--- La peur

Il repense à ce que lui dit sa maman. Le Secret n'a rien de bien. Le Secret, il est là parce qu'il y a cent ans il y a eu plein de gens qui étaient malades. D'abord à cause d'une couronne à virus, ou quelque chose comme ça, puis plein d'autres choses. C'est pour cela que des trucs ont changé à l'intérieur de certaines personnes. La déène, ça s'appelle, s'il a bien compris. Lui et tous les gens qui portent le Secret, ils n'ont pas une déène normale.

C'est juste ça, le Secret. Une déène bizarre. Pas quelque chose qui le rend fort. Il ne peut pas combattre les monstres qui font peur à sa maman. Il peut juste se cacher.

Roulé en boule sur le béton froid, il pleure.

Un bruit le fait sursauter. Un bruit si fort que son cœur bondit.

« Ouvrez ! » crie une grosse voix.

La voix des monstres. Il le sait. Il a peur. Sa maman lui a dit qu'ils l'emmèneraient, qu'ils lui feraient mal, qu'ils l'enfermeraient lui et son Secret. Elle lui a dit qu'il serait prisonnier de sa propre tête. Qu'il deviendrait fou.

Mais à cet instant ce ne sont même pas ces histoires qui l'effraient. Non, sa peur est beaucoup plus forte, c'est la peur d'un petit animal qui se cache dans les bois, comme dans les histoires qu'il a lues. Une peur directement liée à la voix du monstre – il le sent, cette voix lui veut du mal. Elle fait battre son cœur, trembler ses bras et ses jambes.

Il se sent soudain tout petit et visible, au milieu de cette chambre vide. Il a l'impression que des milliers d'yeux le fixent dans le noir. Mais il a beau regarder de tout côtés, lui ne les voit pas. Il entend un drôle de grincement, presque un rire, s'élever autour de lui.

Il ne réfléchit pas. Il est terrorisé. Il se jette sous son lit et s'y recroqueville, les yeux fermés, les mains pressées sur ses oreilles. Il respire vite, trop vite, et son cœur bat fort, trop fort.

Et les yeux continuent de le fixer, le rire de retentir.

Il le sait qu'il imagine tout ça, les yeux, le rire, il sait que c'est la voix du monstre qui les fait surgir dans son esprit, mais ça ne les rend pas moins vrais. La réalité se délite, confondue avec ses pensées, il ne sait plus où il est...

La voix de sa maman s'élève soudain. Claire, calme. Les yeux se ferment et le rire s'éteint. Il s'accroche de toutes ses forces à cette voix.

« Je vous attendais. Je savais que vous alliez venir.

— Pourquoi ne vous êtes-vous pas cachée, alors ? »

La grosse voix du monstre... non... il doit rester concentré sur sa maman. Sa maman.

« Fuir, encore et toujours... réplique-t-elle de sa voix qui ressemble à une chanson, douce, lisse et ferme. Il y a un moment où l'on ne peut plus fuir, non ?

— Vous êtes bien atteinte de la maladie de Cardozo-Loun ?

— Je ne considère pas cette mutation comme une maladie. » Rien qu'en entendant sa voix, il peut l'imaginer, droite et forte devant le monstre. « Mais, oui, je porte cette mutation. »

Il sursaute et secoue la tête. Cardozo-Loun, c'est le nom du Secret. Et sa maman n'a pas le Secret ! En plus, il ne faut jamais, jamais avouer qu'on l'a, même si quelqu'un le demande. Alors pourquoi sa maman dit qu'elle a le Secret ?

Il a envie de rejoindre sa maman et de lui demander pourquoi elle ment. Mais il n'ose pas. La voix du monstre...

« Très bien », gronde le monstre.

Et sa maman se met à hurler. Elle hurle fort, un cri qui lui fait mal aux oreilles. Il n'y a pas de mots dans son cri, juste plein de douleur, une douleur qu'il n'a jamais imaginée.

Elle hurle pendant longtemps. Il est roulé en une toute petite boule sous le lit, ses pouces sont enfoncés dans ses oreilles, il ne veut rien entendre.

Quand le cri se tait, il n'y a plus un bruit. Il tend l'oreille. Mais sa mère et le monstre ne sont plus là.

Il sort de sous le lit. Il n'entend rien. Ça lui fait peur. Il préfèrerait même entendre sa maman crier. Le silence fait encore plus mal.

Alors il utilise le Secret, à nouveau. Et cette fois, sa peur est si grande que la porte vole en éclats. Il se précipite dans l'entrée. Il n'y a personne. Ni dans la chambre de sa maman. Ni dans la salle de bains. Personne, nulle part.

« Maman ! » hurle-t-il.

Rien ne répond. Il se précipite à sa fenêtre.

Le monstre est dehors. Il sent son cœur se mettre à battre comme un fou. Le monstre est dehors et il tient quelque chose, sur son épaule. Une femme. Elle ne bouge pas.

Son cœur ne bat plus, soudain. À la place, il plonge, tout en bas, jusqu'au centre de la Terre. Il n'a plus de cœur. Sa maman...

Le monstre l'a emmenée. Alors qu'il aurait dû le prendre lui. Sa maman a fait croire que c'était elle qui avait le Secret. Elle ne voulait pas qu'Ils l'emmènent et maintenant c'est elle qui est partie.

Il n'a que six ans et il est seul au monde.

Il n'arrive même plus à pleurer.

Désormais, pendant la nuit d'Halloween, les enfants se terrent dans leur chambre en attendant les monstres.




Vous avez lu Le Secret jusqu'au bout ? À votre place, je n'aurais pas tenu face à la médiocrité de ce texte. Enfin, puisque vous êtes ici... Si l'étrangeté de ce personnage vous a interpellé, le petit Jar, dans De cendres et de glace vous intriguera sans doute... Vous en avez assez des parents dévoués, prêts à se sacrifier pour leur enfant ? Le Soleil ne brille plus saura vous présenter un type de géniteurs qui vous conviendra mieux. Nous nous reverrons, n'en doutez pas.

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