Chapitre 9 : Uriel
Inspire... expire ... inspire... expire...
Angoissé, excité, stressé.
Voici trois adjectifs qui définissent parfaitement mon état instable à l'approche du salon. Pour l'occasion, je suis venu passer la semaine chez ma grand-mère.
« Uriel chéri, descend déjeuner. J'ai préparé un gâteau ! »
Je regarde ma montre : 10h20. Je dois être parti pour 10h30 pour arriver pile à l'ouverture du site où se déroule le salon c'est-à-dire à 11 heures pile. Pas question d'être en retard ! Mon plan, c'est de rester tout le long du festival, du début à la fin, pour être sûr de ne pas rater Océane. Elle ne viendra sûrement pas toute la journée, si ? Peut être plutôt l'après-midi ? Avec un peu de chance, elle assistera à la remise des prix. Désolé Mamie, mais ton délicieux gâteau attendra : je ne peux pas la rater encore une fois.
Ma mère a eu la gentillesse de me prêter sa voiture, sachant que j'allais voir Mamie et surtout parce qu'elle en a marre que je fasse une fixette sur Océane. Elle a bien essayé de me pousser à m'intéresser à d'autres filles, sans succès. Je n'en rêvais que d'une seule, et voilà que ce fameux rêve sera peut-être réalisé aujourd'hui !
Je suis concentré sur la route. Ça fait environ deux mois que j'ai eu mon permis et conduire n'est pas encore très naturel pour moi. Pour me détendre je décide de mettre de la musique. Je cherche dans les différents CD que ma mère a rangé, ou plutôt casé à l'arrache, dans ce qui est censé être une boîte à gants, mais surtout une boîte à bordel. Je tombe sur un CD de Rock. Ça fait longtemps que je n'en ai pas écouté ! En ce moment j'écoute beaucoup de musiques classiques en peignant. Allez savoir pourquoi...
Alors que le trafic devient plus dense et qu'AC DC passe, le volume à fond, le bruit d'un klaxon vient se superposer au bruit de la batterie. Je regarde dans le rétroviseur, les sourcils froncés et la mâchoire serrée. Je vois alors une Audi Noire.
« Qu'est-ce qu'il veut ce... »
Attendez j'ai bien dis qu'une Audi noire venait de me klaxonner ? UNE AUDI NOIRE ? Soit c'est une coïncidence, je tombe encore sur un bourgeois prétentieux qui me klaxonne dans les bouchons pile quand j'écoute AC DC, soit c'est bien son père ou même encore mieux : elle. C'est très très très improbable. Je tourne la tête lentement, avec la peur d'être désillusionné. Mais quand mes yeux tombe sur son visage d'ange au sourire éblouissant, je manque de rentrer dans la voiture devant moi. Je cligne des paupières avec force, de peur que ce ne soit qu'une hallucination avant de reposer sur elle des yeux ahuris.
Elle signe alors :
« Salut ça fait un bail ! »
Et elle me dit ça tout naturellement en plus. Je n'ai qu'une envie : descendre de la voiture et la serrer dans mes bras. Je me demande ce qui m'en a empêche... La peur qu'elle s'enfuit ? Ou celle de mal exprimer ce que je ressens ? J'ai l'impression de marcher sur un fil tendu au dessus du vide. Je m'empresse de répondre à Océane :
« Ça fait une éternité ! Je suis tellement heureux et choqué à la fois de te revoir !
- C'est vrai qu'après 5 ans ça fait bizarre !
- Tu ne vas peut être pas me croire et trouver ça exagéré de la part d'une personne que tu n'as croisé qu'une seule fois dans ta vie, mais j'ai souvent pensé à toi si ce n'est même tout le temps. Dans ces embouteillages, je me suis confié à toi comme à personne, et depuis ce jour j'ai rêvé de te revoir.
- Uriel...
Elle me regarde avec des yeux qui s'embuent de larmes. Je suis déconcerté : est-ce que j'ai été trop maladroit ?
- J'avais l'impression d'être la seule personne assez démesurée au point de rester bloquée des années sur une rencontre aussi fugace que la notre. Et pourtant ce moment et ton visage sont restés gravés dans mon esprit. J'ai eu l'espoir de renouer contact avec toi lorsque je t'ai croisé dans un supermarché une fois, mais malheureusement on s'est manqués... J'ai cru que c'était un signe de la part du destin pour me dire d'arrêter de m'accrocher.
- Ma mère m'a prévenue trop tard de ta présence sur le parking du supermarché ce jour-là, et plus tard, je t'ai aussi aperçue sur la plage mais tu t'es évanouie dans la nature. A croire que tu m'avais caché être une sirène !
Elle rigole. Qu'est-ce que j'aimerai l'entendre ce rire ! Ces confessions m'ont redonnés assez de courage pour oser lui demander :
- Ça te dirait qu'on baisse nos fenêtres pour se parler de vive voix ? Je suis curieux d'entendre la tienne, j'ai mille fois essayé de l'imaginer.
Son sourire disparaît, elle semble tout à coup gênée.
- Je ne sais pas, je n'ai pas trop envie...
Là pour le coup je ne comprend pas. Je suis même un peu déçu... C'est donc ça, se prendre un râteau ? Je détourne le regard et fixe la voiture à l'arrêt devant moi, des sentiments complexes et inconnus me traversent. Elle doit voir que je suis troublé, blessé même puisque je vois du coin de l'œil qu'elle tente d'attirer mon attention.
- Ce n'est pas ce que tu crois
Continue-t-elle a signer.
- Ce n'est pas parce que je n'ai pas envie d'entendre ta voix, c'est parce que c'est compliqué pour moi.
- Pourquoi c'est compliqué ?
Elle semble hésiter à répondre, puis baisse sa vitre. Et malgré la fenêtre ouverte, elle signe ces trois mots :
- Je suis sourde.
Alors c'est le choc. Je n'arrive pas à répondre quoi que ce soit. Océane referme sa fenêtre comme pour se protéger. Elle détourne le regard, le trafic redevient fluide et l'Audi noire s'éloigne. Sauf que cette fois je ne fais rien pour la rattraper.
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