31 - Feux d'artifice
Cela faisait un mois maintenant que les corps de Aichiro Mûso, de sa famille et de leurs gardes du corps avaient été découverts par les autorités, mais il n'y avait finalement eu aucune réaction de la part du Sumiyoshi Kai.
Dans le hall de la Nihonbashi Mitsui Tower, Rindô se tourna vers son aîné.
– Je te parie que je peux faire la route en trois heures, lui dit-il.
Ran ricana.
– Toujours aussi présomptueux petit frère, répondit-il. Je te prends quand tu veux. Tu as besoin d'une leçon de conduite.
Les frères Haitani, mais aussi Shuji, Kyôko, Kakucho et Sanzu avaient prévu de se rendre dans la petite ville côtière de Yokkaichi, sur la frontière entre le Kansai et le Chubu, pour apporter le soutien du Bonten à l'un de leurs membres, Atsushi Kamayo, qui organisait une réception à l'occasion de sa candidature au poste de maire de la ville.
À l'origine, Kamayo n'était qu'un petit chef d'entreprise d'une compagnie pétrochimique, mais grâce à l'appui du Bonten et à la couverture que sa société leur offrait dans le Kansai, il avait amassé une fortune considérable.
Il prévoyait maintenant de se lancer en politique sous la protection du clan qui voyait ses ambitions politiques d'un bon œil.
– Sérieux, dit Sanzu. Il y a que les bagnoles dans votre vie ou quoi ?
– Non, répliqua Ran. Il y a le sexe aussi, pas vrai Rindô ?
En entendant sa remarque, Kyôko se tourna vers lui et Ran soutint son regard.
Les deux frères étaient aussi proches qu'on le disait remarqua-t-elle, ils n'avaient apparemment aucun secret l'un pour l'autre.
Elle ne détourna pas les yeux et sourit.
– Je confirme, dit-elle.
À côté d'elle, Shuji eut du mal à réprimer un rire. Si ces deux-là voulaient jouer avec Kyôko, ils n'étaient pas au bout de leurs surprises.
Ran écarquilla brièvement les yeux avant de lui rendre son sourire.
Sanzu, lui, ne s'était pas rendu compte de l'échange silencieux.
– Faites la course si vous voulez, dit-il. Mais laissez ma caisse en dehors de ça. J'ai pas envie de l'abîmer.
– De la part de l'homme qui pense qu'il n'y a que les bagnoles dans notre vie, souffla Rindô, c'est amusant.
Kyôko et lui échangèrent un regard et pouffèrent discrètement.
– Le premier à Yokkaichi ? Dit Ran en ouvrant la portière de sa Lamborghini Gallardo orange vif.
– Tenu, dit son petit frère. Qu'est-ce qu'on pari ?
Ran réfléchit. Il se tourna vers Kyôko.
– Un baiser pour le gagnant ? Suggéra-t-il.
Kyôko haussa les sourcils.
– Si tu veux, lui dit-elle avant d'ajouter : mais je ne te savais pas si prude.
– On peut parier plus si tu veux, répliqua-t-il.
Elle sourit.
– Voilà qui pimente le jeu, dit-elle.
Kakucho, Shuji et elle montèrent dans la Mercedes de Sanzu et ils perdirent rapidement les frères Haitani de vue.
– Qu'est-ce qu'ils vont faire une fois là-bas à part attendre ? Se demanda Kaku, assis à l'avant.
– Je m'en fous éperdument, répondit Sanzu en s'engageant sur l'autoroute.
– Ils vont sûrement arriver presque en même temps, dit Kyôko. Donc j'imagine qu'ils vont passer le reste de l'heure à se disputer la victoire.
– Qui va gagner selon toi ? Lui demanda Shuji.
– Ran, répondit-elle sans hésitation. Rindô reste un petit frère, il ne lui tiendra pas tête.
Tous les quatre arrivèrent à Yokkaichi en début de soirée.
Le temps était chaud pour la saison, la ville était située à une latitude plus basse que Tokyo, et Kyôko avait revêtu une robe de soirée qui lui laissait les épaules nues pour l'occasion.
Elle n'avait pas froid, même si la réception avait lieu dans les jardins, et elle passa une partie de la soirée à déambuler, se joignant par moment aux conversations qu'elle jugeait intéressantes.
La demeure de leur hôte était magnifique, Kamayo avait mis les petits plats dans les grands pour recevoir tout le gratin de la ville en plus des cadres du Bonten. Il avait même prévu un feu d'artifice en fin de soirée pour ponctuer l'annonce de sa candidature. Kyôko avait accompagné les garçons pour en apprendre plus sur les personnalités qui tiraient les ficelles dans le Kansai. La région était un nouveau territoire pour elle et elle avait hâte d'étendre ses connaissances.
– Mademoiselle Shinomiya ?
Kyôko se retourna. Leur hôte venait de la rejoindre, deux coupes de champagne à la main. Il la salua.
– C'est un honneur, dit le chef d'entreprise, que vous et vos amis ayez pu être présents ce soir.
– Tout le plaisir est pour nous, monsieur Kamayo, dit-elle en prenant l'une des coupes qu'il lui tendait. Comment se porte votre affaire ?
– À merveille, dit-il. Grâce à vous.
Elle sourit.
– Vous m'en voyez ravie.
Shuji la rejoignit et l'homme poursuivit.
– Vous restez pour assister au feu d'artifice j'espère ?
– Bien sûr, lui dit-elle.
– Je vais vous laisser, dit-il. Je vais préparer mon discours.
Kamayo s'éloigna sur un dernier salut.
– Qu'est-ce qu'il voulait ? Demanda Shuji.
– Me saluer selon toute vraisemblance, dit-elle.
Shuji désigna du menton la coupe qu'elle tenait toujours à la main.
– Tu vas boire ça ?
Kyôko vida la coupe dans les buissons.
– Certainement pas, dit-elle. C'est peut-être notre allié, mais je ne suis pas stupide. On n'est jamais trop prudent.
Il passa un bras autour de sa taille.
– Allons-y, dit-il en se dirigeant vers la tribune sur laquelle le chef d'entreprise venait de prendre place. Écoutons ce fameux discours.
À la fin de la soirée, Kyôko et ses compagnons se dirigèrent vers leurs voitures.
– On fait la revanche Rindô ? Dit l'aîné des frères Haitani.
Comme prédit par Kyôko, Ran avait remporté la victoire et elle était allée poser un chaste baiser sur ses lèvres en riant.
Si cela ne suffisait pas à le rendre fou, elle aviserait.
– Ça marche, répondit son cadet, remonté comme jamais.
Les deux bolides s'élancèrent sur la route alors que Sanzu s'installait seulement au volant.
– Ils sont fous, dit-il.
Tous les quatre reprirent la route à une vitesse plus modeste, mais qui restait néanmoins très largement au-dessus des limitations.
– Tu crois qu'ils sont déjà arrivés ? Lui demanda Kyôko tandis qu'ils pénétraient dans la banlieue de Tokyo.
– Si ça n'est pas le cas, dit Sanzu, ils ne sont plus très loin.
Il lui jeta un regard dans le rétroviseur.
– Pourquoi ? Dit-il. Tu as peur du gage que va réclamer le vainqueur ?
– Comme si ce genre de choses pouvait me faire peur, dit-elle. Non, je serai déçue s'ils restaient sages.
Sanzu rigola.
– Je te reconnais bien là ! dit-il.
Le téléphone sonna sur le tableau de bord et il décrocha.
– Quand on parle du loup, dit-il, c'est Rindô.
– Yo Rindô, dit-il. Alors ? Qui a gagné ?
La voix de Rindô envahit l'habitacle.
– SANZU ! FAIS GAFFE...
La communication fut coupée et le crépitement de la fusillade déchira le silence de la nuit.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top