44 - Traître

Kyôko le rejoignit et elle se pencha au-dessus de lui, une main sur son épaule.

– Comment ça ? Dit-elle.

– Attends... dit-il.

Koko ferma la fenêtre contenant les photos et revint sur celles sur lesquelles il travaillait un instant auparavant. Sa respiration accéléra et Kyôko sentit les muscles de son épaule se tendre.

– Non, j'y crois pas... dit-il. Le compte intermédiaire a été vidé.

– Tu es sérieux ?

Le compte intermédiaire leur servait à faire transiter l'argent d'une banque à l'autre sans attirer l'attention. Il n'avait qu'une existence temporaire et personne, normalement, n'était au courant de son existence en dehors des cadres du clan.

– Merde ! Jura Koko.

Son poing s'abattit à la surface du bureau et le visage de Kyôko afficha un sourire féroce.

– On dirait qu'un petit malin veut jouer avec nous, dit-elle.

Elle se redressa.

– Je vais me changer, dit-elle. Rassemble toutes les infos que tu peux. Je reviens dans cinq minutes. Je vais réveiller Wakasa en passant.




Lorsqu'elle fut de retour avec Waka, Mikey avait rejoint Koko.

– Alors c'est vrai ? Dit Wakasa. Quelqu'un nous a volé ?

Koko hocha la tête. Il se mordit nerveusement l'ongle du pouce.

– On nous a piqué sept putain de milliard de yens, dit-il.

Waka laissa échapper un sifflement.

– Rien que ça, dit-il.

Il s'assit sur le canapé et ouvrit son ordinateur sur la table basse.

– Comment ça a pu arriver, dit Mikey, je croyais que toutes les opérations étaient sécurisées ?

– Elles le sont, confirma Waka. Ça veut dire qu'on a affaire à un professionnel...

– Ou à une poucave, dit Koko.

Tous les trois levèrent les yeux en même temps.

– Tu penses à un cadre ? Lui demanda Kyôko.

– Nous sommes les seuls à être au courant des détails de ce genre d'opérations, dit Koko.

Un silence passa dans le bureau.

– Trouvez qui a fait ça, dit Mikey, peu importe de qui il s'agit. Récupérer le fric et ramenez-moi le ou les coupables.




Le soleil se leva sur Tokyo. Tous les trois étaient épuisés. Seul Wakasa et Kyôko avaient pu profiter de quelques trop courtes heures de sommeil. Koko avait enchaîné une nuit blanche après une journée déjà éprouvante et il avait une mine de déterré. 

Wakasa se passa les paumes sur les yeux pour tenter de se remettre les idées en place.

– Combien de temps ça a pris à ces bâtards pour préparer un coup pareil ? Dit-il.

Plutôt que de dissimuler le trajet que l'argent avait pris en quittant le compte du Bonten, les coupables avaient pris le parti de le fractionner en une avalanche de petites sommes qui avaient chacune suivi une trajectoire différente. Certaines étaient parties pour le Qatar avant de disparaître en Europe, d'autres étaient passées par les îles Caïman ou Hong-Kong. Le seul point commun, c'était qu'elles étaient toutes allées faire un tour dans un paradis financier à un moment ou à un autre, pour profiter de l'opacité qui recouvrait les flux monétaires de ces points stratégiques et qu'elles avaient finalement disparu. Essayer de suivre les fonds à la trace revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Le temps qu'ils remontent jusqu'au coupable, ce dernier aurait eu le temps de couvrir ses traces et de disparaître.

Derrière son bureau, Koko repassait une énième fois toutes les informations dont ils disposaient : le donneur d'ordre – une société fictive de Bornéo –, le compte où l'argent avait été envoyé – une banque privée de Hong-Kong.

Le pactole n'avait séjourné en Asie du sud que quelques minutes avant d'être renvoyé à l'étranger, après quoi, le compte avait été clôturé et les renseignements le concernant avaient été effacés.

– La seule chose dont on soit sûr, dit Wakasa, c'est que nous n'avons pas affaire à des amateurs. Le vol était beaucoup trop bien préparé. Ça a dû leur demander des mois pour en arriver à ce résultat.

Installée sur le canapé, à côté de Wakasa, Kyôko était plongée dans ses recherches. Elle retira ses lunettes pour se frotter les yeux à son tour.

– Ils n'ont rien laissé au hasard, reconnut-elle.

Koko se redressa et il les regarda tour à tour.

– Du travail de ce niveau, dit-il, de l'argent volé sur un compte secret du clan. Vous savez comme moi ce que ça veut dire.

Wakasa hocha la tête.

– Que s'il y a une poucave au sein du Bonten, dit-il, elle ne peut se trouver que dans cette pièce. Aucun autre cadre du Bonten n'aurait eu les connaissances nécessaires pour un coup pareil.

Tous les trois se regardèrent en silence. Kyôko se leva.

– Il y a quelque chose qui m'échappe, dit-elle. J'ai l'impression d'oublier un point important.

Elle se mit à marcher de long en large pour tenter de se réveiller, en vain. Koko reprit.

– Qui serait assez stupide pour rester ici après avoir volé le pognon du clan ?

– Un fugitif aurait été tout de suite suspecté, lui répondit Wakasa, alors qu'en restant sur place et en jouant l'innocent, il se peut que personne ne le perce jamais à jour. Surtout s'il est assez malin pour planquer le fric quelques années. Jouer son rôle, ça reste la meilleure des couvertures.

– Tu as l'air d'avoir bien réfléchi à la combine, lui fit remarquer Koko.

– Calme-toi, lui rétorqua Wakasa du tac au tac. C'est pas moi qui vendrait père et mère pour un peu de blé ici.

– Les magouilles informatiques, reprit Koko, ça te connaît, non ? Je suis sûr que tu serais capable de monter ce genre de plan en quelques semaines.

– Si tu penses que je suis le coupable, dit Wakasa sans éviter son regard. Alors va le dire à Mikey. Mais je préfère te prévenir que ça ne te rendra pas ton pognon, pour la simple et bonne raison que je ne l'ai pas.

– Ça suffit, dit Kyôko, je n'arrive pas à réfléchir.

Elle revint vers la table basse et ramassa ses papiers.

– Je fais une pause, déclara-t-elle. J'ai besoin de me reposer. J'y verrai sûrement plus clair après.

Elle se dirigea vers la porte et sortit sans attendre leurs réponses en sentant le poids de leurs regards sur son dos.




Shuji se trouvait dans le salon de leur suite quand elle y entra.

– Yo, Kyô, dit-il. C'est la merde il paraît.

Elle soupira et le rejoignit devant la baie vitrée.

– C'est même pire que ça, dit-elle. Je viens de laisser Koko et Wakasa en train d'essayer de trouver lequel de nous trois est le traître.

Shuji haussa un sourcil.

– Alors il y a bien une poucave ?

Kyôko se passa les mains sur les yeux, fatiguée.

– Je ne sais pas, dit-elle. Ce qui est sûr, c'est que ça sent mauvais pour nous deux.

Elle leva les yeux vers lui.

– Shuji, dit-elle, il se peut qu'on doive quitter les lieux en vitesse. Ils vont bientôt commencer à chercher un coupable et les soupçons se porteront obligatoirement sur nous deux.

Il parut surpris.

– Pourquoi ça ?

Elle secoua la tête.

– Waka connaît Mikey depuis l'enfance, dit-elle. Il était l'ami de Shinichiro, le grand frère de Mikey. Koko lui, il a été recruté par le boss en personne. Nous, on sort de nulle part et on s'est imposé comme membres du Kanto Manji Kai alors qu'on ne voulait pas de nous. Si quelqu'un doit paraître suspect, ça sera nous.

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