Je ne suis pas au bon endroit. Je le sais. Je le sens. La surface n'est pas la même. Plus douce. Plus chaude aussi. Enfin auparavant. A présent, elle se fait plus rigide et froide. C'est étonnant. Habituellement, on me pose sur des surfaces qui ne changent pas. Je ne savais même pas qu'un sol pouvait se modifier. Peut-être que c'est de ma faute... Je sais que j'ai participé. J'avais froid puis on m'a saisi. Je me suis retrouvé partiellement dans le vide, ballotté dans tous les sens, au rythme de mon porteur. Malgré cet inconvénient, je peux dire que j'étais bien. C'était doux et chaud. J'étais prêt à rester perché ainsi pour l'éternité. Mais... Une fois de plus, on m'a abandonné. Il m'a saisi avec force, m'a entouré autour de je ne sais quoi et a serré. Encore et encore et encore plus fort. Ensuite, il m'a relâché et abandonné.
De nouveau, j'étais seul.
Pourquoi m'abandonne-t-on toujours ? Ne suis-je pas assez utile ? Je suppose que non. Sinon, on ne me remettrait pas dans le noir, avec pour unique compagnie le froid. Au fond, peut-être que si je pouvais parler, nous serions amis. Avec la dureté, c'est celui avec qui je passe le plus de temps.

Et voilà. On me reprend. Je ne sais pas où je vais. En revanche, mon porteur est en colère. Il me sert fort. J'ai mal. Cependant, je ne peux rien dire. Si j'avais pu le faire, il y a bien longtemps que je les aurais tous rendus sourds en me plaignant de la façon dont on me traite. J'aurais pu leur dire qu'ils n'avaient pas à m'écraser, à me jeter, à me tirer dans tous les sens. À me traiter sans ménagement en somme. Moi aussi, je suis doué d'une sensibilité ! Je ne sers pas qu'à... À quoi d'ailleurs ? Je ne sais même pas ce que je fais. On m'enfonce. On m'étire. On me relie. Et pour finir, je suis fatigué, vidé de l'énergie que j'ai pu ressentir pendant la journée.

Cependant, plus je réfléchis et plus je me dis qu'aujourd'hui j'ai fait autre chose. J'ai accompli une tâche. J'ai aidé quelqu'un.

Noir