Chapitre 15 : Exécution

L'annonce, exactement identique à celle qu'ils avaient entendue dans l'autre temporalité, ne laissait aucun doute sur ce qui venait de se passer.

Ce qui venait de se répéter, plutôt.

Mais il y avait quelque chose qui n'allait pas...

"C'est...C'est pas possible... Sophie, elle a pas pu..." bégaya Quentin.

L'information coinçait dans son cerveau. Sophie n'avait pas pu se rendre responsable de ce meurtre... Ils venaient tout juste de la désarmer, et de l'envoyer dans la direction opposée du lieu originel de la mort de Frank. Ça ne fonctionnait tout simplement pas. A moins que...

"C'était toi..." murmura Julien dans un souffle.

La conclusion s'imposait. Julien et Anna n'avaient pas assisté à la scène. C'était la seule solution logique pour eux. Quentin l'avait compris et le regrettait dans le même instant.

"C'était toi bordel !" explosa Julien, sans prévenir.

Quentin se retrouva plaqué contre le mur avec une vigueur surprenante, compte tenu de la carrure de Julien. Celui-ci était sorti de ses gonds, les yeux écarquillés, le rouge monté aux joues.

"Non..." bredouilla Quentin, incapable de se défendre, aussi surpris que pétrifié.

Le fait qu'il n'ait aucune idée de la manière de s'innocenter l'effrayait plus que le reste. Après tout, comment savoir si les changements induits par leur voyage dans le temps n'avait pas produit ce résultat ?

Et s'il avait croisé Frank seul, au lieu de l'avoir vu en train d'agresser Sophie ? Qu'aurait été sa réaction ? Il était parti de la Salle des révélations avec une idée fixe en tête...

Non !

Non, il n'était pas un meurtrier. De ça, il en était convaincu. La question ne se posait même pas. Elle ne devait pas se poser.

"C'était pas moi !" glapit-il, comme en refus de l'accusation qu'il se portait à lui-même, plus qu'à celle de Julien.

"Arrête de mentir ! Qui c'était à ton avis ? Qui ça peut être d'autre ?"

Les questions qu'il rugissait à son intention étaient d'autant plus douloureuses qu'il ne trouvait aucune réponse honnête.

"J'en sais rien... J'en sais rien... Je sais pas qui c'est."

"Menteur !" cracha l'autre.

Sa poigne se raffermit sur son col, et Quentin fut jeté au sol sans ménagement.

"Tu vas arrêter de mentir ! Dis-moi qui c'est !"

"Je peux pas...Je sais vraiment pas..."

C'est à ce moment qu'Anna intervint. Elle saisit les épaules de Julien, et le força à reculer, à se calmer.

"Arrête ! Tu vas rien résoudre de cette manière !"

"Il nous ment bordel ! Regarde-le, c'est évident !"

La chute de Quentin avait ravivé sa douleur à l'épaule. Elle la dévorait, le laissait pantelant, couché sur le dos contre sol.

"Je pense que s'il avait voulu mentir il aurait vite trouvé un autre coupable." avança Anna, la voix ferme.

L'argument stoppa Julien dans sa rage, assez longtemps pour laisser supposer qu'il s'était calmé.

"Tu veux dire que tu lui fais confiance ?"

"Non, je veux juste dire qu'il ne ment sans doute pas sur cette affaire."

Un silence lourd plana ensuite, le temps pour chacun de reconsidérer ses pensées.

"Alors, qui ?..."

"Je ne sais pas non plus. Mais notre voyage a peut être changé quelque chose. Il faut qu'on le découvre."

"Comment on fait ?"

"J'ai une idée, justement. Suivez-moi, tous les deux."

Anna se mit en route d'un pas décidé, avec une direction apparemment bien ancrée en tête.

Julien hésita, puis tendit sa main à Quentin pour l'aider à se relever. Il reçut un regard noir qui avait l'air de vouloir dire "je t'ai à l'œil", avant de se lancer à la suite de la jeune femme.

Celle-ci avait pressé le pas, et était vite parvenue à sa destination. Un dernier coup d'œil de vérification à sa carte lui apprit qu'elle était bien là où elle avait voulu se rendre.

Elle se mit à donner de lourds coups de poing le long de toute la paroi, comme pour tester un fond creux. Au bout de quelques essais, le mur se renfonça en arrière sur une largeur d'un mètre, ce qui créa une ouverture vers une pièce secrète.

"C'était ici qu'on a envoyé Florence." expliqua-t-elle. "Apparemment, elle a pris le temps de fermer derrière elle."

"Et elle n'a pas pris la peine d'avertir le reste du groupe de sa découverte..." remarqua Julien.

Sans hésiter, ils s'engouffrèrent dans le renfoncement et examinèrent l'intérieur de la pièce. Quand ils furent tous à l'intérieur, une froide lumière blanche s'alluma automatiquement. Elle leur permit de remarquer une feuille de papier, laissée sur la table.

Anna s'en empara sans attendre.

"Arrange-toi pour faire éliminer Frank." cita-t-elle "Je te donne tout ce qu'il faut dans votre cabane."

Elle lâcha la feuille, qui vint flotter vers le sol avec des va et vient désordonnés.

"C'était adressé à Florence..."

"Une recommandation du Maître ?"

"...La cabane !" s'écria Anna.

Elle ne prit même pas la peine de refermer le passage derrière elle. Anna et Julien s'étaient lancés corps et âmes dans leur course poursuite. Quentin les suivait, sans vraiment croire à ce qu'ils faisaient.

Un message du Maître, laissé au grand jour d'une telle manière ? N'était-ce pas un peu trop facile ? Et pourtant... Et pourtant une petite voix lui chuchotait que Florence n'accompagnait plus le groupe depuis un bon bout de temps déjà.

S'était-elle isolée volontairement ? Pourquoi n'avait-elle pas communiqué sa trouvaille au reste du groupe, si cette feuille n'était qu'une mascarade destinée à la piéger ?...

Les choses s'accéléraient si vite ! Il sentait au fond de ses tripes qu'ils se rapprochaient des coupables, et de la sortie.

Ils avaient foncé le plus vite qu'ils avaient pu vers la cabane. Ils étaient arrivés en sueur, mais au moins convaincus d'être au bon endroit.

Anna ouvrit violemment la porte, et se précipita à l'intérieur. Florence y était. Elle esquissa une question :

"C'est toi...?"

Son interrogation mourut au moment où elle s'aperçut que ce n'était pas la personne qu'elle attendait qui avait franchi la porte. Mais, à la place, il s'agissait de Julien et d'Anna, furieux.

Quentin les suivait, un peu éloigné. Il espérait que les choses se régleraient sans violence.

Son espoir vola en éclats quand il constata que la situation s'envenimait de seconde en seconde. Anna avait avisé une arme à feu, posée sur la table.

Le déclic se fit dans les esprits : une telle arme ne pouvait provenir que du Maître... Et la décomposition qui se lisait sur le visage de Florence parlait à sa place.

Occupée à rassembler d'autres affaires, Florence ne put qu'observer Anna se jeter sur l'arme mise en évidence et la braquer avec.

"Au sol !" rugit-elle, excédée.

Florence s'exécuta, paniquée. Elle se coucha à terre, les mains levées, le regard obnubilé par le canon pointé sur elle.

"Attendez ! C'est pas ce que vous croyez, je vais vous expliquer !..."

"La ferme !" intima Anna. "Dis nous tout de suite où est la sortie."

"Attendez !... Je... Je suis pas..."

"Tout de suite !" aboya Anna, impitoyable.

Un coup de feu partit, la balle se ficha dans le plancher de la cabane. Un avertissement clair.

"Non ! Non..." se plaignit Florence "Quentin ! Aide-moi !"

Elle avait dû remarquer qu'il se tenait à l'écart, et l'avait pris à parti. Son cœur se serra. Il ne pouvait rien faire.

"La sortie !" rappela Anna, apparemment prête à passer à l'acte.

"Je... Je l'ai trouvée... Je l'ai notée sur la carte, là... Je peux vous y amener, faites-moi conf..."

Un deuxième coup de feu était parti.

Celui-ci avait été accompagné d'une projection de sang.

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