Chapitre 8 : une même nouvelle vie


 - Elle serait probablement mieux chez elle, la coupa Allan. Je vais la ramener.

Il n'y avait rien à faire : Eva DÉTESTAIT ce type. Surtout lorsqu'il avait raison. Comme maintenant, par exemple. Elle tourna dans sa direction un regard haineux avant de jeter son dévolu sur Clark et Sadie :

- Hors de question que je reste ici une seconde de plus, siffla-t-elle. Je vous ai écouté alors maintenant, je me casse.

Cette décision parut soulager Allan. Il s'approcha de l'adolescente et lui offrit le soutien de son bras qu'elle rejeta d'une œillade dédaigneuse  pour se précipiter vers la porte : un pas, puis deux, et un épais brouillard la priva de ses sens. Elle perdit la vue quelques instants, la tête dans les mains, furieuse... NON ! Ce n'était pas le moment de repartir ! Elle aurait tout le temps de se reposer chez elle alors maintenant, elle allait sortir de ce foutu manoir la tête haute ! Son corps n'avait qu'à résister quelques minutes de plus ! Déterminée, elle rejeta son malaise d'un geste rageur et fit un autre pas en avant.

Son poignet se heurta à une vitre et son genou, prit entre le revêtement molletonné d'un siège et un caisson en plastique, frémit plus qu'il ne bougea. Étonnée, Eva se redressa et observa son nouvel environnement : elle était dans une voiture, installée sur le siège passager. Elle n'avait pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'Allan étai au volant.

- Tu aurais du me laisser t'aider... La sermonna-t-il en soupirant.

- Estimes-toi déjà heureux que j'accepte de monter dans ta voiture, répliqua-t-elle aussi sec.

Allan pinça les lèvres. Il tapotait son volant sans quitter la route des yeux, évitant clairement le regard de sa passagère.

- Désolé, lança-t-il soudain.

- Je te l'ai déjà dit, Allan : tes excuses, tu peux te les mettre là où je le pense.

- Non, la coupa-t-il. Pas ces excuses . Je voulais jute dire que...

Il cessa de malmener son volant et cligna lentement des paupières.

- ... Je suis désolé que tu apprennes tout ça aussi violemment, reprit-il. Je sais que c'est difficile de prendre conscience de ce genre de chose : on est tous passé par là, que ce soit plus ou moins tard. Mais toi... Tu ignores toute l'étendue de ce Monde que tu es déjà en danger. Je n'ose même pas imaginer à quel point ce doit être difficile à encaisser pour toi.

Encore une fois, il avait raison : Eva vivait très mal cette révélation. Elle avait beaucoup de mal à accepter toute cette histoire de Voyageurs et de Monde des Rêves... Et, quelque part au fond de sa conscience, elle continuait même à se persuader que tout était faux. Tout ça ne pouvait pas être réel...! Elle n'avait pas de pouvoir. Elle n'était pas en danger. Clark n'était qu'un gourou prenant sous son aile des gens tout aussi tarés que lui. Elle était juste en train de perdre les pédales... Et pourtant il s'en était fallu d'une ridicule journée pour qu'elle comprenne que tout était vrai. L'apparition de Sadie avait été le clou du spectacle... Mais surtout le plus douloureux. Celui qui l'avait obligé à regarder les choses telles qu'elles étaient et non comme elle, Eva, souhaitait à tout prix de les voir.

Allan semblait affecté de la voir aussi désorientée. Sincèrement. Ceci réchauffa le cœur de l'adolescente, mais pas assez pour faire fondre la glace dans laquelle il était sculpté : ce n'était pas le moment de se laisser attendrir alors, même si elle avait très envie de croire aux sentiments d'Allan, il avait encore du chemin à faire avant de retrouver un minimum de crédibilité à ses yeux.

Les roues du véhicule crissèrent sur le bitume. La maison d'Eva apparaissait derrière un petit portail de fer rouillé, au moins aussi âgé que la bâtisse : la jeune fille sortit de la voiture en vitesse et se précipita chez elle sans adresser le moindre salut à son chauffeur. Elle l'entendit juste s'éloigner de la maison après qu'elle eut dépassé la porte d'entrée, jetant un coup bref d'œil à son téléphone. 18h38. 15 messages. 9 appels en absence. Eva prit une grande inspiration et fit claquer la porte, prête à affronter les foudres de sa mère.

L'excuse qu'elle avait trouvé était plutôt cohérente : restée au lycée pour préparer un contrôle, elle avait coupé son téléphone pour ne pas être dérangée. Plongée dans ses études, elle n'avait pas vu l'heure passer... Elle avait d'ailleurs faillit rater le bus de 18h00. Quelle tête en l'air...! Après de nombreux sermons et le passage éclair de son père pour la soutenir, Eva avait fuit dans sa chambre et s'était vautrée dans son lit. Le repos. L'insouciance. Enfin.

Elle avait enfilé un pyjama et s'était glissée dans ses draps, sautant le repas du soir au profit du repos ; mais elle resta éveillée encore un long moment, la tête à la réflexion plus qu'au sommeil : et puis, en tout honnêteté, elle n'avait aucune envie de s'endormir. Elle avait entendu assez de choses étranges dans la journée pour remettre ça dans ses rêves. Les paupières lourdes, elle lorgna le quadruple zéro qu'affichait l'écran lumineux de son réveil. Elle ne pourrait pas fuir le sommeil éternellement... Pas dans son état. Alors elle ferma les yeux et se laissa aller, non sans une boule d'angoisse coincée au creux de la gorge.


Un nombre incalculable de gens apparut autour d'elle : des grands, des petits, des jeunes comme des plus âgés, tout une foule de personnes inconnues se baladant au milieux du hall où Eva s'était retrouvée lors de son dernier rêve. La lumière du jour se déversait depuis la grande voûte de verre qui servait de plafond, bien plus haute que dans le souvenir de la demoiselle... D'ailleurs, bien des choses différaient avec l'image qu'elle avait conservé de l'endroit : le symbole qu'avait gravé Sadie sur le mur du fond avait disparu, par exemple, et la grande dalle circulaire qui décorait le centre du hall scintillait d'un éclat rougeoyant, presque...liquide. Personne n'y posait le pied. Et puis, en parlant de peuple, le hall était bien plus animé que lors de sa dernière visite... Il était même bondé, rempli de toutes sorte de personnes équipées d'armes et même, pour certaines, de gilet pare balle et autre types d'armure.

En bref, Eva se sentait légèrement de trop au milieux de tous ces gens, pas vraiment crédible avec son pyjama pilou pilou et sa tronche de paumée de service. Elle avait très envie de se cacher dans un coin et attendre que la nuit passe, en sécurité au cœur de toute cette agitation. Elle souhaitait juste se faire oublier le temps de se remettre de tout ce chamboulement. Mais d'un autre côté... Elle avait encore un tas de choses à apprendre, à comprendre et à découvrir. Et puis, si elle pouvait mettre cette histoire de Spectre et de Voyageurs kidnappeurs au clair...

- Eva !

Sadie courut vers elle à une vitesse affolante. Elle se retrouva devant la jeune fille en un claquement de doigt et lui tapota affectueusement les épaules, visiblement soulagée :

- Enfin ! J'ai fait le tour du Sanctuaire trois fois pour te trouver ! J'ai vraiment cru que les Autres avaient réussit à t'avoir... Tu m'as foutu une de ces trouilles ! Mais... Dis moi, ça fait combien de temps que tu es arrivée ?

- ... Euh... Deux minutes ?

Sa camarade parut surprise.

- À peine ? Je pensais que tu allais te coucher plus tôt...

Eva jugea inutile de lui faire part de son trouble et resta muette le temps que l'autre se remette de ses émotions, juste avant de l'interroger :

- Du coup, ça te dit une petite visite des lieux ?

*******

- Suivre Sadie ?

- Rester seule ?

- Autre chose ?

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