Chapitre 12
Comment refuser ? N'est-ce pas ce pourquoi il s'est battu ? A tout risqué ? Tout quitté ? Enduré d'être prisonnier, blessé, vendu comme otage ? Tout ce qu'il voit, ces plantes qui poussent, ces gens qui ont retrouvé un semblant de vie, sa mère, lui donnent envie de rester. De profiter de cette neige, de déguster ces fruits, caresser les moutons, plus encore, revoir son père, lui dire qu'il lui pardonne, tout. Son silence, son absence.
Mais le chemin qu'il a parcouru l'a changé lui aussi. Tous ceux qui l'ont aidé et soutenu, ceux qui ont cru en lui, il ne peut les abandonner si facilement.
— Maman, je t'aime, mais je peux pas rester ici... je me suis caché trop longtemps. Je veux retourner là-bas et sauver mes amis.
— Tes amis ? Mais Jus... Soan, tu vas te faire tuer si tu y retournes. Je ne veux pas te perdre à nouveau.
Il repousse une mèche tombant devant ses yeux.
— Je ne vais pas mourir, enfin, je vais essayer de ne pas mourir.
— Tu n'en sais rien, tu n'as aucune idée de ce que tu veux affronter. La capitale a toujours été une poudrière. Tu n'as pas oublié ce que ton père te racontait, sur l'histoire de Paris ? Les Vikings, la terreur, la commune, ne vois-tu pas que cette ville est violente de nature ? Que la mort y revient toujours ?
— Je vois surtout qu'il y a des gens qui tentent d'y vivre et qu'ils ont besoin d'aide. Oui, c'est risqué, mais on ne peut pas abandonner. Regarde-toi, vous n'auriez jamais accompli tout... ça si vous n'aviez pas pris de risques.
Sa mère pose ses mains sur ses hanches et secoue la tête.
— Je ne peux pas te laisser repartir, pas après t'avoir cru morte.
— Maman ! Tu as toujours eu peur de me perdre, après... après Thomas, mais tu dois me laisser vivre.
— Je peux pas...
Ses doigts s'agrippent à ses épaules et les serrent avec tant de force, menaçant de briser ses os.
— Tu dois me laisser partir, il y a des gens qui comptent sur moi, enfin, je crois. En tout cas moi je tiens trop à eux pour les laisser tomber. Quand tout s'est effondré, ils m'ont aidé. Et... j'aimerais vraiment te les présenter un jour, mais pour le moment, j'ai besoin que tu me laisses y aller.
Son visage ridé se comprime, lui donnant l'impression qu'elle venait d'arrêter de respirer.
— Je reviendrai, je te le promets.
Une promesse qu'il ne peut être certain de respecter, tant le danger reste présent, pourtant il ne peut abandonner Victoire encore moins ses amis du Squat. Eux aussi ont perdu Sally. Il ne sait s'ils vaincront les Bottes Rouges, mais avec les résistants, ils ont une chance. Et puis, il doit les remercier eux aussi, ces Gaspards.
— Tu sais, j'aurais plus de chance de revenir si tu nous filais un petit coup de main, ajoute-t-il.
— Tu as toujours été un peu fo-folle...
La langue de sa mère fourche, encore et encore, négligeant de le genrer au masculin. Cela le blesse, mais il n'oublie pas qu'il vient de lui apprendre ce qu'il a passé des années à cacher. Il balaie le sol des yeux avant de revenir à ce visage fatigué. Il ne peut ignorer les marques des années écoulées, loin d'elle. Il ne veut pas en perdre d'autres.
— Maman, j'ai besoin de toi.
— Je ne compte pas te laisser affronter le danger tout seul.
Ce sourire, qui illumine ses rides, lui a tant manqué. Surtout, il est communicatif.
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