Clac

             Tu seras dans ta chambre. Quelque chose voudra entrer. La porte tremblera, les gonds grinceront. Tu seras terrifiée, et pourtant, tu avanceras, attirée comme un papillon par une lampe. Ta main se tendra vers la poignée. Tu l'abaisseras lentement. Tu ouvriras la porte. Il y aura un petit couloir, avec au bout une autre porte. Tu feras quelques pas. La porte se refermera derrière toi avec un claquement qui résonnera quelques instants. Tu arriveras au bout du couloir et ouvriras la porte. Il y aura un autre couloir avec une autre porte au bout. Ton cœur accélèrera doucement. Tu marcheras un peu plus vite. Derrière toi, la porte se refermera. Le claquement résonnera. Tu ouvriras la porte. Un autre couloir, une autre porte. Ton cœur accélèrera, ton pas aussi. Tu feras quelques pas. Le claquement résonnera. Ouvriras la porte. Couloir. Porte. Battements et pas plus rapides. Avanceras. Claquement. Ouverture, couloir, porte, battements, pas, avanceras, claquement. Ouverture couloir porte battements pas, avanceras, claquement. Porte couloir claquement. Porte couloir claquement, porte couloir claquement. Porte couloir claquement porte couloir claquement porte couloir claquement porte couloir claquement porte couloir claquement porte couloir claquement porte couloir claquement claquement claquement claquement claquement claquement clac clac clac clac clac clac claclaclaclaclaclaclaclaclaclac

             J'ouvre les yeux et inspire un grand coup, sortant d'apnée. Contre moi, le corps chaud d'Héloïse, paisible, insoutenable. Des minuscules pics de glace s'enfoncent dans mon crâne, j'enfonce mes ongles dans mon crâne. Sortir, air frais, liberté. Peut-être fuir. La Voix revient, impérieuse.
''Tuuues la...''
Ne pas l'écouter. Obligée. Si mal... J'ouvre la porte et tremble dans la nuit. Je tangue sur quelques mètres. Pas un souffle de vent. Le temps est arrêté, on n'existe plus. Je m'effondre face contre terre. Gémis. Si mal... L'odeur de la boue pénètre mes narines, salée, acide, embrume mon esprit comme un alcool fort. Je grogne, laboure la terre. Trouve un caillou pointu, le serre fort dans ma paume, à m'en déchirer la peau. Je ris. Douleur, me sens vivre, rire de la douleur, de la vie. Une voix perce le voile de ma conscience.

             ''Où es-tu ?''
C'est Héloïse et une lampe de poche. J'essuie ma bouche et le sang sur ma paume.
''Je suis là, coassè-je. Tout va bien.''
Héloïse m'observe quelques instants sans rien dire.
''Rentrons.''
Le matin se lève doucement, le soleil peinant à traverser l'épaisse brume. Nous mangeons en silence avant de reprendre la route. A nouveau, les troncs défilent comme dans un zootrope. Ma conscience s'embrume. Au dehors, tout n'est qu'une bouillie verdâtre et marronasse. Des pensées surgissent, mais je ne les regarde pas. Elles fondent et disparaissent, éphémères tentatives de me faire sortir de ma torpeur. Mon corps a perdu toute consistance, toute existence. Il est aussi tangible qu'une brise, aussi présent qu'une vitre. Le bus ralentit progressivement, s'arrête. Héloïse se tourne vers moi. Je me lève.

             Sans la regarder, comme si son esprit était perdu ailleurs, comme si Héloïse n'existait pas, elle l'embrassa. Doucement, presque un souffle d'air sur ses lèvres. Puis elle retourna s'asseoir, le regard fixé sur un au-delà qu'elle seule percevait. Héloïse l'observa sans comprendre. Avait-elle rêvé ? Sur ses lèvres, comme l'impression qu'un papillon l'avait caressée.
''Je voulais inspecter ta blessure...''
Elle se laissa faire, molle comme une poupée de chiffon. Héloïse fit quelques pas dehors, remonta et redémarra. Elles roulèrent jusqu'à ce que le soleil se cache derrière le disque de l'horizon. Elles se couchèrent.

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