Chapitre 10 : Intervention

L'information s'installa dans son crâne comme de l'eau filtrant à travers des craquelures...

Frank était un Gardien.

Il n'y avait pas de doute possible, pas d'autre interprétation qui tienne la route.

L'explication finit de faire son chemin dans son esprit. Cette impression de lucidité et de compréhension qui l'avait saisi finit par empoisonner sa réflexion.

Parce que la nouvelle était aussi importante qu'effrayante. Il était certes satisfait de commencer à y voir plus clair, mais il avait la douloureuse impression de comprendre trop tard.

Il imaginait Frank, arpentant les couloirs du labyrinthe avec son air patibulaire, à la recherche d'une victime qui ne se douterait de rien, trompée par son statut d'intouchable au sein du groupe...

Quentin tressaillit. Quelle meilleure victime que Sophie ?

Elle n'avait pas voulu rejoindre le groupe. Elle ferait une cible idéale pour Frank. Il avait une raison toute trouvée pour l'éliminer... Et le groupe n'y verrait que du feu, il pourrait même garder sa couverture !

Le piège était en train de se refermer, il le savait !

Frank n'avait séparé le groupe que dans ce but, Quentin en était convaincu ! Et peut-être même que l'autre Gardien en profiterait pour frapper aussi !

Ils ne se remettraient jamais de cette situation chaotique !

La lucidité laissa la place à la panique.

Électrisé, choqué par sa découverte, le jeune homme restait en face de ce bout de papier qui venait de le plonger dans un état critique. Il eut du mal à en émerger, mais son premier réflexe fut d'alerter Lucien, plongé lui aussi dans la recherche d'informations au milieu de ce capharnaüm.

"Sophie ! Sophie est en danger !" éructa t-il, incapable de composer une phrase plus cohérente.

Le supposé Elu leva la tête, un air interdit inscrit sur sa figure.

"Frank est un Gardien !" explosa Quentin, brandissant le papier qu'il venait de trouver comme une preuve infaillible. "Il faut l'empêcher de nuire ! Aide-moi !"

"Attends, attends, calme-toi, que je t'aide à quoi ?"

"Il faut qu'on le stoppe, il va la tuer ! Il va tuer tout le monde !" paniqua Quentin, n'y tenant plus.

Il ne comprenait pas que Lucien ne réagisse pas immédiatement. C'était urgent !

Après tout, il ne le connaissait pas...Il venait de le rencontrer. Il n'avait pas vu Frank, ni Sophie...Il ne savait pas à quoi s'en tenir, il ne comprenait pas.

Quentin, lui, savait. L'évidence crevait les yeux.

Sophie, une psychopathe tapie dans l'ombre, aux aguets de la moindre occasion pour leur prendre la vie ? Ça n'avait aucun sens... Strictement aucun. C'était tout simplement impossible, vu la manière qu'elle avait eue de réagir à leur première rencontre.

Frank, en revanche...Il ne le sentait pas. Il y avait quelque chose de pas net avec cet homme.

"Frank." répéta t-il comme en écho à ses propres pensées. "Il faut que tu m'aides à l'arrêter, c'est un Gardien, cette feuille le prouve...On est dans la salle des révélations, ça veut bien dire quelque chose !"

Lucien ne cacha pas sa perplexité :

"Tu ne penses pas que le Maître, ou n'importe qui qui a laissé cette feuille ici pourrait simplement... Mentir ?"

L'énigme inscrite sur le plan résonna dans la mémoire de Quentin à cette supposition. "Quatre phrases, un mensonge." Son esprit refusa immédiatement l'hypothèse. Ça ne collait pas.

"Pas sur ça. J'ai vu Frank, j'ai vu Sophie, crois-moi, il va s'en prendre à elle ! Et si on n'est pas là pour l'arrêter...Elle va mourir ! Il faut y aller, maintenant !"

"Écoute, je te comprends, mais je crois que ta blessure te fait perdre tes moyens...On est tous un peu paniqués, mais c'est pas une raison..."

"Tu vas m'aider, oui ou merde ?" lâcha Quentin, au bord de la rupture.

Ce n'était pas le moment de discuter !

"C'est sans moi sur ce coup." avoua froidement Lucien, brusqué par la dernière réplique.

Sans un mot, Quentin sortit en courant de la salle souterraine. Son épaule le lançait toujours douloureusement, mais il avait quelque chose d'autre sur quoi se concentrer.

Sophie. Il lui devait certainement la vie, c'était la moindre des choses d'essayer de lui retourner la faveur. Et ils ne seraient pas de trop pour lutter contre le maître et ses sbires.

Son talkie était à disposition, mais il choisit vite de ne pas s'en servir.

Avertir le groupe sans preuves concrète ne ferait que l'aliéner, et donner des informations à Frank, et certainement l'autre Gardien par la même occasion. C'était la pire des idées. Il devrait agir seul.

D'abord, la retrouver. Il n'eut pas d'autre idée que celle d'essayer de rejoindre l'endroit où ils s'étaient croisés pour la dernière fois. Il se rappelait la direction qu'elle avait prise... Il n'y avait plus qu'à foncer, et espérer.

Elle avait pu parcourir pas mal de chemin dans le temps qui s'était écoulé depuis qu'ils s'étaient séparés...Quentin commençait à perdre espoir quand un dernier détail le saisit.

Le détail qui venait confirmer sa supposition sur Frank.

L'homme qu'ils fuyaient quand ils s'étaient réveillés...Qui la pourchassait quand elle l'avait retrouvé ensuite...Qui disait que ce n'était pas Frank ?

L'hypothèse s'imposa dans son esprit : ça collait. Le timing, aussi bien que les positions, et la raison pour laquelle Sophie ne voulait pas s'intégrer ! Sa suspicion se transformait peu à peu en intime conviction.

Il perdait son souffle, quand un cri féminin retentit à travers les murs... Devant lui ! Sophie !

C'était sa voix !

Il redoubla d'efforts. Ses jambes obéirent à l'ordre impérieux qui venait du plus profond de son âme. Il devait empêcher Frank d'accomplir ses méfaits !

Il dut faire le tour d'une paroi pour être en vue de ce qui se passait.

Sophie agrippait maladroitement les poignets de son agresseur. Frank se débattait de son emprise, et la poussait jusqu'à la déséquilibrer. Encore un instant, et elle serait au sol, sans défense...

Face au couteau militaire que l'homme agitait frénétiquement. L'arme de la jeune femme renvoyait son éclat brillant dans les yeux de Quentin, posée au sol, à quelques mètres de l'action.

Elle allait être assassinée !

Le cœur du jeune homme manqua un battement, avant qu'il ne se remette à courir, se sortant de la stase provoquée par la confirmation de son hypothèse terrible.

Quentin beugla comme un veau pour se donner du courage, il pencha son épaule valide tout en fonçant à pleine vitesse, décidé à la rentrer de plein fouet dans la poitrine de l'agresseur.

Frank ne l'avait pas vu arriver, mais il recula d'un pas étonné quand il entendit son cri de guerre bestial. Le choc fut rude. Le souffle coupé, le Gardien fut projeté à terre sur le dos, tandis que les épaules de Quentin irradiaient maintenant d'une douleur insoutenable.

Il ne pouvait plus faire affluer de force dans ses bras. Sa lutte avec Frank fut très vite écourtée : même au sol, le Gardien put vite se défaire de son emprise, et son poing vint s'écraser douloureusement sous sa mâchoire, ce qui le mit hors d'état de combattre en quelques secondes.

Il ne put que voir les mains de son ennemi chercher à tâtons le manche de l'arme laissée au sol, et le trouver rapidement...Il s'attendit à périr rapidement de la morsure de plusieurs coups de couteaux.

Mais Sophie était revenue. Dans un cri rageur, elle s'était à son tour jetée sur Frank.

Elle déchiqueta son corps de plusieurs taillades sauvages de son arme. A chaque frappe, elle poussait un petit râle de rage et de frustration.

La scène se déroula en une dizaine de secondes, mais son inhumanité l'étala sur des heures. A la fin, Frank ne remuait plus.

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