Chapitre 4 (2) - Sira


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Une vive douleur à la tête me tira de mes songes. Je me redressai sur mon siège et me massai les tempes. La voiture fut secouée d'un violent soubresaut. Je jetai un regard à travers ma vitre. Nous étions en train de rouler sur un chemin en terre peuplée de multiples nids de poule. Le paysage qui nous environnait était verdoyant et de grands arbres nous surplombaient de toute leur hauteur. Je baissai la vitre et passai ma tête dehors. Je dû plisser les yeux pour affronter la vive luminosité du soleil. La cime des géants qui nous entouraient était à peine distinguable. Je repris ma position d'origine et osai poser la question qui me brûlait les lèvres.

—Où allons-nous ?

Ma voix me parut tellement faible que je dus réitérer ma question pour qu'on m'entende.

—Voir un vieil ami, répondit Atem, d'un ton bourru.

Je me brusquai au ton de sa voix. Un pointe d'agacement me piqua.

—Je sais que tout ce qui arrive est de ma faute, mais, tu pourrais ravaler ta colère ne serait-ce qu'un instant ?, crachai-je en croisant les bras.

Il ne répondit pas tout de suite. J'allais ouvrir la bouche, mais, il ne m'en laissa pas l'occasion.

—Ce n'est pas de ta faute..., se contenta-t-il de prononcer avec plus de douceur. Je suis stressé, comment ont-ils fait pour nous retrouver après tout ce temps ? Je croyais que le C.R.A.G. n'avait pas de branche en Guadeloupe.

J'accueillis sa réponse d'un hochement de tête distrait. Quelque chose dehors avait attiré mon attention. Caché dans les fourrée au loin, un pelage noir se dissimulait. Je sentis la curiosité s'éveiller en moi. J'interpellai Atem, mais quand celui-ci tourna la tête, le pelage avait disparu. Je poussai un soupir. J'étais certaine de ne pas avoir rêvé. Peut-être était-ce un chien errant ? J'avais eu la sensation d'être observée.

Nous arrivâmes au cœur de la forêt prêt d'une maison à l'abri des arbres. Lorsque le moteur se coupa, je m'empressai de mettre pied à terre. Je n'en pouvais plus d'être assise. Tout mes membres souffraient, y compris ma tête. Atem me suivit de près et poussa un long soupir de soulagement, accompagné de nombre d'étirements. Il fit le tour du véhicule et alla réveiller Madéa qui s'était endormie. J'en profitai pour observer les alentours. Malgré le soleil tapant, l'air transportait une fraîcheur agréable avec lui. Je pris une bouffée d'oxygène avec délectation.

A en juger par la l'atmosphère fraîche, les hauts arbres et l'humidité ambiante, nous devions être dans les hauteurs de la Basse-Terre – la seconde partie de l'île de la Guadeloupe. Cette dernière était en réalité deux grandes îles reliées par deux ponts. Mais, elles étaient si proches qu'on considérait l'ensemble comme uni. On parlait d'archipel guadeloupéen.

—Hé bien, quelle joyeuse petite troupe !, s'enjoua une voix grave derrière moi.

Je me retournai d'un bon, la main enserrant une dague. Mon regard tomba sur un homme assez grand, vêtu d'une tenue de camouflage et dont le crâne dépourvu de cheveux luisait au soleil. Sa présence ne m'était pas inconnue. Oui, c'est lui. L'inconnu.

Il me lança un regard amusé et contint un rire moqueur.

—Gardez votre calme, princesse. Je ne suis que votre humble serviteur, Rahman Diawara, se présenta-t-il, suivi d'un rapide révérence.

Il darda son regard sur moi, alors que je ne quittait pas ma posture défensive. Madéa posa une main sur mon bras et m'enjoignit à le baisser. Rahman ricana et me tourna le dos dans un signe de la main.

—Venez, rentrons sans plus attendre, s'enquit-il gravement.

Je rangeai ma dague et marchai vers la maison. Madéa fit de même. L'intérieur de la maison était sombre et sentait le renfermé. La poussière m'agressa et une violente quinte de toux me saisit. Je sortis de la pièce en trombe. Mon allergie à la poussière et aux acariens n'aidait pas. Madéa me rejoignit, un paquet de mouchoir à la main.

—Tiens, il y a du sérum physiologique dans la boîte à gant, me dit-elle en désignant notre voiture du menton, avant de rentrer.

Je suivis son conseil et allai m'en procurer immédiatement. Je m'apprêtais à retourner dans la maison quand un mouvement attira mon attention dans les bois. Je bifurquai et fixai le tronc de chaque arbre à portée de vue. J'allais abandonner quand je le vis. Le pelage noir. Il se mouvait avec une grâce féline et dangereuse. Sentant mon regard ou mon odeur, l'animal tourna la tête vers moi. Elle ne s'en formalisa pas plus et se détourna pour s'enfoncer dans la forêt.

Une panthère noire... Je venais de voir une panthère noire. En Guadeloupe! Comment était-ce possible ?

Sans vraiment me rendre compte de se que je faisais, je me mis à marcher vers les bois, d'un pas pressé, impatient. Je savais que j'aurais dû revenir sur mes pas et rentrer dans cette maison remplie de poussières. Mais la curiosité me menait par le bout du nez. Madéa m'avait toujours dit que la curiosité me perdrait. Et bien je croyais qu'elle avait entièrement raison. J'avançais sans ressentir la moindre peur, sans imaginer une seule seconde que l'animal pourrait me prendre pour son futur dîner. Tout cela m'avait l'air tellement irréel. Comment ressentir de la crainte pour quelque chose qui n'existait pas ?

En très peu de temps, je perdis complètement la notion du temps. Et peut-être même celle de l'espace aussi. La forêt était luxuriante et accueillante. Autour de moi, les animaux se coursaient et les oiseaux dansaient dans un ballet multicolore. Le vert de l'herbe, le marron des tronc, toutes les couleurs me paraissaient tellement plus vives que dans mon souvenir. J'avais l'impression de nager en plein rêve. Comme si j'étais séparée du monde angoissant qui m'environnait et que tout mes problèmes n'avaient jamais existé. J'eus envie de fermer les yeux pour écouter le bruit de fond qui résonnait plus loin encore. Un brouhaha constant semblable au cycle perpétuel d'eau. Je pressai le pas et ne m'arrêtai que lorsque j'arrivai à une avancée de terre. Le bruit s'était amplifié. En contre-bas, une rivière s'écoulait tranquillement. Je me retins de plonger à pied joints dans ses profondeurs.

—Hé !, me héla une voix, me ramenant violemment à la réalité.

Je fis volte-face un peu trop rapidement et je glissai sur le sol humide. Ma main tenta d'agripper celle que l'inconnu me tendait précipitamment, en vain. Elle n'attrapa que de l'air. Je me sentis chuter sans fin, le regard implorant de l'aide. Mon dos frappa avec force la surface et ma bouche émit un gémissement sans bruit. L'eau s'y engouffra et je battis des bras, tentant de remonter à la surface. Cependant, le courant, en apparence calme, de la rivière me tira vers les profondeurs sans retenue.

Non! Je ne pouvais pas mourir...Pas maintenant. Pas si loin de ma famille.

Ce que je pris pour un sanglot m'ébranla et une larme s'échappa, aussitôt emportée par les flots meurtriers de ma dernière demeure. Les poumons remplis d'eau, je sentis mon esprit se fermer peu à peu. Une chose m'attrapa et me tira avec tant de force que je crus que mon corps allait s'arracher en deux. Une profonde obscurité m'attirait vers elle. Je ne voulais pas la rejoindre. Je m'accrochai de toute mes forces jusqu'à ne plus en avoir. Alors je me laissai emporter.

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