Chez Donaldson et Valther

Jason consulta sa Breitling et pesta une nouvelle fois. Il traversa au pas de course la grande place en direction du siège de Donaldson & Valther. Le groom électronique le salua aimablement lorsqu'il pénétra dans le hall de la tour.

«Barney ? C'est toi ?Je te reconnais pas. Le patron t'a payé un lifting ?
— Je vous souhaite une excellente journée de travail,Monsieur Bytes. »

Ces mannequins électriques étaient cons comme la Lune, mais au moins ils étaient polis et affichaient un sourire radieux en toutes circonstances. Et surtout ils n'appartenaient à aucun syndicat pour renégocier leurs salaires inexistants.

Jason se remit à courir en apercevant l'un des ascenseurs s'ouvrir à l'autre bout du hall. Il parvint à se glisser à l'intérieur in extremis. Une jeune femme à la permanente blonde élaborée occupait la cabine. Jason essaya immédiatement de la dévisager tandis qu'elle demeurait cachée derrière son miroir de poche, concentrée à donner une touche finale de Rimmel à ses cils. Elle portait un casque de walkman qui crachait à tue-tête un air connu. Le fil des écouteurs allait se perdre dans son sac à main Gucci. Une jeune créature de goût et à la plastique exquise, constata Jason. Il scruta le tableau de commande de l'ascenseur pour découvrir l'étage de destination de la blonde. Il ne se rappelait pas l'avoir déjà croisée. Une gonzesse dans son genre ne passait pas inaperçue ; il s'en serait souvenu. Il fut agréablement surpris de constater qu'elle se dirigeait vers le vingtième, tout comme lui. Elle n'avait pas du tout l'allure d'une cliente de Donaldson & Valther. Sa présence dans les murs de l'immeuble ne fit qu'exciter la curiosité du jeune homme.

Son ravalement de façade terminé, la fille rangea tube et poudrier dans son sac de cuir. Elle s'aperçut enfin de sa présence et le gratifia d 'un sourire poli mais distant. Jason lui rendit son salut mais n'eut pas le temps de prendre sa fameuse pose de gentleman décontracté. La porte de la cabine s'ouvrit et il invita l'inconnue à le précéder sur le palier avant de sortir à son tour. La galanterie était l'outil le plus délicat jamais inventé pour mater le cul des filles. Il suivit les ondulations de bassin de la jolie blonde jusqu'au salon d'accueil de Donaldson & Valther où Kimberly l'attendait, un café froid à la main. Il embrassa la secrétaire sur les deux joues.

«Salut beauté ! Dis-moi,tu sais qui est cette divine apparition au 90 B irréprochable qui vient de passer ?

— Je t'arrête tout de suite, Bytes : c'est la nièce du patron et elle commence aujourd'hui comme stagiaire. Interdiction formelle de t'en approcher.

— C'est le boss qui a fait passer le message ? C'est sa « nièce» personnelle ou...

— C'est moi qui l'ai décrété : elle sera mon assistante pour les trois prochains mois. Alors je te supplie au nom du professionnalisme et de l'amitié qui nous lient : fais pas chier et passe au large.

— Ça c'est un défi comme je les aime !

— Oh Mon Dieu ! C'est encore qu'une gamine, elle vient juste d'avoir son diplôme. Elle pourrait être ma fille !

— Mais pas la mienne ! Son nom, tout de suite.

— Elle s'appelle Célia et... mais qu'est-ce que tu fiches encore là à me tenir la grappe ! Allez, file dans ton bureau : tu dois finir le dossier Dodge pour le présenter aux clients cet après-midi.

— Bien reçu, cheffe. Au fait, tant que j'y pense : il avait une drôle de tête Barney ce matin. Il lui est arrivé quelque chose ou j'ai rêvé?

— On a du le remplacer par un modèle tout neuf. Notre bon vieux Barney a été saccagé par une bande de punks la nuit dernière. Il ne restait plus que ses jambes et un peu de fil électrique qui en dépassait. Ils lui ont volé ses processeurs. De sales drogués qui font du trafic d'organes électroniques si tu veux mon avis.

— Paix à son âme. Dommage qu'on ne fasse pas de pot de départ pour les employés synthétiques : j'aurais bien bu un petit coup.

— Il est encore trop tôt pour te saouler, jeune éphèbe !

— Dans ce cas rendez-vous ce soir après le boulot au Pimp's. N'oublie pas d'amener ta délicieuse protégée. C'est comment déjà son petit nom ? Cécilia... ?

— Célia ! Allez, dégage maintenant ! »

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