Chapitre 4 (3) - Sira
La pression que je ressentais quelque secondes auparavant disparut subitement. Et j'inspirai un grand coup, crachotant l'instant d'après. De l'eau s'écoula en masse de ma bouche et mon nez. Je toussai de plus belle, me courbant vers l'avant. J'ouvris les yeux et vis la rivière s'éloigner. Un bras m'encerclait la taille. En quelques secondes, je retrouvai pied à terre. Le contact avec le sol, bien que doux, brusqua mes jambes qui me lâchèrent. La même personne me retint de justesse. Je levai les yeux vers elle et me retrouvai face à un jeune homme noir, au crâne rasé et au yeux verts.
Dans sa main, une longue tige métallique se courbait dans des positions impossible. Elle se rassembla en une bulle qui lévita au dessus de ses doigts. Il abaissa le bras et le minerai disparut dans la terre.
Je faillis défaillir à nouveau.
—Ludovic ?
Le jeune homme poussa un soupir de soulagement et me serra contre lui. La puissance de son étreinte me comprima contre son torse, si bien que je me mis à suffoquer. Il desserra son emprise, sans pour autant me lâcher. Son cœur battait à une allure affolante et sa respiration était secouée de spasmes. Il pleurait.
—J'ai tellement eu peur, Seigneur.... Je suis heureux..., murmura-t-il sans relâche contre mes cheveux, la voix vibrante d'émotion.
—T-tu es un mutant toi aussi, réalisai-je abasourdie.
Il inclina docilement la tête.
—Oui.
—Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Une foule d'émotions contradictoires me traversait et une multitudes d'interrogations fusait dans mon esprit. Mes lèvres ne savait pas laquelle formuler, ni comment. Déjà que j'arrivais à peine à me remettre de ma noyade. Toute énergie reflua de mon corps, brutalement, ne laissant qu'une coquille vide et épuisée. Me sentant fléchir, Ludovic passa ses bras sous mes aisselles et sous mes genoux. Je me sentis soulever de terre. Ce contact proche me rempli de gêne, mais, je ne m'en formalisai pas, trop épuisée. Je passai mes bras autour de son coup et m'appuyai contre lui, alors qu'il commençait à marcher. Les questions serraient pour plus tard.
Qui était-il en réalité ?
Je levai la tête vers lui. Son visage était trempé et des gouttes d'eau coulaient le long de son cou puissant et large. Dans le creux de ses joues des sillons d'eau s'écoulaient jusqu'à ses lèvres pleines. Mon cœur avait augmenté sa course effréné en sa présence. Inconsciemment, je dégageai une main pour cueillir une goutte sur mon pouce. Pourquoi même dans une situation pareille, je trouvais le moyen de le trouver attirant ? Mon geste attira son attention et il baissa son regard sur moi. Je suspendit ma main, incapable de faire le moindre mouvement, tant par ma faiblesse que par son emprise sur moi. Il me sourit et posa sa joue contre ma paume. Les petites repousses de sa barbe me chatouilla la main. Son souffle chaud caressa ma peau, alors qu'il ferma les yeux un court instant. Comme pour savourer ce moment. Alors j'eus envie de l'embrasser sans plus de cérémonie. Mon cœur rata un battement et je laissai retomber ma main en baissant la tête. Qu'est-ce-qui me prenait ? Je pris une grande inspiration, jetant un seau d'eau sur le feu qui naissait en moi. Il fallait que je brise cette proximité avant de commettre une erreur. En écho à mes pensées, Ludovic accéléra les pas.
Le jeune homme entra sans ménagement dans la maison, soulevant une nuée de poussières qui me plia en deux. Entre deux quintes je distinguai mon oncle se lever et accourir auprès de nous.
—Qu'est-ce qui s'est passé ?, beugla ma tante en se précipitant à son tour.
Ludovic me garda contre lui en exposant la situation.
—Elle est tombée dans la rivière.
—Comment ?! Mais que faisait-elle là-bas ?, paniqua Madéa.
Atem posa sa main sur son bras pour la calmer. Il m'examina et souffla de contentement.
—Elle va bien, elle est saine et sauve, confia-t-il telle une prière de remerciement.
La pression retomba de ses épaules, aussi bien que pour sa femme. Même si son regard était toujours chargé d'inquiétude et ne rajouta rien. Elle se contenta de ma serrer dans ses bras avec une joie non dissimulée. Lorsqu'elle me lâcha, son col était humide. Elle me jaugea gravement, puis, remonta le regard jusqu'à Ludovic.
—Assane apporte lui des vêtements secs, lui ordonna-t-elle, ils sont dans le coffre de la voiture. Sira, viens avec moi, me pressa-t-elle.
Mes pieds touchèrent le sol avec délicatesse et la porte derrière moi claqua l'instant d'après. Ma tante avança, mais je demeurai stoïque.
—Assane ?!, lâchai-je sans comprendre.
Quoi ? Qu'est-ce que ça signifiait?Comment ? Qui ?
Ma tante me traîna à sa suite jusqu'à une chambre qui ne comportait en tout et pour tout qu'un lit double et une armoire. La jeune adulte, d'à peine trente ans, me pris le visage et ancra son regard dans le mien. Un sourire doux se dessina sur ses lèvres, alors qu'elle essuyait mon visage avec ses mains. J'étais complètement perdue. Pourquoi avait-elle appelé mon ami Assane ? Comment avait-elle pu le confondre avec lui ?
—Madéa....pourquoi..., commençai-je.
L'objet de ma question pénétra dans la pièce, les bras chargés de vêtements secs et d'une serviette. Madéa me lâcha et récupéra le textile qu'il lui tendait. Nos regards se croisèrent et l'évidence me frappa. Il ne pouvait pas être Assane. Le regard espiègle, le timbre de voix, ils n'avait pas tout ça. Mais l'enfant que j'avais connu devait avoir bien grandi depuis le temps. Et puis, je l'avais bien vu manipuler le métal.
Son regard baissa lentement sur mon corps et je me sentie brusquement mis à nue. Je lui donnai dos, aussi bien gênée par son regard que par les sentiments qui m'envahissaient peu à peu. J'entendis ses pas s'éloigner et quitter la chambre.
Une fois changée et sèche, Madéa me laissa seule avec mes tourments. Malgré mes tentatives pour la faire parler, elle était demeurée muette, clamant que ce n'était pas à elle de m'expliquer. J'en était venue à la conclusion que c'était au principal intéressé qu'il fallait poser les questions. Alors, les pieds bien au sec dans mes chaussures de marche, je quittai la chambre, puis, la maison. Je cherchai du regard le concerné et le trouvai près de la voiture. Je m'approchai d'un pas déterminé jusqu'à lui. Accroupi, faisant ses lacets, il se releva à mon approche. La chemise ouverte, il m'offrait une vue plongeante sur son torse et son ventre parfaitement dessiné. Je ne parvins pas à détourner mon regard à temps et un feu incandescent irradia mes veines. Il s'approcha, me permettant de décrocher mes yeux de ce spectacle captivant. Je secouai la tête, peu fière de mon comportement. Il finirait par me prendre pour une obsédée...
—Comment te sens-tu ?, me questionna-t-il en tenant mon visage en coupe, le front plissé par l'inquiétude.
Tourmentée
—Bien, merci, répondis-je sans réfléchir.
A vrai dire mon état ne me préoccupait plus vraiment. J'étais plus intéressée par les questions qui se bousculaient dans mon esprit. Il hocha la tête et entreprit d'attacher sa chemise. Grand Dieu, merci !
Je m'éclaircis la gorge, prête à affronter l'orage qui se profilait.
—Comment dois-je t'appeler ? Ludovic ? Assane ?, posai-je en premier d'une voix que je voulais neutre.
Le jeune homme cessa de boutonner son habit et me lança un regard interloqué. Je le regardai droit dans les yeux. Je voulais savoir. Il poussa un soupir et se tint debout à la manière des soldats.
—Au fond de toi, tu le sais déjà..., se contenta-t-il de répondre sans cesser de me fixer.
J'eus l'impression qu'il pouvait transcender mon âme et me persuader de tout. C'était comme s'il cherchait une quelconque réponse à une question muette. Dans ses iris, je ne distinguais ni la malice de mon ami d'enfance ni la protection de mon garde-du-corps. Tout ce que je vis, fut une vague de souvenirs datant à la fois de dix ans et de quelques jours. Le regard tendre qui me couvait dans ma jeunesse et celui rempli de secret de mon adolescence. Un regard que je connaissais et pourtant qui m'était inconnu.
Je détournai le regard, refusant de voir la vérité dans son regard. Il m'avait menti durant tout ce temps... Quelque chose me caressa la joue avec douceur, je tournai la tête. C'était une fleur, un hibiscus. Elle tenait sur une tige tout droit sortie de terre. Ça n'y était pas tout à l'heure. Un voile s'installa devant mes yeux.
Ludovic
Assane
Je le vis abaisser la main et la fleur tomba dans sa paume avec douceur. Il la plaça dans mes cheveux et me sourit, du même sourire que je lui connaissais depuis un an.
Il était les deux.
Une larme coula. Je ne savais pas d'où elle venait, mais, à sa suite un élan de colère et d'autres émotions me submergèrent.
—Comment as-tu pu me mentir tout ce temps !, l'accusai-je en serrant les poings.
Il eu un mouvement de recul face à mon changement de ton. Mais, il resta face à moi, prenant l'accusation de plein fouet.
—Pendant près d'une année, tu t'es présenté comme étant un autre, tu as ris avec moi en te faisant passer pour autrui, tu..., railla-je, ma voix se brisant à la fin. Tu m'as laissée dans ma solitude.
—Attend, laisse-moi t'expliquer, tenta le jeune homme, mais, je ne lui laissai pas le temps de parler.
—Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? (Il ouvrit la bouche.) Et ne viens pas me dire que tu « comptais me le dire un jour » parce que ça ne prend pas avec moi !
—Je n'avais pas l'intention de te dire quoique ce soit, lâcha-t-il presque aussitôt.
J'en restai bouche béa. Me répétant ses mots dans mon esprit « je n'avais pas l'intention de te dire quoique ce soit ». Je n'avais donc à aucun moment mérité la vérité de sa part. S'il l'avait pu, il m'aurait menti toute ma vie. Complètement désarçonnée, je ne parvins pas à prononcer le moindre mot. Il me pris les mains, mais, je le repoussai violemment. Sans un regard pour lui, je lui tournai le dos et m'engouffrai dans la maison.
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