Chapitre 1 : Uriel

Les arbres défilent tandis que les voitures filent. Et puis il y a moi, qui regarde tout ça inlassablement depuis exactement 4 heures et 37 minutes.
Je quitte ma montre des yeux et les repose sur le paysage se trouvant derrière la vitre. On arrivera bientôt à Paris, je vois déjà de loin quelques immeubles. Ça fait bizarre d'en voir ! Quand on est habitué à la campagne et ses champs à perte de vue, la moindre agglomération de bâtiments et de personne est dépaysant. J'ouvre ma fenêtre, voulant respirer un peu d'air frais et sentir le vent sur mon visage.

« Uriel ferme cette putain de fenêtre ! Ça pue la pollution dehors et ça fait un courant d'air désagréable ! »

Cette femme qui me crie dessus juste pour une fenêtre au lieu de me demander gentiment de la fermer, c'est ma mère. Elle ouvre d'ailleurs peu de temps après la sienne pour balancer sa cigarette, et celle-ci ricoche sur le pare-brise de la voiture de derrière. En voilà un qui va être content ! C'est typiquement ma mère : elle se fout de tout. Ou du moins c'est l'image qu'elle renvoie. Mais moi, je sais bien qu'au fond, elle est plus sensible qu'elle ne veut le laisser paraître.

Alors que je décide de me mettre à compter les voitures rouges comme quand j'étais petit avec mon cousin, la circulation devient plus compliquée.

«Mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce qu'il fout celui tout devant ? Pourquoi ça avance pas ?!

- Maman y'a eu un accident, c'est pour ça que ça bloque...

- Les gens sont débiles... Ils pourraient faire attention quand même ! Non mais regarde moi tout ce monde ! C'est pas possible d'être autant sur une route !

- C'est sûr que c'est pas comme ça par chez nous.

- Mais allez ! Avance toi ! »

Elle se défoule sur le klaxon en maudissant toutes les voitures qui la dépassent. Blasé, je mets mes coudes sur mes genoux et tiens ma tête entre mes mains en fermant les yeux. Peut être que dormir fera passer les choses plus vite... Mais ma mère a une autre idée en tête pour se détendre et insère un disque dans le lecteur CD. Et pas n'importe lequel... mais celui qui contient sa playlist hardrock. Résultat : impossible de dormir. Ma mère quant à elle balance la tête de gauche à droite en chantant. Petite rectification : en hurlant. Mine de rien, la musique m'occupe puisque qu'on finit par faire un karaoké en duo dans la voiture. Les gens nous regardent tous bizarrement mais on s'en fiche. Quelque part on les occupe aussi !

Cela fait environ 20 minutes qu'on est coincés dans les bouchons. Cet effet accordéon me fait mal au cœur. J'hésite à ouvrir ma fenêtre mais finit par oublier l'idée. AC DC passe alors, le son toujours monté au maximum malgré que ma mère et moi avons arrêté de chanter dès qu'on a vu les premières gouttes d'eau tomber. Si déjà à deux on provoquait une petite pluie rien qu'en chantant 5 minutes, qu'est ce que ça aurait donné en continuant ! Sûrement le déluge... Ma nouvelle occupation consiste alors à taper du pied en rythme tout en regardant par la vitre. Je m'en lasse vite vu le peu de choses intéressantes à l'extérieur et sors un livre de mon sac. Il parle d'une jeune fille qui apprend qu'elle a reçu un implant étant petite lui permettant de pénétrer dans la tête des autres en sortant de son corps, et qui doit sauver le monde de personnes ayant des dons similaires mais voulant les utiliser à mauvais escient. Moi qui n'aime pas écrire par manque d'inspiration, je me demande comment les auteurs arrivent à trouver toutes leurs idées brillantes ! Alors que j'entamais le chapitre 10, une voiture nous klaxonna. Ma mère sortit de ses gonds.

« Regarde moi ce bourg' ! Quoi t'a un problème avec AC DC ?

Un homme plutôt bien habillé dans une grosse Audi noire regarde ma mère avec une expression hautaine. Elle déteste les gens comme ça, surtout les hommes depuis que mon père l'a quitté à ma naissance.

-Laisse tomber Maman ! »

J'observe plus attentivement la voiture. Et là, je la vois.  Une fille, tenant un stylo d'une main et un carnet violet de l'autre. En parlant d'écrivain, en voici sûrement une ! Elle replace de temps en temps une mèche de ses cheveux blonds en arrière. Je continue de l'observer, absorbé par les gestes délicats qu'elle effectue quand elle pose le crayon sur le papier, et par ses boucles dorées qui se balancent lentement à mesure qu'elle écrit des pages. Au bout d'un moment, elle relève la tête de son ouvrage et regarde par la vitre de sa voiture. Par réflexe, je détourne le regard. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les filles et je me rend compte à quel point la situation aurait été gênante si elle m'avait vu la regarder. Finalement je ne peux m'empêcher de partir à la recherche de son regard. Mais quand je tourne la tête pour la regarder encore une fois, mes yeux plongent dans les siens. Ils sont d'un gris bleuté qui me rappelle l'écume des vagues qui viennent se fracasser sur les plages bretonnes. Elle rougit brusquement et détourne le regard. Je souris, amusé de sa réaction qui ressemble à la mienne. Finalement, nos regards se recroisent et elle soutient le mien.

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