nouveau baiser, plus délicat et apaisé que le précédent. L'intensité dans ses yeux, la dilatation totale de ses pupilles, sa respiration profonde et sereine, confirment mon intuition : peut-être pour la première fois de sa vie, elle est totalement détendue, elle s'abandonne et s'en remet à moi. Je la sens épuisée, comme si ces sensations nouvelles avaient fait remonter à la surface son passé difficile. Nous restons enlacés ainsi plusieurs minutes. Puis, finalement, je propose :
— Je vais te faire couler un bain.
Alors que je m'apprêtais à m'éloigner, son souffle se suspend et elle s'accroche à moi, alarmée. Comprenant qu'il est trop tôt pour rompre le contact de nos peaux, je prolonge notre étreinte. Son cœur bat la chamade maintenant, un peu affolé. Elle semble apeurée comme un petit animal. Que craint-elle ? Qu'une fois nos pulsions satisfaites, je retourne à mes occupations sans égard pour elle, jusqu'à la prochaine érection ? Est-ce ainsi que ces types riches la traitaient ? Comme une prostituée dont on se détourne, une fois souillée ? Je tente de chasser ces pensées et de décrisper ma mâchoire. Elle tressaille, et je comprends qu'elle pleure doucement contre moi.
— Jeannette, qu'est-ce qui se passe ?
— Rien, ça va. C'est juste que... son murmure s'interrompt.
— Tu peux tout me dire, dis-je pour l'encourager. Il n'y a que nous.
— Je n'avais jamais pratiqué ce genre de... choses avec quelqu'un pour qui je... je ne ressens pas de haine, explique-t-elle en cherchant ses mots, à voix basse. Je me sens... étrange, j'ai un peu le vertige, précise-t-elle en fermant les yeux.
— Tout va bien, ça va passer.
— Non, non, je n'ai pas envie que ça passe. Je suis bien...
Elle est touchante de candeur. Je sens mon cœur se gorger d'émotion, sur le point d'éclater. J'ai tellement envie de la protéger du monde, de la garder contre moi, à l'abri de tout entre mes bras. Cette femme sublime, experte en psychologie masculine, fine manipulatrice... aujourd'hui si vulnérable contre le corps d'un homme. Depuis son adolescence, elle utilise sa sensualité comme une arme, son corps comme un piège, ses sentiments comme une monnaie. Pour la première fois, peut-être, tout s'est aligné en elle. Tout est cohérent, naturel. Je comprends que ce déferlement d'endorphine soit un choc.
Je passe un bras sous le pli de ses genoux et la soulève. Elle s'accroche à mon cou et se laisse porter jusqu'au lit où je l'installe en déposant un baiser sur son front. Puis je m'éloigne pour ouvrir le robinet et l'eau tombe comme une cascade au rythme irrégulier dans la belle cuve de roche creusée. Je vérifie la température à plusieurs reprises, tandis que Jenna se lève finalement, avec paresse et langueur dans ses gestes.
— Le soleil baisse, soupire-t-elle. Il fera nuit noire dans quelques minutes. Les couchers de soleil sont très rapides, dans cette région du globe, explique-t-elle en allumant les bougies disposées partout dans la lodge.
Je me rends compte à cet instant précis qu'il n'y a pas d'électricité. Voilà qui va poser problème pour recharger mes oreillettes, dissimulées dans ma brosse à dent électrique.
— Il n'y a pas de prises de courant ?
— Non, seulement à l'accueil et à la salle de sport. Il y a des bornes là-bas, tu peux y rechercher ton téléphone.
— Ok, j'irai voir ça tout à l'heure.
Je retourne sur la terrasse pour ramasser ma chemise, dans laquelle se trouve mon micro. Je la plie et la dépose sur un fauteuil, à côté de la baignoire, pour que le son soit capté si jamais Maxence revient dans le périmètre. Il faut qu'il m'entende, sinon il pourrait s'inquiéter et stopper l'opération. J'ignore comment il va se débrouiller pour arriver jusqu'ici, mais le reste de l'équipe, à Nice, risque bien de ne pas apprécier le déroulement de la mission... Si je suis trop difficile à garder à l'œil, mes coéquipiers vont considérer que la mission est un échec : trop de moyens déployés et de risques pour bien peu de résultats... Même si j'apprécie ces quelques moments d'intimité, j'espère malgré tout que Maxence va me rejoindre rapidement, pour éviter cette issue.
La baignoire naturelle est enfin remplie, je me glisse dans l'eau chaude avec délectation. Il fait déjà nuit, comme la belle costaricaine l'avait prédit. Je l'invite à me rejoindre, et elle n'hésite pas une seconde. Elle traverse la pièce à ma rencontre, entièrement nue. Les petites bougies projettent des ombres brûlantes et mouvantes sur sa peau dorée. Elle s'allonge entre mes jambes, son dos contre mon torse, m'offrant une vue dégagée sur sa poitrine par-dessus son épaule. J'attrape la demi coque de noix de coco posée sur le rebord de la baignoire, comme un bol, et l'immerge pour la remplir d'eau que je fais ensuite dégouliner lentement sur ses seins. Elle soupire d'aise, son corps est parfaitement détendu contre le mien dans cette douce chaleur.
— J'aime beaucoup cet endroit, ainsi que la compagnie, et la vue... dis-je non sans arrière-pensée. Nous pourrions rester ici pour toujours, Jeannette...
— Non, je ne peux pas...souffle-t-elle à contrecœur.
Tout à coup, mon oreillette émet deux petits bips qui m'indiquent que mon collègue est à nouveau à portée d'ondes. Mon ventre se contracte avec une sensation désagréable. La récréation est terminée, nous ne sommes plus seuls... J'ai bien fait de placer le micro à proximité de la baignoire. Mais maintenant, j'ai très peur que Jenna ne fasse des confidences qui pourraient se retourner contre elle. Je suis ici pour ça, justement, mais je prie pour que ça n'arrive pas.
— Quentin, les gars ont bien bossé, ils ont réussi à me réserver une chambre dans un hôtel à 500 mètres du tien, j'y serai dans quelques minutes. J'espère que tu m'entends bien. On va faire un test : si tu me reçois, place le verbe "manger" dans la conversation s'il te plait.
— Demain, je t'emmènerai voir la cascade. C'est un endroit magnifique, propose Jenna. Et dans les jours suivants, nous retournerons à San José, je te montrerai l'endroit où j'ai grandi. J'y règlerai quelques affaires, aussi.
"régler quelques affaires", voilà qui fait écho à la conversation avec Armand que j'avais surprise.
— Ok, c'est toi qui décides du programme. On n'a rien mangé, tu dois commencer à avoir faim ?
— Tu as raison, on va se commander quelque chose quand on sortira de ce bain... Pas tout de suite, répond la jeune femme, indiquant malgré elle à Maxence que nous sommes en train de prendre un bain ensemble.
— Super, Quentin : confirmation bien reçue.
J'ai beau savoir que mon collègue nous écoute, la pression de ses reins contre mon bas-ventre commence à me donner des idées... je ressens des fourmillements grandissants, et ses seins appellent irrésistiblement mes mains. Histoire de garder la tête froide, j'attrape ses épaules pour la pousser délicatement en avant et réaliser des mouvements circulaires avec mes pouces sur ses omoplates. Le paysage de son dos devant mes yeux est ainsi plus sage, et elle semble apprécier le massage.
— J'ai l'impression que le temps est aux confidences et à l'intimité, tu devrais en profiter pour la faire parler, suggère mon oreillette.
Je n'ai pas envie de rompre ce doux silence entre nous, je savoure notre complicité. Nous restons ainsi un moment, je caresse sa peau avec douceur et plaisir. Finalement, elle se rallonge contre moi. Elle ne dit rien, mais elle s'est forcément rendu compte de mon excitation renouvelée lorsqu'elle a senti mon sexe dur dans son dos. Elle pose sa main sur la mienne et glisse ses doigts entre les miens, puis me guide sous l'eau vers son entre-jambe. A peine ai-je exercé une légère pression du plat de la main que sa tête roule en arrière sur mon épaule et ses reins se cambrent. Elle n'attend que ça. Je fais monter la tension par des caresses appuyées mais au rythme irrégulier pour la dérouter.
— Tu te rappelles, dans l'avion ? Je t'avais dit que tu me supplierais... murmuré-je à son oreille.
Elle peine à contenir un gémissement, en guise de protestation. Mais je n'accélère pas la cadence, bien décidé à la voir se tortiller sous mes doigts.
— Putain, Quentin, quand tu seras seul, fais-moi signe. Il faudra qu'on discute.
Mon désir et son plaisir grandissant l'emportent sur ma mauvaise conscience de la savoir sur écoute à son insu. J'éprouve peut-être même une excitation décuplée à l'idée que mon collègue soit témoin du plaisir que je lui donne. Pour l'en protéger malgré tout, et parce que je ne veux pas faire d'elle un trophée, je tends le bras et attrape ma chemise, puis l'envoie à l'autre bout de la pièce pour éloigner le micro. Dans la foulée, je place ma main sur sa bouche pour étouffer ses cris tandis que mes doigts se glissent enfin en elle.
Scrupuleusement à l'écoute de son corps, je passe de longues minutes à faire monter son plaisir mais m'interromps chaque fois avant qu'elle n'atteigne l'orgasme. Elle commence à enrager et s'impatienter, mais je sais qu'elle savoure ce jeu de soumission : pour une fois, ce n'est pas elle qui joue avec le désir de ses partenaires.
— Tu aimes ?
Un gémissement suppliant pour toute réponse, avant qu'elle n'ajoute finalement :
— Donne-moi ce que je veux vraiment. Maintenant, s'il te plait, se languit-elle.
Pourtant, et malgré ses supplications, nous ne sortons du bain que bien plus tard, à une heure déjà avancée de la nuit.
Epuisée et vaporeuse, je la laisse s'assoupir sur le lit tandis que j'enfile un peignoir et descends à l'accueil pour commander un encas. J'en profite pour changer mon oreillette et brancher celle qui a tenu toute la journée. Je m'installe dans un petit salon à l'écart pour discuter avec Maxence avant qu'il ne s'impatiente.
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