Chapitre 19
En arrivant sur place, les jeunes gens découvrirent que l'évènement se déroulait en deux étapes. D'un côté, les véhicules étaient mis en exposition, les prix indiqués et toutes leurs caractéristiques affichées. De l'autre se tenait l'enchère, qui semblait battre son plein.
- Oh purée, c'est vrai qu'il est déjà 18h ! Tu penses vraiment qu'on pourra voir des choses à cette heure-ci ?
L'adolescente pointa du doigt le parking. Une cinquantaine y étaient disposés, mais les places vides de parking montraient que beaucoup étaient déjà parties.
- Justement, on ne tarde pas plus... Tu avances ?
L'ainée n'aimait pas le ton que venait d'employer son frère. Comme s'il lui ordonnait de faire quelque chose. Ils étaient des jumeaux, pas un parent et son enfant ! Dans ces moments-là, elle n'avait qu'une envie, et c'était de partir. Cependant les conseils de ses parents lui revinrent en mémoire. « Retiens ta colère » lui disaient-ils quand elle était plus jeune. « Non pas pour qu'elle explose, mais essaie de te demander pourquoi tu es en colère, et vois si tu ne peux pas résoudre ce problème d'une autre manière ». Tous ces mots lui revinrent en tête, l'empêchant de se mettre à bouder contre son jumeau et, ainsi, de compromettre toutes les chances de surprise.
Mais comment le problème pouvait être résolu ? Comment le feu qui lui brûlait à l'intérieur pouvait-il s'apaiser ? Une idée lui vint à l'esprit : parler.
- Bon, on va pas rester couchés là.
Le deuxième râlement de son frère la fit sortir de son questionnement, donnant naissance à une nouvelle vague de colère.
- Wow, que de sympathie dis-moi ! Je sais que t'as pas l'habitude de me voir réfléchir, mais c'est une raison de plus pour ne pas m'interrompre, siffla-t-elle.
Où était passée sa gentillesse ? Cette voix qui lui disait de faire attention à ses paroles, de ne pas envenimer la situation ? Mais le mal était fait. Son frère la regardait, perdu et blessé, ne sachant pas ce qui l'avait mise dans cet état.
- J'ai compté, tu m'as déjà fait deux remarques soulantes depuis tout à l'heure, comme si tu étais mon père ou je sais pas qui, se justifia Maurina. Mais mon père, il est à la maison, et un seul me va très bien. Donc désolée, je voulais te le dire, mais te voir agir comme ça me saoule au plus haut point.
La jeune fille se nota que, et non, la diplomatie n'était pas son point fort. Si elle avait besoin de parler de quelque chose à quelqu'un, elle y allait honnêtement, sans pincettes. Tant pis pour cette belle thèse qui s'était formée dans sa tête et qui énonçait que, au passage à l'âge adulte, les défauts enfantins s'évaporaient petit à petit. Peut-être plus tard.
Son jumeau ferma les poings. Maintenant, sa sœur l'accusait ? Il souhaitait juste une chose, faire la surprise à leurs parents ! Pourquoi fallait-il toujours que son ego prenne un coup lorsqu'il n'avait pas frappé ? Le raisonnement de sa jumelle était trop dur à suivre. Il était d'accord pour être diplomate, laisser le temps aux choses, mais pas de se faire agresser sans raison ! Son calme était sa force, mais ce n'était pas pour autant qu'il acceptait insultes et injustices sans broncher, sans réagir. Même avec son aînée – surtout avec sa jumelle – il souhaitait se faire comprendre, lui laisser entendre les choses qui lui paraissaient incompréhensibles, comme cette soudaine colère.
- Je sais bien que t'as un fichu caractère, mais tu sais, je l'ai vraiment mal pris, ce que tu as dit. T'as pas besoin de défouler tes foudres sur moi quand ça va pas !
- Parce que tu crois que c'est de ma faute ? explosa-t-elle. Depuis tout à l'heure je t'entends faire des remarques compatissantes sur comment je suis être... Je suis moi, un point c'est tout, n'essaie pas de m'imposer tes pensées et toutes tes opinions. Oui, tes mots m'ont blessée, j'ai pas le droit ?
- Bon sang Maurin', on est en France ici, l'endroit où on a la liberté d'expression ! Si je ne te dis pas que je ne comprends pas, comment tu veux qu'on se comprenne ?
- J'ai l'impression d'entendre de la philo. Déjà, d'où tu parles des droits en France ? C'est fini le lycée, le moment où on devait apprendre tout ça par cœur pour avoir une bonne note au bac. Maintenant, on va passer aux choses sérieuses, à ce que l'on aime vraiment faire, avec des études qui nous passionnent !
- C'est comme ça que t'as vu le lycée et tout ce qu'il y avait avant, sérieusement ?
Il tombait des nues. Tout ce qu'ils avaient appris auparavant ne comptait plus pour elle ? Elle allait juste repartir à zéro, comme avec un cahier sur lequel rien n'avait encore été écrit ?
- Tu sais que c'était les années les plus importantes ? Celles où tu as appris le plus de choses ? Quand tu apprenais par cœur ces « débiles formules de maths », je reprends tes mots. N'es-tu pas contente aujourd'hui de te dire que tu as réussi ? Que si tu dois faire un gâteau tu sais faire un produit en croix ?
- Je m'en fous de ça. Pourquoi à chaque fois que je parle t'essaie de me pousser dans tes idéaux ? On était même pas sur ce sujet de base ! Revenons au sujet principal, et qu'on en finisse vite ! Si ça continue on aura même pas le temps de regarder les voitures !
- T'as raison, lâcha-t-il d'une voix froide. On y va ?
La discussion était close, la querelle, non. Elle venait juste de commencer. Silencieux, ils regardèrent d'un coup d'œil les voitures, avant de se diriger vers le lieu des enchères, se repérant par la voix du présentateur dans le micro.
La distance à parcourir leur parut immense tant le silence était pesant autour d'eux. Chacun savait que la dispute ne pouvait plus durer, se sentant mal de s'embrouiller pour une broutille pareille, et de reprocher à l'autre ce qu'il l'avait provoqué à faire.
- Je suis désolée de t'avoir aussi mal parlé tout à l'heure, s'excusa Maurina, cédant la première. Je voulais juste que tu comprennes que t'avais agis comme si c'était toi qui leadait tout le truc, et ça m'a saoulée. Parce qu'on est deux dans cette situation. On n'est plus au Moyen-Age où l'homme prenait les décisioins et la femme suivait. Maintenant, les deux font tout. Et j'ai vraiment l'impression que des fois t'essaie de porter tout sur tes épaules, comme si t'essayais de prendre ce rôle d' « homme ». Mais ça, c'est fini, tout comme les histoires de prince qui secourt le dragon avec la princesse. Tu n'as pas besoin de tout porter, de tout diriger.
Son jumeau comprenait ses paroles, mais avait du mal à les intégrer. Enfin, il saisissait le sens de la colère de sa sœur. Il avait eu tort, elle n'était plus une petite enfant qui se contentait de piquer des colères monstres en espérant que quelqu'un lui apporte ce qu'elle désirait. Cela montrait juste qu'elle pensait à lui, que la jeune fille souhaitait se faire comprendre, lui montrer ce qui la perturbait, être plus proche de son jumeau.
- Merci Maurin', merci de t'être expliquée. Je comprends mieux maintenant et je m'excuse aussi de m'être emporté. Mais si tu pouvais apprendre à être plus douce avec tes mots... Tout à l'heure, on aurait dit que tu avais pris une tronçonneuse pour couper les fleurs. Conclusion, tu as coupé les fleurs avec. C'est ballot, pas vrai ? Et bien c'est comme ça que je ressens ta colère.
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