Bureau des pleurs

"Bureau des pleurs, j'écoute ?
– Bonjour
– Bonjour Monsieur.
– Ça va vous ?
– Et bien écoutez, plutôt oui. Et vous ?
– Moi ? J'en ai marre.
– Je me doute, que ce passe t-il ?
– Mon nouveau né ne fait que pleurer.
– Ah... Beaucoup beaucoup ?
– Bah ... non. Il pleure quoi, comme tous les bébés j'imagine.
– En effet, ce n'est pas facile de découvrir la vie.
– Ben non.
– Non... Et donc ?
– J'aimerais bien qu'il dorme pour que je dorme aussi.
– Cela va bien finir par arriver, pleurer c'est fatiguant, vous savez.
– Oui, je sais. Surtout ces derniers temps. Mais le truc, c'est que quand il s'appaise, je n'arrive pas à dormir.
– Ah?
– Ouais... J'ai des tonnes de trucs à faire. Vous verriez l'état de mon salon...
– Boarf, vous verriez l'état de mon bureau actuellement.
– Ah ouais ?
– J'ai mangé une salade et étalé de la sauce partout sur mon clavier.
– C'est pas cool, mais au moins vous mangez, vous.
– Ce n'est pas votre cas ?
– Si je le pose, bébé pleure.
– Et bien ne le posez plus.
– Oui mais hier j'ai mangé avec lui sur les genoux, j'ai fait tombé une tomate sur son nez, il s'est mis à hurler alors que je venais de le calmer et dans la panique, j'ai taché de curry une chemise blanche que j'adorais.
– Mince.
– Comme vous dites.
– Rien de grave, entre nous.
– Non, c'est vrai, mais avant ça son biberon a fui, mon canapé est couvert de lait séché, et ce monstre m'a fait caca dessus juste après que je l'ai nourri.
– L'ingrat.
– Oh, puis faut savoir que mon chien s'ennuie, donc il courre sans cesse après le chat qui se réfugie où il peut,  notamment entre les pots de fleurs. Pots qui cassent. En milles morceaux.
– Je vois.
– Et je me suis fait piqué par une abeille.
– Une abeille ? Pas une guêpe ?
– Non, une abeille.
– Oh non... Elle doit être morte alors, la pauvre ... Que lui avez vous fait pour qu'elle vous pique ? Elles n'attaquent jamais normalement.
– Bah j'ai voulu aux choix : la sauver de mon chien ou l'empêcher de piquer ce même chien. Ou les deux...
– ... Pas facile, cet animal.
– L'abeille ?
– Le chien !
– Non. En plus, il s'est fait mordre par une tique le weekend dernier, a choppé une maladie a cause de cette dernière et a failli mourir.
– Mais non...
– On a eu peur.
– J'imagine... Il va mieux ?
– Ben oui, puisqu'il courre après le chat.
– ... Emmenez-le faire une ballade avec votre bébé ?
– Oui, alors.
– Quoi donc ?
– Avez-vous déjà essayé de descendre trois étages avec bébé, poussettes et chien ?
– Oula, pas motivant en effet.
– Non, mais je le fais quand même, hein. Je ne laisse pas mon chien toute la journée sans sortir !
– Je me doute puisqu'il attrape des tiques.
– Voilà.
– ... Bon, vous êtes fatigué, en somme.
– Disons que depuis un mois je dors cinq heures par nuit maximum en morcelé.
– Dur.
– Je dormais facilement huit à dix heures par nuit avant...
– Devenir parent c'est faire le deuil de la vie d'avant, il paraît.
– Pas vraiment de la vie d'avant, du sommeil de qualité, surtout.
– Mais ça va passer, il va finir par faire ses nuits.
– L'objet de mes prières chaque soir. Quand j'ai le temps de prier.
– Enfin, je m'avance peut-être, il me semble que ma nièce ne les fait toujours pas vraiment à presque trois ans.
– ...
– Oh mais je ne dis pas cela pour vous désespérer.
– Ben non, mais vous me désespérez quand même.
– Toutes mes excuses.
– Dans votre cul.
– Hé oh, doucement quand même !
– C'etait mérité.
– C'est vrai. Bon, vous savez ce que je crois Monsieur... C'est quoi votre nom au fait ?
– Jimin.
– Et bien Jimin, je pense qu'il faut voir le bon côté des choses.
– Par exemple ?
– Vous avez une merveilleuse petite famille qui va bien. Pas vrai ?
– Je vais bien ?
– Mais oui !
– D'accord.
– Vous me dites d'accord mais vous n'avez pas l'air d'accord.
– J'essaye d'être positif et de vous faire confiance.
– C'est un bon début.
–  Vous sous-entendez encore que tout cela va durer des années ?
– Mais non enfin ! Je parle de votre élan d'optimisme.
– Ah, dans ce cas je vous préviens, dès que bébé me vomis dessus une énième fois, j'arrête l'optimisme.
_ Vous n'êtes pas très endurant.
_ Et vous, pas très réconfortant.
_ Il faut voir le verre à moitié plein !
_ Ouais, ben en ce moment, je pense en biberons et laissez moi vous dire qu'un biberon à moitié plein à la fin de la tétée, ça ne laisse pas présager une bonne nuit, au contraire. Bébé crève la dalle deux heures et demie après et c'est repartit pour un tour.
_ ... Dites moi, vous l'avez voulu ce gosse ?
_ Oui, mais je vois pas le rapport.
_ Vous deviez vous attendre à tout ça.
_ Et ma main dans ta gueule tu t'y attends peut-être ? Ton métier c'est de m'écouter me plaindre, pas de juger si je suis en droit de ne faire ou pas.
_ Ce que vous pouvez être malpoli...
_ Je suis fatigué, j'ai faim, je manque d'énergie, la politesse ne faisant partie ni des besoins vitaux du bébé, ni de ceux des poilus, ni même des miens, je l'ai mise de côté pour plus tard. Pour quand mon fils sera majeur, vacciné et milliardaire.
– Vous avez le sens de la survie, au moins, sans doute pas celui du réalités par contre.
L'instinct de survie.
– Je refuse de croire que toute forme de violence à mon égard puisse être instinctive.
– Si, si, je te jure.
– Ah, on se tutoie maintenant.
– Oui, comment tu t'appelles ?
– Taehyung.
– C'est moche.
– De mieux en mieux... Je vous emerde, du coup. Enfin Tu. Je t'emmerde.
– T'es pas d'accord ?
– Je n'ai pas choisis mon prénom, surtout.
– La vie, c'est vraiment une chienne parfois.
– Une chienne qui attrape des tiques et qui manque de mourir comme une fragile ?
– C'est mon chien qui t'emmerde. Respecte mon chien.
– J'aurais pu me moquer de toi, aussi.
– Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
– Tu vas rire.
– Ça me ferait du bien, tu aurais enfin fait ton boulot.
– ... Ma femme est enceinte.
– Oh félicitations !
– Et elle rêve d'adopter un chien.
– ... Elle a raison.
– ... Tu ne me mets pas en garde ? Aucune vanne ? Aucun avertissement ?
– Absolument pas, je trouve ça génial !
– Vraiment ?
– Sincèrement. Je mentirais en disant que ce n'est que du bonheur, mais les aventures, ce n'est rarement que du bonheur. Le bonheur il se mesure à la fin, aux bons souvenirs.
– Oh...
– Y'a quand même un truc ...
– Je m'en doutais. Quoi ?
– Je te souhaite de tomber sur un employé du Bureau Des Pleurs plus compétent que toi le moment venu. T'en auras besoin à un moment ou un autre.
– Rassurant...
– Pour ton poste ? Pas vraiment.
– Je racroche si tu me traite encore une fois d'incompétent.
– Il y a une chose pour laquelle tu es aussi incompétent.
– Putain Jimin...
– Être parent.
– Hein ?
– On est tous incompétents au départ  mais on apprend.
– ...
– Pourquoi tu ris ?
– Parce que c'est la fin de notre appel, je crois.
– Et ça te rend heureux tant que ça ?
– Oui, déjà parce que tu es le pire des interlocuteurs, ensuite parce que maintenant, je sais que tu iras bien.
– Comment ça ?
– Tu es entrain d'apprendre et tu fais ça si bien que tu commences déjà à transmettre ce que tu sais aux autres.
– Oh.
– Donc lache ma manche et file sortir ton chien et ton bébé. Prévois des bavoirs et un colier anti parasite.
– Je vais faire ça.
– Oui, enfin, n'hésite pas à rapeller quand même, si tu en as envie. Je prendrai quand même ton appel meme si ça me coute.
– Je ferai sans doute ça, mais faisons semblant que ce ne sera pas le cas.
– D'accord !
– On se dit donc à jamais, Taehyung ?
– L'objet de mes prières tous les soirs à venir. Bisous Jimin. Et courage !"

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