Chapitre 16
- On voit la maison. Je propose qu'on arrête de penser à ça, et qu'on se concentre sur ce qu'on va leur dire. N'oublie pas qu'on est partis chercher des petits boulots dès très tôt ce matin. On a commencé par les boulangeries.
Il voyait déjà apparaître dans son esprit le visage joyeux de leurs parents leur demandant comment s'était passée la matinée, s'ils avaient trouvé un emploi, avant de leur demander d'aller se laver les mains pour passer à table. Un bon repas préparé avec amour. Rien que d'y penser il avait l'eau à la bouche.
- Donc tout va bien dans le meilleur des mondes ? en déduisit sa sœur.
- Exactement. Nous avons été à la boulangerie, à l'épicerie, au centre commercial, et on a démarché tout le monde ! Même que la boulangère nous a dit qu'elle nous recontacterait dans une semaine, expliqua son frère.
En ouvrant la porte de la maison, les jumeaux furent surpris. Pas de délicieuse odeur venant de la cuisine. Pas de bruits indiquant la présence de leurs parents. Pas de manteaux sur le porte-manteau. Les jumeaux se regardèrent, perplexes. Où étaient donc leurs parents ? Que s'était-il passé ?
Curieux, ils passèrent la tête par la porte de la cuisine. Peut-être ne les avaient-ils pas entendu. Même en inspirant profondément, les jumeaux ne sentirent rien. Ils ouvrirent les yeux, se penchant un peu plus dans l'entrebâillement. Il n'y avait personne. Deux assiettes étaient posées sur la table, recouvertes d'une cloche, et un petit mot était présent à côté.
« Bonjour Maurina, bonjour Paul.
Nous avons été surpris de ne pas vous voir ce matin. La prochaine fois, prévenez-nous si vous comptez partir si tôt.
Avec Papa, nous avons eu quelques urgences au travail, on ne rentrera pas avant 20h ce soir. Vous trouverez sous la cloche un repas froid (l'urgence nous a pris tôt ce matin aussi), et profitez bien de votre après-midi. A ce soir.
Maman »
Les jumeaux restèrent de longues minutes devant le mot, stupéfaits. Ils s'étaient attendus à une grande fête, à des milliers de questions sur leur volonté de devenir réellement adultes, de gagner leur argent d'eux-mêmes. Au lieu de cela, ils se trouvaient devant un post-it écrit à la va-vite de leur mère, sans même un coup de téléphone de sa part...
- Attends, Maman a essayé de nous appeler ! se souvint la jumelle.
- Ca n'en reste pas pas normal. Elle aurait dû nous laisser un message à ce moment-là... commença son jumeau.
- ...pas juste un stupide post-it sur la table de la cuisine, compléta Maurina. Mais est-ce que ce genre d'urgence est déjà arrivé ? Est-ce que les parents ont déjà eu un appel comme ça sur leur jour de repos ?
- Je ne sais pas...
En disant cela, Paul réfléchissait à ces moments pour lesquels leurs parents avaient dû les laisser à cause de leur travail. Ceux-ci se comptaient sur les doigts d'une main, le dernier datant de plus de deux ans. Les jumeaux, à la maison, avaient vu leurs parents accourir en leur disant qu'ils avaient une urgence. Après un bisou, un billet de dix euros chacun et une permission d'aller au McDo pour manger, leurs géniteurs s'étaient éclipsés à la vitesse de la lumière. Le frère et la sœur se rappelaient à présent tous deux cet évènement marquant. A cette occasion, le jeune homme avait découvert que même l'argent qui leur avait été donné n'avait suffit à combler son appétit, tandis que sa sœur s'était découvert une véritable passion pour les nuggets.
Ils se sourirent, se relaxant par la même occasion. Finalement, leur situation n'était pas si étrange que cela. Tout rentrerait dans l'ordre ce soir, au dîner. Cela leur permettait même de peaufiner davantage leur plan, d'y ajouter de la crédibilité. Tout était bien qui finissait bien.
Mangeant rapidement le plat préparé, ils réfléchirent au plan de l'après-midi. Finalement, ils allaient vraiment pouvoir aller voir la boulangère et d'autres commerçants pour chercher un petit boulot. Tout leur correspondait, ils n'allaient pas faire leurs difficiles.
- Attends, demanda Maurina en mastiquant un sandwich. On fait quoi par rapport à Jack ? On continue demain ou on arrête ? Quand je dis on arrête, c'est tout de suite, je veux dire. Parce que dans ce cas, il faut mieux l'avertir maintenant.
- Hum... Je pense qu'on devrait continuer, juste demain, histoire de vérifier ou non nos soupçons. On peut avoir des tendances tellement paranoïaques des fois, et puis la dame nous a vraiment rassuré. C'est juste des tarés du coin. On verra demain. Si ça craint trop, on arrête.
Sa sœur fit la moue, faiblement convaincue. Elle avait l'impression que, pour une fois, les rôles s'étaient inversés, et que son frère d'habitude très précautionneux était devenu plus aventurier, tandis qu'elle faisait marche arrière. Peut-être un effet de la maturité. Apprendre à voir les situations avec discernement, sans prendre un parti ni l'autre. Préférer être objectif que subjectif. Peser le pour et le contre. Mais normalement Paul était le paranoïaque, pas elle. Le prenant comme un challenge personnel, elle hocha la tête avec détermination. Il n'était pas question qu'elle se défile lorsque son frère continuait.
Quant à Paul, il avait pesé le pour et le contre comme le pensait sa jumelle, analysé la situation et envisagé de se retirer. Mais déjà que le jeune homme se savait derrière sa sœur pour tout ce qui concernait le courage et la bravoure, si pour une fois il pouvait sortir de son abri, il le faisait avec grand plaisir. Un moyen pour lui de dire à sa sœur qu'il avait grandi, et qu'il assumait ses choix. Peut-être que si Maurina n'avait pas posé la question, il n'aurait pas réagit de la sorte. Sa jumelle l'avait posée, et cela changeait tout.
En réfléchissant chacun de leur côté sur la décision qu'ils venaient de prendre, ils se dirigèrent vers l'arrêt de bus, avant de se stopper net.
- On fait comment pour chercher un petit boulot ? la question avait fusé en même temps.
Sans tarder, ils demandèrent à leur meilleur ami Google, découvrant qu'il était préférable de faire un CV. Les jumeaux grimacèrent. Ils n'avaient jamais fait ce genre de chose, et en voyant les exemples présents sur Internet, ce document ne paraissait pas des plus simples à faire.
- Retour à la case départ, souffla Paul. On rentre à la maison. Go faire nos CV et on repart. On a une heure, à 15h30 maximum on est partis. Tu vas sur l'ordi des parents et je prends le nôtre. On les imprime après.
Sa sœur acquiesça. Les choses compliquées commençaient, et son frère était là pour reprendre tout en main. Quelle chance elle avait d'avoir un frère si formidable. Elle se fit une note de le lui dire un jour. Paul avait bien le droit de savoir ce qu'elle pensait de lui !
Après deux heures acharnées à essayer de comprendre que fallait-il mettre dans « expérience », quelles compétences ils possédaient et quel design adapter, leurs CV ressemblaient plus ou moins à quelque chose de convenable. Les jumeaux se trouvaient à présent près de l'arrêt de bus, et durent courir pour attraper celui-ci quand leur moyen de locomotion décida d'arriver avec deux minutes d'avance. La journée était définitivement pleine de surprises.
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