Chapitre 10
- Et voici le document le plus important, leur tendit Jack. Il s'agit de l'adresse à laquelle vous allez devoir aller, mais c'est juste en secours. Elle est déjà rentrée sur la voiture. Surtout, ne vous trompez pas ! Si vous n'arrivez pas à bon port, les clients ne vous paieront pas et vous pourrez dire adieu à ce boulot !
Les jumeaux avalèrent leur salive et acquiescèrent. Ils n'avaient pas le droit à l'erreur. Ils se préparèrent à partir, n'oubliant pas le fameux « A » magnétique qui les suivait partout, et jouèrent à pierre-feuille-ciseaux pour savoir qui le premier prenait le volant. Certaines choses ne changeaient pas. Paul battit Maurina à l'aide de la pierre, et celle-ci laissa à regret le volant à son jumeau.
Faisant un dernier signe de la main à Jack, ils décollèrent. Plutôt littéralement. A peine son jumeau avait-il touché l'accélérateur que le véhicule était déjà à trente kilomètre-heures. Elle était extrêmement puissante. La boîte automatique aidant, ils pouvaient facilement passer de zéro à cent kilomètres à l'heure en quelques secondes.
Au démarrage, sa jumelle avait voulu dire quelque chose, lancer une remarque acerbe sur le fait qu'il ne savait pas conduire, qu'il aurait dû lui laisser le volant. Mais elle se tût. Son frère n'était pas comme ça à faire des démarrages au quart de tour et à aimer la vitesse. Il était plus du genre à respecter les limites de vitesse au kilomètre heure près, et à faire les démarrages et arrêt les plus doux possibles, pour que les passagers ne sentent même pas les accélérations, freinages et toutes ces secousses.
- Elle est pas un peu trop puissante cette voiture ? demanda Maurina après quelques minutes.
- Totalement. Je ne sais pas ce qu'ils ont mis dans le moteur, mais on a une bombe dans les mains, acquiesça son frère.
- Tu sais, je suis contente qu'ils aient donné le contrat. T'imagines s'ils l'avaient pas fait ? Tu aurais pu lui dire non, toi, à la dernière minute ? En plus, s'ils avaient pas de contrat, on était dans le noir, autant ça aurait pu être du traffic de drogue avec la puissance de la voiture. Tu sais, comme dans les films !
- En même temps, même si les parents ne sont pas au courant, on a suivi leurs conseils. A nous la vie d'adulte ! Surtout qu'ils nous croient en train de chercher un autre petit boulot, sourit malicieusement son frère.
Sa sœur hocha la tête. Si au départ trahir la confiance de ceux qui les avait élevés avait été difficile, cela ne lui semblait à présent qu'un détail, qu'un obstacle à franchir comme toute personne mature le ferait : l'indépendance.
- Et tu imagines qu'en plus, c'est notre premier boulot ? Franchement on se débrouille bien tous seuls. Si Papa et Maman n'avaient pas eu peur, ils seraient surpris. ajouta la jumelle.
- D'ailleurs c'est quoi l'adresse ? demanda Paul au bout d'un moment. Depuis tout à l'heure on se fait guider par le GPS je sais pas où, mais ça serait sympa si tu pouvais la donner, histoire qu'on sache si on mange en famille ce midi ou pas et qu'on les prévienne.
Sa sœur le regarda, vexée. Il aurait pu demander plus gentiment, elle n'avait à présent plus aucune envie de la lui donner. De plus, ça faisait un bon moment qu'ils roulaient, alors pourquoi maintenant seulement s'y intéressait-il, et de manière aussi dure ? Oui, l'adolescente savait qu'elle était susceptible, mais là c'était plus fort qu'elle. Son frère l'avait formulé comme un ordre, or il savait très bien qu'elle avait horreur des ordres, surtout quand c'était lui, le plus jeune, qui les lui donnait.
Quoique, elle revint sur ses pensées. Serait-il possible que sa susceptibilité soit devenue une part de son identité, à tel point que cela devenait acceptable ? Se dire « Oh, mais c'est pas grave, je suis faite comme ça, j'y peux rien ! ». Que lui prenait-elle, d'arriver à réfléchir autant, et en si peu de temps de se remettre autant en question ? Peut-être était ce que l'on appelait devenir adulte ?
- Bon, est-ce que tu peux me donner l'adresse ? redemanda son frère.
Il avait bien perçu le changement d'atmosphère, le fait qu'elle avait mal pris sa première demande. Mais bon, qu'y pouvait-il ? Il n'allait tout de même pas changer la façon dont laquelle il s'adressait à sa sœur, si ? Il fallait bien qu'elle s'habitue à ce que tout le monde ne soit pas tout gentil tout mignon tout le temps et qu'ils attendent qu'elle ait fini de bouder. Son jumeau voulait changer cela, changer cette mentalité, et arrêter de s'excuser comme il le faisait auparavant quand sa sœur boudait. Quoi que... Peut-être devait-il évoluer lui aussi, et éviter les situations de conflit, si c'était possible. Aimerait-il qu'on lui parle comme ça ? Non. Alors pourquoi le faisait-il à sa jumelle ? Que lui prenait-il, de réfléchir autant, et en si peu de temps de se remettre en question ? Peut-être était-ce ce que l'on appelait devenir adulte ?
- Purée, c'est en Espagne ! lâcha sa sœur. Tout près de la frontière, mais en Espagne. Tu imagines, pour la première fois où on conduit une voiture différente que Twintwin, on change de pays, on va franchir une frontière !!!
Les yeux de son jumeau devinrent pétillants.
- Quelle partie de l'Espagne ? Dis-moi tout ! En plus j'ai pris Espagnol au collège contrairement à une certaine personne que je connais.
Il lui lança un regard en coin. Ses deux parents avaient pris espagnol, et le parlaient couramment, mais sa jumelle avait souhaité se démarquer, changer les traditions de la famille, et avait choisi allemand. Ce n'était pas l'allemand en soit qui dérangeait son frère, mais le voyage que sa sœur avait fait en Allemagne alors que rien de tel ne s'était passé dans sa classe d'espagnol. S'il se souvenait bien de ce que l'enseignant avait dit : « Vous êtes tellement proche de l'Espagne, allez-y avec vos parents plutôt ! Mais la classe d'allemand n'a pas cette chance, comprenez-le ». Ainsi était née cette querelle selon laquelle jamais sa jumelle n'aurait dû choisir d'autre langue que celle traditionnellement prise.
- C'est dans les Pyrénées, perdu dans la montagne, annonça-t-elle, sortant son téléphone. Je le met sur maps en plus, comme ça on a deux sources fiables.
Son frère acquiesça. Ils n'avaient pas le droit à l'échec. De plus, la région que sa sœur avait cité pouvait avoir des hameaux vraiment perdus au milieu de nulle part, et il était fort probable que leurs habitants ne parlent pas la même langue que celle qu'il avait appris depuis sa cinquième.
Comme ayant entendu ses pensées, sa sœur lui lança un sourire moqueur. Il était bien vrai que le même problème ne se posait pas en allemand... Son jumeau se reprit. Non ! Il s'était interdit de prendre le point de vue de sa jumelle quant à ses choix, surtout quand ceux-ci dissidaient de son aînée.
- Par contre, ne croit pas que j'ai oublié, pour la voiture. Moi aussi je veux conduire, lui rappela Maurina. J'ai pris le chronomètre, mais je crois que le plus efficace c'est de voir combien Google Maps dit de temps et de s'arrêter à la moitié du temps.
Aussitôt dit aussitôt fait. Certes, son cadet avait un petit peu ronchonné, mais il avait fini par donner son accord.
Le temps passa très vite, et ils s'arrêtèrent finalement sur une petite aire d'autoroute, pas loin de la frontière espagnole. Après s'être garés – Maurina surveillait attentivement le créneau de son frère – ils partirent se dégourdir un peu les jambes. Alors qu'ils revenaient vers la voiture, ils remarquèrent des regards curieux dans leur direction. Ils trouvèrent cela étrange, mais peut-être était-ce dû à leur belle voiture et à leur apparence plutôt jeune. Cela n'était peut-être pas commun.
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