--- Étoile
T'ES MON RAYON DE SOLEIL, t'as toujours éclairé ma vie, toujours jusqu'à aujourd'hui.
Aujourd'hui ta lumière est pâle, elle vacille et projette des ombres effrayantes sur chaque pan de ma vie. Ta faiblesse m'effraie, Mathilde. Aujourd'hui tes joues sont mouillées de larmes.
T'es mon rayon de soleil, alors qu'est-ce que tu fais là, recroquevillée sur le lit du bas, les épaules secouées de sanglots ? J'aime pas ça, Mathilde, j'ai besoin de ta force.
Mais ce genre de chose, ça se dit pas. Alors j'avance vers toi, je m'assieds à côté de ton corps tremblant et je murmure :
« Y'a quoi ? »
Tu ne réponds pas tout de suite. En bas, les parents se disputent. On reste silencieuses. À chaque cri tu te tasses un peu plus sur toi-même, à chaque cri je meurs un peu plus à l'intérieur. Dire que c'est le silence qui nous terrifie...
« J'en peux plus, tu finis par chuchoter.
— D'eux ? dis-je, pour dire quelque chose.
— De nous aussi. »
Tu me regardes pas. J'ai peur. Je voudrais demander tu m'aimes plus ? comme une gamine. Mais j'ai grandi. Mais j'ai peur de la réponse. Le soleil ne refuse pas de dispenser sa lumière, si ?
« Y'a quoi ? je répète, mais cette fois ma voix tremble.
— J'en peux plus de te mentir. De te protéger. Personne ne peut rester protégé jusqu'à sa mort.
— Mathilde...
— Ne m'appelle pas », tu chuchotes ; on dirait que tu me supplies.
Je comprends pas. Tu me fais peur.
Tu pleures, comme une gamine, combien de fois tu m'as trouvée en larmes ? Combien de fois tu m'as juré que tout irait bien ? Peut-être qu'il est temps pour moi de réfléchir ta lumière.
« Faut que tu tiennes. Ce sera plus très long. Tu seras majeure...
— Je n'ai plus l'énergie. Je... Je... Je m'éteins.
— S'il te plaît.
— Je m'éteins. Je ne peux plus. Chaque soir il emporte un peu de moi, un peu de toi, un jour il ne nous restera plus rien. Je veux plus de ce mensonge.
— Ce n'est pas un mensonge...
— Arrête ! »
Tu as crié. Mes larmes brouillent ta silhouette.
« Mais on fait quoi, alors ? »
Silence. Il n'y a rien à faire.
« Je ne sais pas, tu admets d'une voix à peine audible. Je veux juste être ailleurs. Où que ce soit. De n'importe quelle manière.
— Tu ne peux pas...
— Quelle autre option tu vois ? »
Je me tais. En bas la voix de Papa tonne, inintelligible, et le silence de Maman répond à ta question.
Il n'y a rien.
Nous n'avons rien.
Ni raison de vivre, ni force, ni courage.
Tu as toujours été mon soleil, Mathilde, et voilà que tu t'éteins. Je m'accrochais à ta lumière, aujourd'hui elle sombre. Aujourd'hui c'est la nuit. Le soleil ne brille plus.
« J'ai besoin de toi, je chuchote comme un dernier espoir.
— Je ne suis plus là », tu affirmes doucement.
Est-ce mon imagination, ou ta voix vient-elle soudain de loin, de je ne sais quelle profondeur sépulcrale ? J'ai peur, Mathilde. Rassure-moi. Protège-moi.
« Mais j'ai besoin que tu sois là. Sans toi je me perds. Je ne suis plus rien.
— Tu l'as déjà dit, il y a trois ans. »
Ton indifférence est un couteau planté dans ma gorge. Je ne mens pas, tu sais.
« Je n'existe pas si tu n'es pas là, Mathilde. Si tu le fais... je le fais aussi. »
Je pensais que tu me dirais non, que tu me hurlerais que tu es ma sœur et que tu ne me laisserais pas faire, que tu me jurerais de me protéger, d'être là. Mais tu me dévisages, longtemps, sans émotion.
Puis tu te redresses, tu ouvres la fenêtre et tu tournes à nouveau la tête vers moi. Tu attends.
À quoi tu joues, Mathilde ? Je ne veux pas mourir. Mais si tu pars, je pars aussi. C'est aussi simple que ça. Pourquoi tu me regardes comme ça ? Pourquoi tu me souris de ce sourire étrange ? Mathilde, explique-moi, dis-moi que c'était une blague, dis-moi que... dis-moi que... Mathilde !
Tu me fixes, en silence, presque avec défi. Alors je m'assieds sur le rebord de la fenêtre. Quatre étages sous moi. Ton regard dans le mien. Je passe mes jambes de l'autre côté. Je me laisse glisser contre le rebord, doucement. Seules mes mains agrippées au cadre de la fenêtre me retiennent. Tu me vois, Mathilde ? Je ne veux pas mourir. Est-ce que tu as peur ?
Retiens-moi...
« Je t'ai déjà dit adieu », murmures-tu.
L'incompréhension m'envahit. Je te dévisage et, l'espace d'un instant, d'un battement de cœur, la réalité se déforme...
Soudain il n'y a plus personne sur le lit du bas. Soudain celui du haut est inoccupé, dépourvu de matelas. Soudain ton sourire triste se fige sur une photographie accrochée au mur.
Que se passe-t-il, Mathilde ?
Où es-tu ?
... Puis les choses reviennent à la normale, ou peut-être à l'anormal. Je ne sais plus si ce que j'ai vu était le vrai ou le faux. Pourquoi ne dis-tu rien ? Que nous arrive-t-il ?
Le lit. Toi. La photographie. Mathilde... mon soleil... où es-tu ?
L'angoisse montante. Incoercible. Ton sourire immobile. Je tremble, Mathilde. Mes mains tremblent sur le cadre de la fenêtre. Se referment sur le vide. Il m'a échappé. Mon corps bascule. Je ne tiens plus rien. Plus rien ne me tient. Je tombe.
Où es-tu, Mathilde ?
La terreur. Liée à la chute ou au reste, peu importe. Je tombe. Je crois que je tombe. Je crois que tu n'es plus là. Mais je ne sais plus rien.
Tu n'es pas un rayon de soleil, Mathilde, tu es la lumière d'une étoile...
Savais-tu qu'elles brillent encore, des années après leur mort ?
Enfin fini ! Pas trop tôt, n'est-ce pas ? Désormais, amis, si vous voulez croiser à nouveau ce type de parents, que diriez-vous de lire Nos nuits de Noël ? Et si vous voulez entendre encore une fois parler de parents déchirés par l'épreuve, transformés... je vous invite à poursuivre votre chemin par Les Mères. Souvenez-vous : ce n'est pas un adieu.
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