48 - Confidences

– Song Ryang Ha, conclut Kyôko, est un fantôme dans le milieu, et un fantôme dangereux. Je ne serais pas surprise que Hirohiko Mûto ait prévu d'utiliser l'argent volé au Bonten pour se payer ses services et nous faire tomber. Voir l'organisation détruite par ses propres fonds doit lui sembler une vengeance appropriée.

Le dernier cliché circula parmi les cadres du Bonten présents au milieu des rumeurs. 

Mikey se tourna vers Kyôko.

– Bon travail Kyô, dit-il, comme d'habitude.

Kyôko fut surprise. 

Elle ne s'attendait pas à recevoir des éloges, surtout des éloges publiques compte tenu de leur situation à Shuji et elle.

Rindô claqua l'épaule de Koko en rigolant.

– Le boulot d'informateur, ça s'improvise pas, hein ? Dit-il.

En face d'elle, Koko fulminait.

– C'était pas mal ton idée, renchérit Ran, mais il faut avouer que sorti de tes colonnes de chiffres...

Il n'alla pas plus loin, Koko lui adressa un regard noir, comme s'il le mettait au défi d'ajouter un seul mot. 

Kyôko était gênée. Elle était peut-être allée un peu loin sous le coup de la colère.

– Alors comme ça, reprit Rindô, on a un assassin aux fesses ? Je sais pas vous, mais moi je préfère ça.

La nouvelle ne paraissait pas l'inquiéter. Au contraire, c'était comme si Kyôko avait réveillé une meute de fauves endormis. L'ambiance avait changé du tout au tout dans le salon, elle semblait presque festive maintenant. Les cadres du Bonten étaient vraiment des hommes à part.

Le sourire de Sanzu était devenu démesuré.

– Je suis sûr que t'as la trouille Kyô-chan, dit-il. Tu imagines qu'il est derrière la porte avec son grand couteau, pas vrai ? Tu fais dans ta petite culotte ?

Shuji et lui éclatèrent de rire et ils furent bientôt imités par Ran et Rindô. Même Wakasa esquissa un sourire.

– Marrez-vous les débiles, souffla-t-elle sans parvenir à s'empêcher de sourire à son tour. Mais je suis très sérieuse.

– On sait que tu l'es, la rassura Mikey.

Même lui souriait, remarqua Kyôko, mortifiée. Elle savait qu'elle était la plus trouillarde de la bande, mais c'était un peu vexant.

– Je vois, dit-elle en levant les mains pour montrer qu'elle abandonnait la lutte. Je vais tâcher de trouver Mûto et Madarame et je vous laisse vous en occuper. Ça vous va comme ça ?

– Et pour l'autre ? Demanda Mikey.

– Ça va prendre plus de temps, reconnut Kyôko. Je connais les bas-fonds de cette ville mieux que Madarame – il a passé trop de temps en prison – je peux mettre la main sur lui et son acolyte en moins d'une demi-journée. Par contre Song Ryang Ha est connu pour utiliser les informateurs à son avantage. Agir trop vite pourrait nous mener droit dans un piège. Il faut faire très attention où on met les pieds.

Mikey hocha la tête.

– Je te fais confiance, dit-il. Tu t'en occupes.




Une fois sortis de la suite, Rindô et Sanzu s'amusèrent à continuer à faire enrager Koko. 

On se serait davantage crue dans une cour de récréation qu'au quartier général d'une des plus grandes organisations criminelles du Japon.

– Fichez-lui la paix, dit Kakucho.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Koko s'éloigna à grands pas, plus mortifié par la pitié de Kaku que par les moqueries des autres.

– Bon, dit Sanzu en attrapant Kyôko par le cou. Où se cache cette bande de bâtards ?

– Laisse-moi un peu de temps pour les trouver, lui répondit Kyôko. Je devrais pouvoir te dire ça dans quelques heures. En attendant, ça pourrait être une bonne idée de renforcer la sécurité de nos étages. Traite-moi de trouillarde si tu veux, mais savoir que ce type en a sûrement après nous me donne des sueurs froides.

– C'est au programme Kyôko, lui dit Kakucho, ne t'en fais pas.

– On se chargera nous-mêmes de surveiller les lieux tant que ce type ne sera pas hors course, confirma Shuji.

– C'est dommage, dit Sanzu qui ne l'avait toujours pas lâchée. Ça aurait été marrant de le voir débarquer ici.

– J'aimerais bien voir moi aussi s'il est aussi fort qu'on le dit, renchérit Ran.

Des gosses, se dit Kyôko, je suis entourée de gosses armés de flingues.

Elle rit malgré tout.

– Vous êtes irrécupérables, dit-elle.




Elle retourna s'enfermer dans son bureau pour se remettre au travail. 

Savoir les garçons dans les couloirs la rassurait. Song Ryang Ha était peut-être le diable en personne, mais les cadres du Bonten n'étaient pas des anges.

Elle retira sa veste et s'installa sur le canapé. 

Tout s'était déroulé mieux que prévu, grâce à Mikey encore une fois, elle était forcée de le reconnaître. Savoir que le chef du Bonten la soutenait aplanissait les difficultés avec les cadres.

Elle enleva ses chaussures du bout du pied et replia les genoux sur le canapé, lorsqu'un coup à la porte lui fit lever la tête. 

Mikey entra sans attendre de réponse.

– Boss ? Dit-elle. Un problème ?

Il la rejoignit et Kyôko reposa les pieds par terre pour se relever.

– Reste assise Kyô, lui dit-il.

Il s'assit à côté d'elle et se laissa tomber contre le dossier, les yeux fermés. 

Il a l'air épuisé, remarqua Kyôko. 

Depuis combien de temps Mikey n'avait-il plus eu une nuit de sommeil complète ?

– Tu es en train de te dire que j'ai l'air fatigué, dit-il.

Kyôko haussa un sourcil.

– Comment tu as deviné ?

Il rouvrit les yeux pour tourner la tête vers elle.

– Par moment, dit-il, je peux presque t'entendre penser.

Il sourit, puis se pencha et alla poser la tête sur ses genoux. 

Kyôko se redressa stupéfaite, mais il la retint.

– Reste comme ça, dit-il. Juste une minute.

Il y avait tellement de lassitude dans sa voix que Kyôko se rassit sans un mot.

– Kyô, dit-il un instant après. Est-ce que tu veux le Bonten ?

Kyôko le regarda sans rien dire et il poursuivit.

– Si tu le veux, je te le donne. Tu n'as qu'à demander.

Elle soupira et commença à passer la main dans ses cheveux.

– Qu'est-ce que tu racontes Mikey ? Dit-elle. C'est le manque de sommeil qui te fait dérailler ?

Il eut un petit rire.

– Peut-être bien, dit-il.

Il ferma les yeux et pendant une minute, Kyôko crut qu'il s'était endormi.

– Je voudrais bien savoir ce que ça fait, dit-il, de désirer quelque chose.

Kyôko le regarda sans répondre et il reprit.

– De le désirer au point d'y consacrer toute sa vie, ajouta-t-il.

Elle hésita, puis elle lui demanda :

– Est-ce qu'il n'y a rien que tu souhaites Mikey ?

– Non, rien.

Kyôko pensa que ça devait être horrible de se sentir aussi vide. Comme un avant-goût de la mort. Non, même la mort devait être plus agréable.

Elle hésita, puis elle lui demanda :

– Est-ce que tu as envie de mourir Mikey ?

Sur ses genoux, il ne répondit pas tout de suite.

– Et si je te disais que c'était le cas, dit-il enfin, est-ce que tu me tuerais ?

– Non, dit-elle. Je ne crois pas. Je n'aurais pas envie que ça se termine comme ça.

– On ne choisit pas la façon dont ça se termine Kyô. On ne choisit que le moment où ça se termine.

Kyôko réfléchit.

– Et tu penses que ce moment est arrivé ? Dit-elle.

– Je ne sais pas.

Mikey rouvrit les yeux. Il se retourna sur le dos, plongea ses prunelles sombres dans les siennes et saisit la main qu'elle avait laissée suspendue dans les airs.

– Dis-moi Kyô, que feras-tu quand tu auras obtenu le pouvoir que tu souhaites ?

– Le pouvoir... répéta-t-elle.

Son regard se perdit dans le vague.

– Ça n'est pas ce que tu veux ? reprit-il.

– Non, dit-elle.

En le disant, Kyôko s'aperçut que c'était la vérité.

– Ce que je souhaite, reprit-elle, c'est bâtir quelque chose de plus grand que moi.

Mikey la regarda en silence. Puis il roula de nouveau sur le côté et referma les yeux sans lâcher sa main.

– Je vois, dit-il. Alors je vais rester encore un peu. Pour voir ça.

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