38 - Révélation
** Flashback **
– Kyô reste là, dit Mikey à la fin de la réunion, je voudrais te parler.
La porte se referma dans son dos et Kyôko revint vers le boss d'un pas lent.
– Je t'écoute, reprit Mikey.
Elle inspira pour rassembler ses idées.
– J'ai obtenu il y a quelque temps, dit-elle, l'information selon laquelle une faction des Triades originaires du Sichuan aurait l'intention de s'immiscer sur le marché japonais. Apparemment ils comptent mettre la main sur le port de Niigata, dans le Chubu, et sur le commerce des armes qui passe par cette plaque tournante.
Mikey la regarda en silence.
– Tu aurais dû m'en parler plus tôt, dit-il enfin.
– Ce n'est pas encore certain, répondit-elle. Les informations sont difficiles à rassembler à ce sujet. Cependant, je sais de sources sûres que le Sumiyoshi Kai s'est déjà retrouvé à faire face à des troupes d'éclaireurs venus du continent. Est-ce qu'ils ne faisaient que tâter le terrain ou est-ce que leurs dirigeants ont en tête un projet de plus grande envergure ? C'est ce que le Sumiyoshi Kai ignore.
– Mais toi, tu le sais.
Il avait dit cette phrase comme s'il s'agissait d'une certitude. Kyôko réfléchit. Puis elle revint s'asseoir sur le canapé.
– Mikey, commença-t-elle. Les chinois préparent une opération de taille. Je pense que le Sumiyoshi Kai n'en sortira pas indemne. S'il s'en sort. La situation des organisations japonaises comme la nôtre risque de connaître un bouleversement dans les années à venir. Je ne crois pas beaucoup m'avancer en disant que les chinois ont pour projet de nous mettre tous à leurs bottes. Ils veulent faire des clans japonais des filiales des grands groupes du continent. À commencer par l'un des plus importants.
Mikey continua à la fixer de ses prunelles sombres indéchiffrables.
– Et c'est pour cette raison que tu préfères que l'on ne touche pas au Sumiyoshi Kai ?
Kyôko hocha la tête.
– Ils forment pour le moment un rempart dont nous ferions bien de nous servir. Si nous les frappons maintenant, nous risquons de nous en mordre les doigts.
– Je vois.
– Mais tu n'as pas l'intention de passer l'éponge, dit-elle un instant plus tard.
Mikey ne répondit pas.
Kyôko se laissa aller contre le dossier du canapé et elle pressa ses doigts contre sa bouche.
– J'ai peut-être une idée, reprit-elle.
– Laquelle ?
– D'après ce que je sais, la direction de cette opération sera confiée au fils d'un des gros bonnets des Triades. Son père pense qu'il est temps pour lui de faire ses preuves et de se tailler son propre territoire. Je devrais pouvoir les infiltrer lorsqu'ils mettront le pied au Japon. Si je me débrouille bien, je pourrais les frapper de l'intérieur. Une fois qu'on leur aura coupé l'herbe sous le pied, ils n'auront plus d'autre choix que de faire marche arrière.
– Tu ne pourras jamais infiltrer une faction des Triades, lui fit remarquer Mikey. Ils sont connus pour ne faire confiance qu'aux membres de leur famille. Un étranger, à plus forte raison un japonais, n'aura jamais la moindre chance de se faire passer pour un de leurs alliés.
– Je ne pensais pas les infiltrer en tant qu'alliée, corrigea Kyôko. Mais en tant qu'otage.
Mikey écarquilla les yeux, il en fallait pourtant beaucoup pour le surprendre.
– Est-ce que tu comprends ce que ça signifie ?
Kyôko leva les yeux vers lui.
– Passage à tabac, dit-elle faussement imperturbable. Torture, sans oublier le petit plus réservé aux femmes, le viol.
– Et ça ne te dérange pas ?
– Ne te méprends pas boss, dit-elle. Je n'ai aucune envie d'en passer par là. Mais nous n'avons pas le choix.
– C'est hors de question, dit-il. Nous trouverons un autre plan.
– Je me suis mal faite comprendre boss, reprit-elle. La question n'est pas de savoir si nous voulons le faire ou pas. Mes deux informateurs sont morts, je l'ai appris ce matin. À l'heure actuelle les chinois savent qui je suis, pour qui je travaille et où me trouver.
Elle laissa planer un silence.
– Ils vont frapper, poursuivit-elle, ça n'est qu'une question de temps. La seule chose que nous pouvons faire, c'est décider où ils vont frapper et tenter d'en tirer le meilleur parti.
** Fin du flashback **
Son arme serrée à deux mains, Kyôko progressait avec prudence dans le repaire ennemi. Elle n'aurait qu'une seule chance de s'en tirer, si elle la manquait tout serait fini. Elle avait déjà prévu de conserver la dernière balle de son révolver pour se suicider si elle échouait. Tomber c'était une chose, mais faire tomber tout le Bonten avec elle, c'était hors de question. Si au moins elle avait un peu moins mal. Les mafieux chinois ne l'avaient pas épargnée avec leurs coups, il n'y avait pas un centimètre carré de son corps qui ne la fit souffrir.
Je suis sûre qu'ils m'ont pété des côtes, se dit-elle.
Elle chassa cette pensée. Ça n'était pas le moment de se plaindre. Elle était seule ici, il n'y avait personne pour couvrir ses arrières.
Dans quoi je me suis embarquée...
Son souffle paniqué résonnait à ses oreilles et il lui semblait qu'on devait l'entendre à des lieues à la ronde.
Elle s'efforça de se calmer et se remit à avancer. Il ne fallait pas traîner, d'une minute à l'autre son évasion pouvait être découverte.
Si seulement le salopard que j'ai payé avait respecté sa part du marché, se dit-elle.
En échange d'une somme astronomique, l'homme devait détacher ses liens et lui fournir une arme et un téléphone. Il n'avait pas réussi à se procurer discrètement un téléphone lui avait-il expliqué, comme si cela suffisait.
Tant pis, elle devait faire sans.
Un poste de garde se profila au détour du couloir et Kyôko se ramassa contre le mur.
Deux hommes, assis à une table. L'un d'eux lui tournait le dos.
Elle réfléchit une seconde. C'était faisable.
Elle inspira profondément, puis entra dans la pièce.
Le premier, celui qui lui faisait face, leva la tête et elle l'abattit d'une balle en plein front. Le second se retourna, mais il n'eut pas le temps de se lever. Elle appuya le canon de son arme contre son crâne et fit feu.
Le bruit allait attirer du monde. Il n'y avait pas de temps à perdre. Elle fit les poches de celui qui était le plus proche, récupéra son arme, mais laissa son téléphone de côté, il était verrouillé. Elle eut plus de chance avec le second, il était sur son internet quand elle était entrée.
Kyôko jeta un rapide coup d'œil à la page qu'il consultait.
Un site obscène.
Kyôko descendit sous la vidéo qui tournait encore pour trouver la zone des commentaires, puis elle posta un message bien graveleux.
Elle regarda ensuite autour d'elle à la recherche d'une cachette. Les dalles du plafond étaient disjointes. Elle grimpa sur la table et balança le téléphone dans le faux-plafond avant de sortir.
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