Chapitre 2 : Le visage caché
Il s'engouffra alors dans la pièce allumée et chauffée, se déshabilla comme s'il était un pantin désarticulé, laissa ses habits à terre et se laissa glisser sous l'eau brûlante. Faire le vide, pour faire le plein.
Lorsqu'il sortit de la cabine de douche, il fut soulagé de voir que la buée avait envahi le miroir. De toute façon, il ne pouvait plus se voir ni en peinture, ni en croquis, ni en sculpture. Ses cheveux mouillés et en désordre, il enfila le t-shirt et le jogging de Noah, qui avait même pensé à lui offrir des chaussons confortables et moelleux.
Il prit la panière, fit le chemin au sens inverse, trouva la porte de la buanderie près du garage, balança ses vêtements dans le tambour de la machine à laver, et enclencha un cycle rapide pour faire des économies d'eau et d'électricité.
Eden rejoignit Mathilde et Noah dans le salon, qui chuchotaient devant la banalité apparente des papiers. Quand ils le virent, leurs expressions ressemblaient à celles des gendarmes qui sonnaient à la porte pour annoncer une mauvaise nouvelle.
- Quoi ? Vous en faites une de ces têtes., essaya-t-il de plaisanter tandis qu'il sentit son cœur rater un battement.
- Que connaissais-tu de ton ex, Eden ?. Mathilde aurait pu lui s'intéresser à l'histoire récente de son ami : les circonstances de la rencontre avec l'accusatrice, leur besoin de s'engager, leur envie de mariage... Mais elle préférait jouer franc jeu.
Eden le savait, mais il redoutait ce manque d'empathie et de diplomatie. Il l'avait connu jeune Catalina, à peine 20 ans bien qu'il était âgé de plus d'une trentaine d'années. Le soir de la rencontre (soi-disant improvisée et hasardeuse), elle était belle, maquillée, mince, avec de grandes jambes, habillée d'une robe courte, des talons de plus de 8 centimètres...
Cette nuit-là, ils avaient fait l'amour comme des bêtes, il l'avait sentit passionnée... Alors qu'elle était tout sauf passionnante. Elle n'avait plus rien de sexy avec ses cheveux en pétard, son eyeliner dégoulinant et surtout sa clope au bec. Il détestait l'odeur de la cigarette depuis qu'il avait arrêté de fumer, pour sa santé et celle des autres.
- Qu'elle avait vécu une enfance difficile à cause de son père absent, mais que sa maman s'était toujours débrouillée pour lui donner une éducation... Son premier amour était un pervers narcissique, qu'il l'a arnaqué de plusieurs milliers d'euros, et qu'elle tentait de reconstruire sans vie sans homme, ou avec un qui était honnête, gentil, drôle., se perdit-il dans ses souvenirs.
Au premier abord, les situations semblaient sans gravité, jusqu'à ce que Mathilde décide de ne faire preuve d'aucune diplomatie. Elle en avait assez des mensonges, des non-dits et des faux-semblants.
- Un père en cavale, une mère qui aimait l'argent et qui n'a inculqué que cette valeur à sa fille. Cette même adolescente qui a déserté l'école à 16 ans, et a abandonné ses droits parentaux pour son premier enfant en dépit des 10 000 euros arnaqués à son ex-compagnon... Au fur et à mesure que Mathilde dévoilait les éléments, ils devenaient malaisants. Inconfortables comme la position de l'avocate, qui découvrait avec effroi... Le soleil se lever, et surtout la mine déconfite de son ami. Ton ex-femme est manipulatrice, et tu sais malheureusement pas encore tout. Elle a été liée à des affaires plus graves : transactions suspectes, et rumeurs qui se sont confirmées.
Un silence de mort se fit entendre. Eden venait de se prendre un uppercut en pleine poire. Imprévisible, violent... La douleur qu'il ressentait dans le ventre l'empêchait d'avoir une respiration calme, et surtout de reprendre ses esprits.
Eden voyait des étincelles, sa vue commença à se brouiller... Jusqu'à ce que Noah exprime pour lui ce qu'il n'arrivait pas à décrire.
- Je ressens un certain malaise à propos de la direction que prend cette affaire.
- Pas moi. J'aime quand les gens montrent leur vrai visage : celui de la fourberie et de la tartuferie., s'extasia-t-elle en se tournant vers des ouvrages qu'elle avait étudiés au collège.
- Ces défauts n'empêchent pas à l'ex-femme d'Eden d'être jugée de façon mesurée Mathilde., lui indiqua Noah de manière pragmatique. Son métier lui collait à la peau : il était un professionnel au sang-froid.
- Non, je pense pas : je suis prête à prendre des risques pour Eden. J'ai déjà une stratégie en tête., s'arrêta-t-elle à un plan : le sien. Sournois, insidieux et rusé... Comme un renard, qui était son animal totem.
Mathilde avait toujours des idées, pour tout... Et c'est ce qui inquiétait Noah et Eden.
- Jusqu'où es-tu prête à aller pour défendre tes clients ?, lui demanda-t-il sincèrement. En restant fidèle à tes principes, je veux dire., précisa-t-il.
- J'ai aucune limite Eden. Si je dois aller jurer ton innocence sur la place publique, je le ferai... Et tu le sais. Comme le fait que ta dernière carte, c'est moi. Elle avait raison Mathilde, et souvent en plus. C'est ce qui agaçait Noah, et ce qui énervait Eden. Elle savait jouer au poker et au black jack comme une reine, car elle savait bluffer. Être concentrée et performer : cette devise aurait pu être la sienne. Elle était l'as de trèfle qui piquait le cœur... En réalité, elle savait juste compter les cartes. Elle était excellente en calcul mental, et ne tirait aucun avantage de son hyperactivité. J'ai des somnifères dans le tiroir de ma table de nuit. Tu devrais en prendre un pour au moins dormir quelques heures. Qui de ton crew sait que t'es là ?, changea-t-elle de conversation, en préférant être rassurée.
- Ma mère, ma soeur, mon père... Ils passeront le mot, je m'en fais pas., certifia-t-il en n'ayant à présent envie que d'une seule chose : sentir le souffle apaisant de son fils à côté de ses oreilles.
- Tu peux dormir dans notre lit, je prends le canapé., garantit-elle en préparant ses bouchons d'oreilles. Le petit se réveillerait sans doute tôt le matin, et Mathilde avait besoin de repos et d'un sommeil réparateur.
Il ne négocia pas. Mathilde ne rangea même pas son nouveau bureau, seul Noah essaya de faire le tri en poussant toutes les feuilles volantes sur l'étagère de la table basse. Il partirait bientôt travailler, mais aurait toujours cette galanterie d'acheter des paquets de croissants et de pains au chocolat pour son épouse.
- À demain Mathilde. Merci pour tout., s'exprima-t-il avec toute la sincérité qu'il avait en lui. Mathilde le scruta, et il aurait tout donné pour l'embrasser fort sur la joue, et la serrer fort dans ses bras.
Et à sa plus grande surprise, elle ne répondit rien.
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