42 - Kakucho Hitto
Lorsque Kyôko sortit de la banque, la Bugatti Chiron de Kakucho l'attendait le long du trottoir.
Quelques passants ralentirent pour regarder la voiture, mais la plupart pressèrent le pas. Il n'y avait qu'une seule sorte de personnes qui possédait ce genre de voitures au Japon.
Kyôko s'installa.
– Tu as tout ce que tu voulais ? Lui demanda Kaku.
Elle hocha la tête.
– Oui, dit-elle, c'est bon, on peut y aller.
La voiture démarra dans un rugissement et Kakucho s'inséra dans la circulation tokyoïte avec aisance.
Depuis son enlèvement deux ans plus tôt, Mikey avait insisté pour que Kyôko soit toujours accompagnée par un cadre du Bonten lorsqu'elle sortait. Le boss ne faisait là que protéger les intérêts du clan. Vu les informations qu'elle détenait, la laisser sans protection était trop risqué.
– Koko ne pouvait pas venir lui-même ? Reprit Kakucho.
– Pas cette fois, dit-elle. Il s'est occupé d'une transaction similaire il y a six mois et sa présence aurait mis la puce à l'oreille des investisseurs.
– Du coup c'est toi qui t'y colle.
– Il aurait pu demander à un de ses subalternes, reconnut Kyôko, mais je crois qu'il n'avait pas envie de laisser une affaire aussi importante entre les mains de n'importe qui.
Kyôko leva les yeux vers lui et elle ajouta :
– Je suis désolée de te faire jouer le chauffeur Kaku, je sais que tu as autre chose à faire.
Il souffla et posa la main sur sa jambe.
– Tu sais bien que ça me dérange pas Kyôko, dit-il. Je préfère te savoir avec moi plutôt qu'avec un autre. Je suis plus tranquille.
Kakucho était là lorsque Shuji l'avait sortie de l'usine désaffectée où elle avait été retenue et il avait été choqué par son état. À ses yeux, leurs activités ne justifiaient pas de s'en prendre aux femmes et aux enfants, même s'il restait impitoyable avec les hommes. Une sorte de gentleman dans le milieu.
– Moi aussi, dit-elle, je me sens en sécurité quand tu es dans le coin.
Il tourna un sourire vers elle, mais ne dit pas un mot. Le téléphone de Kyôko sonna et elle répondit. Du japonais, elle passa rapidement au mandarin. L'échange fut bref et après quelques questions, elle raccrocha.
– Sans indiscrétion, reprit Kakucho, tu parles combien de langues ?
– Cinq, dit-elle, mais j'ai des notions dans deux ou trois autres.
Il laissa échapper un petit rire admiratif.
– Un jour, il faudra que tu m'expliques pourquoi une femme comme toi a choisi de faire carrière dans le crime organisé.
– Les raisons sont nombreuses, dit-elle. Mais disons que c'est un milieu où tu n'es pas bridé par des règles. Pour peu que tu aies du talent, il n'existe aucune limite à tes ambitions. Et puis bien sûr pour le pouvoir et l'argent.
– On croirait entendre Koko.
Elle sourit.
– C'est un garçon plein de bon sens.
– Ça fait longtemps que vous travaillez ensemble, non ?
Kyôko réfléchit.
– En tout, ça doit faire une douzaine d'années.
Kakucho parut surpris.
– Tant que ça ?
– Les premières années nous ne nous sommes jamais vus. Il utilisait mes services pour monter ses affaires. J'avais les informations, il avait l'argent. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois quand nous avons intégré le Kanto Manji Kai avec Shuji.
– Ça veut dire que tu as commencé à... douze ans ?
Kyôko hocha la tête.
– C'est à peu près ça.
Kakucho étouffa un petit rire.
– Et nous on se prend pour des criminels endurcis, dit-il.
Au bout d'un moment, il reprit.
– N'empêche, quand on te voit, difficile de croire que tu as arrêté tes études au milieu du lycée.
Kyôko ramena les yeux sur la route.
– Le plus important ne s'apprend pas sur les bancs de l'école.
Koko répondit immédiatement quand elle toqua à la porte de son bureau. Wakasa était avec lui, vit Kyôko en entrant. Ce dernier était assis sur le canapé, un bras sur le dossier. Il avait l'air fatigué, il fallait dire que l'affaire en cours lui demandait beaucoup de travail. Il s'agissait d'acheter plusieurs terrains de la capitale, bâtis ou non, sous le couvert de sociétés fictives que Koko et lui avaient créées de toutes pièces ou encore en passant par l'une des sociétés écrans du Bonten. Une fois la mainmise sur les terrains, le Bonten les utilisait pour faire pression auprès des banques, se taillant ainsi une part non négligeable du marché du prêt immobilier. S'ils arrivaient à leurs fin, le Bonten en tirerait des bénéfices considérables, de loin supérieur à ce que leur avait rapporté des projets similaires par le passé.
Wakasa leva les yeux par-dessus son épaule.
– Salut Kyôko, dit-il.
– Waka, répondit-elle avant de ramener son attention sur Koko. J'ai ce que tu m'avais demandé.
Elle alla déposer l'enveloppe qu'elle avait apportée sur un coin de son bureau et Koko s'en empara nerveusement.
– Cette affaire me ruine la santé, dit-il. Je déteste avoir autant d'argent investi au dehors.
Wakasa l'ignora. Il demanda à Kyôko.
– Ça avance les tractations avec les chinois ?
Kyôko s'assit à côté de lui.
– On ne peut pas encore vraiment parler de tractations, dit-elle. Pour le moment les deux camps tâtent le terrain.
Elle était entrée en contact avec quelques membres choisis des Triades quelques mois auparavant.
Si le Bonten souhaitait s'étendre à l'étranger, il allait leur falloir trouver un terrain d'entente avec les plus grands groupes mafieux du monde, comme les Triades ou la Cosa Nostra américaine, qui tenaient déjà fermement plusieurs pans du marché international.
– Mais c'est en bonne voie, reprit-elle. Déjà ils ne nous voient plus comme des pions japonais.
– C'est à toi qu'on le doit, ajouta Waka.
Kyôko passa la main sur l'ancienne blessure sur sa jambe.
– Ça n'est pas un de mes meilleurs souvenirs, dit-elle.
Elle se releva et se dirigea vers la porte, abandonnant les deux hommes.
– Je vous laisse, dit-elle. Je vais me détendre un peu au sauna. Koko tu n'as qu'à m'appeler s'il y a un problème.
– Ça marche, dit-il sans lever les yeux.
– Au fait, lui dit-elle, je t'ai laissé un petit cadeau dans l'enveloppe.
Cette fois, il la regarda, surpris et elle ajouta :
– Tu n'auras qu'à jeter un œil quand tu auras deux minutes.
En sortant du sauna, Kyôko se sentait plus détendue. Les derniers jours avaient été fatigants. Ces grands projets demandaient toujours beaucoup d'énergie, même s'ils étaient exaltants. Au moins, ils commençaient à voir le bout du tunnel.
Elle resserra la ceinture du yukata qu'elle avait revêtu, laissant ses vêtements pour la femme de charges qui passerait les récupérer plus tard.
Les couloirs de l'hôtel réservés au Bonten étaient vides. La plupart des cadres étaient absents, en dehors de Kakucho, Koko, Wakasa et elle.
Elle gagna le trente-quatrième étage et frappa à la porte de l'une des suites mandarin.
Kakucho ouvrit.
– Je t'attendais, dit-il.
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