Chapitre 20 : le flacon du Sanctuaire
... Alors comme ça on parlait d'Eva ?
... Dans son dos ? Et cela de la part de personnes influentes (ou du moins une) au sein du Sanctuaire et détentrices de pas mal de ses secrets...?
...Intéressant...
Le sujet en chair et en os de la conversation quitta sa cachette pour suivre les deux bavards : ils avançaient vite et avaient déjà atteint la fin du couloir, ce qui força la pauvre Eva à faire un sprint pour ne pas les perdre de vue. Heureusement que Sadie et Clark étaient trop occupés à parler pour remarquer qu'ils étaient suivit, et heureusement que cette présence étrangère n'avait plus les paroles de Mary en tête pour se concentrer pleinement sur ce qui se passait devant elle... Son prénom n'avait plus fait irruption dans la conversation mais il était clair que cette dernière tournait autour d'elle. Sûr et certain. Tout aussi vrai qu'Allan était con et que Sadie avait un très beau sourire.
Le chef et son interlocutrice marchèrent longtemps, enfin, du point de vue de la Voyageuse impatiente qui suivait leurs pas, mais ils finirent par ralentir et ouvrir une porte de bois clair que la jeune femme avait appris à reconnaître moins d'une heure auparavant. L'entrée du bureau de Clark se referma délicatement et la conversation continua plus amplement au sein de la pièce, loin de l'oreille curieuse d'Eva.
Pff ! Comme si ça allait la freiner ! Maintenant qu'elle savait qu'on parlait d'elle, impossible de s'en débarrasser ! Et ce n'était pas comme si une ridicule planche de bois – certes, sans doute surveillée par l'imagination de Clark en ce moment même – allait la décourager ! Loin de là ! C'était bien peu la connaître que de sous-estimer ses talents de Ninja !
Ce fut d'ailleurs d'un pas léger digne de Naruto que cette dernière glissa jusqu'à la fenêtre. L'air qui s'infiltra dans le bâtiment lui rappela une sensation si agréable que ses souvenirs en devinrent douloureux... Depuis combien de temps n'était-elle plus sortie dehors ? Depuis combien de temps n'avait-elle plus parcouru le ciel et ses nuages duveteux ? Trop longtemps. BEAUCOUP trop longtemps. Elle était peut-être en sécurité au Sanctuaire mais elle s'y sentait plus captive qu'autre chose...et Clark ne pourrait jamais soupçonner un oiseau en cage d'épier la conversation, n'est-ce pas ?
La peau d'Eva devint plumage et alors qu'elle battait rapidement de ses nouvelles ailes, un sentiment de machiavélisme presque jouissif s'empara d'elle. Bien sûr, avisa-t-elle lorsqu'elle atteignit le rebord de la fenêtre du bureau, que Clark avait fermé les rideaux pour ne pas éblouir Sadie ! Il ne pouvait donc pas voir le petit oiseau innocent qui s'était posé près des ouvertures vitrées de la pièce et usait de ses incroyables sens d'animal pour épier ce qui se disait à l'intérieur...
– Je ne sais pas... S'enquit la Voyageuse aux cheveux fous. Je ne suis même pas sûre de ce que j'avance...
– Je pense que tu passes assez de temps avec elle pour avoir un meilleur jugement que le mien, alors je te fais confiance lorsque tu me dis que son anxiété n'a pas de lien avec les Autres.
Un soupir s'échappa des lèvres chocolatées de la demoiselle, puis elle continua :
– Qu'est-ce que vous lui avez dit sur eux, exactement ? Parce que je m'inquiète, mais j'ignore tout de la conversation que vous avez eu tout à l'heure...
– Que les Autres ont réuni de nombreuses informations sur elle et qu'il faut qu'elle fasse attention, tout simplement.
– Et elle n'a pas tilté ? S'interrogea la jeune fille aux cheveux décolorés.
Eva fronça les sourcils, ce que sa forme animale traduisit par une rapide succession de clignement de paupières. Comment ça ? Qu'est-ce que Sadie voulait dire par « tilter » ?
– Non, répondit simplement Clark.
– Donc vous ne lui avez pas dit le reste ?
– Il n'y a pas grand chose à dire, répliqua le chef, si ce n'est que les Autres n'ont pas tenté la moindre approche depuis un moment et que personne ne sait pourquoi. Même chose pour le Spectre. Pourquoi ne pas attaquer avec autant d'informations en poche ? Eva m'aurait sans doute posé la question et je n'aurais pas pu y répondre, alors j'ai préféré m'abstenir en attendant d'en savoir plus.
Il y eut un silence semblable à un long instant de réflexion. Donc, mis à part le fait qu'ils étaient incollables sur leur proie, les Autres étaient en stand-by ? Mais c'était une bonne nouvelle, non ?!
– Sinon, tu pensais qu'elle était inquiète à cause d'autre chose... Renvoya Clark à l'intention de son interlocutrice. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
L'intéressée claqua de la langue.
– Elle est énormément investie dans sa propre défense est celle du Sanctuaire. Oui, elle a peur, mais elle accueille le danger avec beaucoup de force, seulement...seulement aujourd'hui, elle avait l'air d'être terrifiée au point de se...pétrifier. Elle avait déjà l'air tendue en arrivant au Sanctuaire mais dans la salle forte...
– Je vois ce que tu veux dire. Tu penses à quelque chose en particulier ?
Il y eut une pause hésitante avant que Sadie reprenne :
– Honnêtement, je suis confuse. J'ai l'impression que c'est un mélange entre la peur des Autres, le choc des événements, la sensation d'enfermement qu'elle doit ressentir à force de rester cloîtrée dans le Sanctuaire... Et puis, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose avec Allan. Vous savez s'ils sont en froid ? J'ai essayé de lui demander avant de l'envoyer en surveillance mais il n'a pas répondu...
– Tu l'as envoyé en surveillance ? S'étonna l'homme. Pourquoi ?
Nouveau silence gêné de Sadie. Lorsqu'elle reprit la parole, le volume de sa voix avait baissé d'un ton :
– J'ai cru ressentir une énergie étrange en présence d'Eva. Je ne savait pas à quoi ça correspondait alors j'ai préféré envoyer quelques Voyageurs enquêter un peu sur la question.
– Et tu as envoyé Allan malgré le fait qu'en ce moment, son comportement soit préoccupant ?
– Je pense que ça doit être en lien avec Eva, affirma Sadie. C'est d'ailleurs pour éloigner ces deux là que je l'ai envoyé en surveillance. Et il avait l'air vexé de ne pas avoir été envoyé chez les Autres,alors c'était un peu ma manière de calmer sa frustration...
Clark laissa échapper un grommellement à la fois inquiet et dédaigneux.
– J'espère sincèrement que ce n'est pas encore une histoire en lien avec ces erreurs de la nature... Lança-t-ils comme la pire des insultes. Reviens me voir dès que tu as des nouvelles. S'il doit y avoir un autre conflit, je veux le régler au plus vite.
Quelques secondes passèrent avant que la porte claque de nouveau, marquant le dépars de Sadie. Eva décida d'en faire autant. Elle en avait déjà appris assez pour cogiter une bonne partie de la nuit... Enfin, après avoir rendu une petite visite à Mary. La Voyageuse débutante avait peut-être le sens des priorités, mais ce n'était pas pour autant qu'elle allait oublier la proposition de la guérisseuse, surtout que son ravisseur avait déserté son esprit et ne sentirait même pas leur lien se couper... Autant en profiter, tant qu'il était encore temps.
– Et là ? Tu as mal...?
– Aïe ! Appuies pas aussi fort ! Ça fait un mal de chien !
– Alors tu rentres. Hors de question que tu repartes alors que tu es blessé.
– Mais...
– Vas t'asseoir. De suite.
Cachée au coin du couloir, la bouche grande ouverte, Eva observait Mary sermonner Chris. Difficile de savoir ce qui était le plus improbable entre entendre Mary hausser le ton et voir Chris baisser les yeux sans rien ajouter. Mais en attendant, la guérisseuse était occupée et ne répondrait sans doute pas aux attentes d'Eva tout de suite. Gé. Nial. Bien. Ne restait plus qu'à retourner s'affaler dans son lit et attendre que Mary revienne... En espérant que son débile de ravisseur ne refasse pas surface en attendant.
En attendant longtemps.
Très longtemps.
Trop longtemps...
– REVEILLE-TOI ESPECE DE GROSSE LARVE !
Un oreiller venait de s'étaler sur le visage endormis d'Eva. Cette dernière grommela en retirant le carré de tissus rembourré de sa vue puis, les narines titillées par une délicieuse odeur de pancakes, retrouva rapidement le sourire.
– J'ai cru que t'étais en hibernation ! La salua Lauren avec sa douceur habituelle. Sérieux ! Tu t'es endormie à 21h et il est déjà 12h30 ! Tu comptais roupiller combien de temps, au juste ?
Eva ne cacha pas son étonnement. Midi passé ?! Ah ouais... C'était une belle nuit de sommeil, quand même... Du coup... Elle avait dû attendre le retour de Mary un bon paquet d'heures ! Songea-t-elle alors que les souvenirs de la nuit lui revenaient. La blessure de Chris était-elle si grave que ça ? Ou peut-être y avait-il eut plus de blessés lors de ce raid chez l'ennemi...
– Laisses-moi deviner ! S'exclama soudain Lauren en déposant une tasse de chocolat fumante devant son amie. Toujours avec ton histoire de vol dans le Monde des Rêves, c'est ça ?
Son ton était moqueur mais Eva ne s'en vexa pas. Elle était déjà reconnaissante que son amie l'ai écouté jusqu'au bout la veille au soir, alors elle n'allait pas se mettre à bouder pour une petite remarque sarcastique...
– En partie... Répondit tout de même la Voyageuse. Disons que j'ai passé la majorité de ma nuit à attendre que quelqu'un vienne m'aider...
– Et ta mission ? S'offusqua faussement Lauren. Ne me dis pas que tu l'as oubliée ! Ton ravisseur va franchement pas être content !
Eva esquissa un léger sourire.
– Tout ça, c'est finit. Je l'ai récupéré son truc mais comme il ne m'a pas répondu... Je ne sais même pas ce que j'en ai fait, pour être honnête...
Son téléphone vibra sur la table basse. L'adolescente sortit une main frileuse de sous sa couette et attrapa l'appareil non sans montrer tout l'étendue de sa flemme, le bras aussi mou qu'un spaghetti et le regard tout aussi vide que celui d'un mollusque. Ses yeux s'illuminèrent brusquement lorsqu'elle aperçu le nombre effrayant de messages facebook, sms et appels manqués provenant tous d'une seule et même personne : Maman.
Un coup de klaxon enragé retentit à l'extérieur de la maison. Eva bondit du canapé et se dépêcha de rassembler ses affaires sous le regard incrédule de Lauren. Elle aussi avait reconnu ce bruit sorti tout droit des enfers.
– Ta mère...? Souffla la grande blonde. Mais... Pourquoi elle vient te chercher ? T'avais un truc de prévu ?
– Nan... J'ai juste oublié de la prévenir que j'étais chez toi. Et elle va me passer un sale savon...
La jeune fille n'avait pas terminé sa phrase que son sac était fait et ses chaussures lacées à ses pieds, un manteau jeté sur ses épaules pour cacher les motifs du pyjama rose qu'elle n'avait pas encore eu le temps de retirer : fin prête à aller défier la fureur de sa mère. Lauren l'avait parfaitement compris et lui posa un rapide baiser sur la joue avant de la laisser s'enfuir, un air compatissant collé au visage.
Eva retint sa respiration et ouvrit la portière arrière de la voiture pour y déposer son sac : dès lors les reproches fusèrent et les sermons de sa mère ne se terminèrent qu'au moment où elle arrêta véhicule, en double file juste devant sa maison, le moteur encore vrombissant. Elle cria une dernière fois sur sa fille avant de la jeter dehors et de repartir au travail, continuant sans doute de grommeler au volant pendant que l'adolescente traînait du pied jusqu'à la porte de chez elle.
Elle jeta son sac dans l'entrée et laissa pendre sa veste sur le porte manteau que son père avait plus ou moins réussit à monter tout seuls, déjà un an auparavant ; elle répondit au salut de ce dernier par un grommellement et fonça vers la salle de bain. De l'eau chaude. Enfin... Elle verrouilla la porte de la salle d'eau et retira mollement le haut de son pyjama, refusant de croiser son propre regard bouffi dans la glace qui couronnait le lavabo : comme pour l'aider, un petit objet tomba des plis de son pyjama et tinta sur le sol, attirant immédiatement son attention.
Zut. À tous les coups une cuillère, une clef ou un autre petit objet à la con traînant sur le canapé de Lauren et s'était pris dans le pyjama d'Eva pendant la nuit... Et l'avait suivit jusqu'à chez elle. Restait à croiser les doigts pour que ce ne soit pas un objet important...
La main de la jeune fille se figea au dessus de l'objet. Brusquement, elle sentit sa tête lui tourner et le sang quitter son visage.
Pas possible. Elle devait encore dormir.
Sinon, comment la fiole mystérieuse de la salle forte du Sanctuaire aurait pu la suivre jusqu'ici...?
*******
- Chercher des explication, discrètement ou pas, auprès des autres Voyageurs ?
- Tout garder pour soit et attendre des nouvelles du ravisseur ?
- Une autre proposition ?
À vous de choisir !
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