Chapitre 20
A présent ils étaient clairs. Ils se serrèrent la main en signe de réconciliation, et le silence inquiétant qui les entourait disparu, tout comme le micro-climat glacial qui s'était installé. Arrivant finalement au guichet, ils prirent les différentes choses qui leur étaient tendues et partirent s'asseoir, tout en se tenant toujours la main. Les enchères s'enchaînaient à toute vitesse, et il ne leur restait qu'une vingtaine de minutes pour essayer de trouver quelque chose d'intéressant.
- Au pire, c'est pas grave, chuchota Maurina. On est arrivés tellement tard que ça serait étrange que l'on trouve quelque chose de notre budget. Mais au moins ça sera intéressant !
Paul secoua la tête, désabusé. Sa sœur venait de sortir ces paroles ? S'il ne l'avait pas entendue et vu ses lèvres bouger, il n'y aurait pas cru. Le raisonnement de sa frangine allait de plus en plus loin. L'adolescente impatiente et tête brûlée semblait disparaître peu à peu... Ou peut-être était-ce parce qu'il avait du mal à voir du changement ? Qu'ils ne prenaient pas souvent des décisions aussi sérieuses ensembles pour pouvoir le remarquer ? Plus il y réfléchissait, plus il se disait que cela faisait un moment qu'ils n'avaient pas fait de plan, réfléchi à des choses farfelues... Ils étaient proches, cela, il en était convaincu, mais de voir tous ces petits détails tout à coup lui faisait drôle, comme s'il se découvrait une autre sœur.
- Paul, Paul, regarde ! lui lança Maurina.
Cela le sortit de sa réflexion. Ils étaient à une enchère, ce n'était pas le moment de rêvasser. La voiture qui était en train de passer était magnifique. Sa carrosserie noire semblait briller de mille feux, et son design était magnifique.
- Je la veux... souffla Paul, émerveillé.
Sa sœur hocha la tête en souriant. Elle s'y attendait. Leurs goûts se ressemblaient pour tout ce qui était automobile. Chaque fois qu'un véhicule sur la route leur plaisait, ils le disaient en même temps. Ce qui avait provoqué quelques « chips » et « contre-chips » quand ils étaient plus jeunes. Son sourire devint légèrement moqueur en voyant le regard que son frère lançait à la voiture à l'exposition. Son visage montrait clairement qu'il aurait souhaité avoir cette merveille, et qu'il la pensait encore dans son budget.
- 25 000€ par ici, qui dit mieux ! lança le présentateur.
La jeune fille retint un fou rire. La déception se lisait clairement sur la tête de son frère. Comprenant qu'il s'était fait avoir, il lui lança un regard noir.
- Je croyais que tu me la montrais car elle était dans notre budget... se plaignit-il.
Sa plainte ressemblait davantage à une justification, et sa sœur eut un large sourire. Qu'il était plaisant d'embêter son frère de la sorte !
- Tu étais tellement dans tes pensées que c'était trop tentant, le titilla-t-elle.
Son jumeau fit semblant de bouder avant de sourire lui aussi. Il l'avait bien mérité ! Il aurait dû être plus attentif !
- ...200€ ! termina le présentateur.
Le regard des jumeaux retomba directement sur celui-ci. Ils n'avaient pas écouté le reste de la phrase, mais juste entendre le prix, ils savaient qu'ils pouvaient l'avoir !
- On le fait ? demanda Maurina, surexcitée.
Paul hocha la tête, tout aussi excité.
- Oui ! Le budget max est de 400, au-delà on arrête.
Aussitôt que son jumeau eut donné l'accord, la jeune fille cria leur numéro et 200... Toutes les personnes présentes dans l'enchère se tournèrent vers elle en la regardant de travers. Elle se sentit rougir. N'était-ce pas ainsi que s'effectuaient les enchères ? Pourtant, il lui avait semblé comprendre cela dans les films.
Son frère tournait la tête, comme s'il ne la connaissait pas. Cependant, le coin de ses lèvres subissait certains soubresauts, et la respiration de Paul ne semblait pas tout à fait normale. L'adolescente se sentit encore plus honteuse. Même son frère se moquait d'elle ! Que fallait-il faire alors ? Se cacher dans un trou et attendre que cela se passe ? Elle n'était pas sûre que cela résoudrait le problème. Une meilleure idée lui vint à l'esprit : trouver une machine à remonter le temps pour restaurer son honneur. En y réfléchissant un peu plus, elle se rendit cependant compte que la machine allait devoir remonter très loin... L'idée n'était plus si bonne après tout.
- D-du coup Paul, on-on fait comment ? demanda-t-elle en regardant à droite et à gauche timidement.
Le jeune homme respira un bon coup, tentant de reprendre ses émotions. Le malheur de sa sœur aurait pu être le sien, et vu la honte qu'elle venait de s'attirer, il fallait mieux se calmer avant que sa jumelle n'aille chercher une pelle pour s'enterrer six pieds sous terre. Il était sûr qu'elle en était capable.
- Ils m'ont remis un boitier à l'accueil, commença-t-il gentiment. En fait, tu appuies sur les boutons et tu valides quand tu veux enchérir. Ils annoncent ensuite le numéro de l'enchérisseur et la somme, ce qui permet de garder un certain anonymat. Comme ça.
Tout en lui expliquant, il venait d'enchérir 250€. Sa sœur lui était reconnaissante d'avoir retenu son fou rire, et de lui avoir expliqué au lieu de son traditionnel « devine ». La jeune fille lui était également reconnaissante qu'il n'ait pas relevé qu'son inattention aux entres enchères. En effet, le brouhaha était présent, mais pas les cris des personnes enchérissant. Si seulement son sens de l'observation avait fonctionné avant ce déshonneur ! Mais le geste de son jumeau la touchait. Il la savait susceptible, et n'avait pas profité de cette faiblesse pour essayer de la mettre à bout. Peut-être son frère était-il en train de changer...
- 450€, une dernière fois. Toujours personne ? tonna la voix du présentateur. Dans ce cas, le moteur est à vous !
Les jeunes gens se figèrent. N'avaient-ils pas voulu enchérir pour une voiture ? Comment en étaient-ils passés à un moteur ? Quelque chose leur échappait... Ils le réalisèrent en même temps en voyant l'objet présent à côté du présentateur. Tellement obnubilés par le prix, ils avaient oublié de regarder comment était la voiture. Ils soupirèrent en cœur. Heureusement qu'ils ne l'avaient pas eu !
- Paul, j'ai une idée... commença Maurina. Et si...
- On achetait juste un moteur pour remplacer celui de la Twingo ? termina Paul.
Ils eurent tous les deux un sourire complice. Cela leur coûterait bien moins cher ! De plus, ils sauraient au moins dans quelle voiture ils mettaient leurs frais. Doucement mais sûrement, leur plan avançait.
De retour chez eux, les jumeaux eurent une hésitation avant d'ouvrir la porte. Qu'allaient-ils annoncer à leurs parents ? Il était presque 19h, et n'avaient pas communiqué une seule fois avec eux pour leur dire où ils étaient.
Ils ouvrirent timidement la porte. Avoir pu l'ouvrir prouvait que leurs géniteurs étaient bien rentrés, mais augmentait leur stress.
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