Chapitre 3

Il rompit le câlin et repartit vers sa chambre, tout en lui faisant un clin d'œil. Elle lui fit un petit sourire timide. Peut-être avait-il raison, elle devrait grandir un peu et pardonner à son frère au lieu de bouder pour une broutille. Aussitôt que la jeune fille eut pensé cela, elle se reprit. Non ! Cela n'était pas une broutille, c'était un élément très important ! Ca signifiait que c'était comme ça que son frère la voyait, et ça, la jumelle ne pouvait – et ne voulait – pas l'accepter ! Une guerre intérieure commença. En blanc, les « pardonner » défendaient, en noir les « ne pas pardonner » attaquaient, en gris les « attendre que mon frère s'excuse » arbitraient le match.

Tout en étant spectatrice de la bataille, la jeune fille rentra dans la chambre. Son frère était sur son lit, pianotant quelque chose sur son portable. En soupirant, la jumelle s'assit sur son lit, continuant d'observer le match que ses pensées lui montrait.

- Tu sais, Maurin', il y a des vérités qu'il faut savoir accepter, commença son frère.

Ca y est, les noirs avaient gagné. 10 à 0. Du jamais vu.

- C'est bon, tais-toi, tu t'enfonces ! maugréa-t-elle.

Cependant, malgré cette bataille rondement menée par l'équipe noire, la jeune fille ne pouvait s'empêcher de se poser des questions... Quand était la dernière fois qu'elle avait vraiment réfléchi ? Aussi profondément qu'elle venait de le faire, pour être honnête, ça faisait bien 1 mois et demi... Et ça remontait au bac. Soupirant une nouvelle fois, l'adolescente se décida à lever le drapeau blanc.

- J'ai compris, vous avez tellement pas l'habitude de me voir réfléchir que quand je le fais vous voyez autre chose, c'est ça ? résuma-t-elle en grinçant des dents.

Elle n'aimait pas du tout cette théorie. Absolument pas. Son acte était tellement noble... Comment une telle noblesse avait-elle pu être aussi mal perçue par sa propre famille ? Si encore ces personnes étaient des connaissances, elle pouvait comprendre, mais là... Elle somma à sa conscience de se taire. Il valait mieux parfois couper court à certains dialogues intérieurs. Ils pouvaient se révéler toxiques.

Son frère la regardait avec des yeux ronds. Il était tellement rare de sa part qu'elle ravale aussi vite sa fierté comme elle venait de le faire, que cela relevait limite du miracle. Le jeune homme se félicita intérieurement d'avoir osé lui dire. Leurs disputes étaient tellement fréquentes qu'il avait arrêté de les compter, mais ce soir-là, il était juste fatigué, et n'avait pas envie que ça recommence. Le jumeau avait même hésité à revenir sur ses paroles pour éviter une nouvelle situation de crise. Mais Paul s'était souvenu, il s'était rappelé que s'il s'excusait, cela aurait été immérité. Elle avait été la première à les mettre tous dans le doute avec ses expressions bizarres lors du repas, et il ne pouvait pas se permettre de laisser ça couler, ça lui avait fait trop mal. Le pire avait été de l'entendre évincer toutes ses craintes avec son rire mélodieux. Elle n'avait pas le droit de faire cela, de jouer avec ses émotions, même si c'était involontaire !

Mais ce que sa jumelle venait d'admettre... Son jumeau n'osait pas y croire. Pour elle d'avoir pu admettre ses erreurs, la dernière fois que cela était arrivé aussi vite avait été devant une copie de maths, après que le professeur lui ait expliqué par a+b que son raisonnement était faux... et elle avait les larmes aux yeux.

- Oui, admit-il. Mais wow, félicitations ! Je croyais que tu allais m'éviter pendant une semaine, voire plus... Tu sais, j'ai déjà donné, et là j'étais prêt à céder, mais tu as vraiment grandi petite sœur !

- Je suis plus grande que toi ! J'ai 10 secondes de plus, grommela-t-elle. Et arrête avec tous ces compliments : de un, je ne sais pas comment les prendre et de deux, tu vas me faire rougir.

- D'accord d'accord.

Il lui fit un grand sourire angélique. Taquiner sa sœur était un de ses passe-temps favoris – et la raison pour laquelle ils se disputaient si souvent – mais avec son visage poupin et ses yeux qui lançaient des éclairs en même temps, c'était tellement tentant ! On aurait dit une enfant qui tentait de se révolter contre son parent. Cependant, cela, il ne lui avait jamais dit. Peut-être pour un autre jour, car comme le dit si bien le proverbe « A chaque jour suffit sa peine. ».

- Tu voulais dire quoi tout à l'heure ? se reprit-il. Je t'ai coupé au moment où tu as dit « réfléchir », désolé.

Sa sœur lui lança un regard assassin. C'était décidé, c'était la dernière fois qu'il la taquinait pour la soirée à ce sujet. Enfin, il allait essayer.

- Donc, tu ne le sais peut-être pas, reprit-elle. Bon, en fait tu le sais mais j'avais envie de faire un beau speech, donc juste tais-toi et écoute, tu me dois bien ça. L'anniversaire de mariage de Papa et Maman est dans 9 jours. Or, malheureusement « Twin'Twin » vient de nous quitter. Doooonc on va leur acheter une nouvelle voiture pour cette occasion !

Son jumeau leva le doigt, sceptique.

- Tu es sûre pour ce surnom de feu notre voiture, « TwinTwin » ? Ca fait gamin tu sais. Et tu l'achètes comment ta voiture ? Avec quels sous ?

Ces deux dernières questions avaient été posées avec beaucoup plus de sérieux. En effet, ils étaient pauvres. Si ils avaient tous les deux 75€ d'argent de poche de leurs économies, c'était bien le maximum. Mais trouver une voiture à 150€ ? C'était peine perdue ! D'où sa jumelle sortait-elle toute ses idées ? Ou plutôt, vu le temps pendant lequel elle avait réfléchi, quelle solution avait-elle trouvé ?

Sa jumelle sourit de toutes ses dents, ignorant volontairement la première question de son frère.

- J'ai plusieurs idées...

Le gazouillis des oiseaux et les premiers rayons de soleil ne parvinrent pas à réveiller les jumeaux. Les recherches de la veille pour mettre leur plan en action avaient duré beaucoup plus tard que prévu. Leurs désaccords avaient été assez forts, forçant chacun à trouver les chiffres et les informations nécessaires pour prouver à l'autre qu'il avait tort. Tout cela c'était fini par des disputes – en chuchotant – et un accord mutuel de se coucher pour reprendre le tout à tête reposée. L'ordinateur, témoin de la nuit mouvementée, était en veille, une petite lumière clignotant toujours, comme s'il cherchait à les alerter d'un danger : celui que leurs parents découvrent ce qu'ils avaient fait durant la nuit. Cependant c'était peine perdue. Même avec les rayons du soleil, et la luminosité grandissante de leur chambre, ils dormaient tous deux à poings fermés, l'un et l'autre échappant un petit ronflement de temps en temps.

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