22 - l'Ère du Bonten

Durant les semaines qui suivirent, les tractations se multiplièrent entre les trois gangs. Il leur fallait trouver un terrain d'entente pour conclure la guerre qui avait ensanglanté la capitale. 

Vers la fin du mois de septembre, une date fut arrêtée pour une rencontre au sommet.

– Fais pas la gueule Kyô, dit Shuji.

Il passa son bras autour de ses épaules et l'attira contre lui. Kyôko, Sanzu, Koko, Mikey et lui remontaient l'allée située entre les entrepôts qui se dressaient sur le port. Kyôko avait revêtu le manteau du Kanto Manji Kai pour l'occasion.

– Je ne fais pas la gueule, répondit-elle.

Sanzu se tourna vers eux.

– Qu'est-ce qu'elle a ? Demanda-t-il.

– Mademoiselle n'aime pas être en première ligne, rigola Shuji. Ça la stresse.

– Elle fait la gueule parce qu'elle n'a pas pu rester à l'hôtel ? S'enquit Sanzu.

Il était redevenu lui-même une fois que Mikey avait surmonté la mort de Senju. À croire qu'il n'avait jamais eu de sœur. Ce qui était sans doute le cas dans son esprit.

– Je. Ne. Fais. Pas. La. Gueule, répéta Kyôko en articulant, ce qui eut pour seul effet de les faire rire davantage.

Mikey lui jeta un regard par-dessus son épaule.

– Tous les cadres doivent être présents aujourd'hui Kyô, dit-il, toi y compris. C'est important.

– Je sais boss, ne t'en fais pas.

Shuji et Sanzu continuaient de rigoler.

– Personne te fera de mal tant je serai là Kyô, dit Shuji.

– Tu crois pas qu'on va laisser un de ces bâtards poser un doigt sur toi ? Ajouta Sanzu.

Il appuya lourdement sur le sous-entendu et Kyôko commençait à avoir du mal à se retenir de rire elle aussi.

– Depuis quand vous vous entendez aussi bien tous les trois ? Demanda Koko en se tournant vers eux.

– Depuis qu'on s'est découvert un passe-temps, répondit Shuji.

– Rien de tel que les hobbys pour rapprocher les gens, confirma Sanzu.

– Vous me fatiguez, dit Kyôko sans pourtant réussir à s'empêcher de rire.

Lorsqu'ils arrivèrent devant le bâtiment choisi pour la rencontre, le calme revint dans leurs rangs. 

L'entrepôt était abandonné depuis longtemps, les fenêtres en hauteur étaient brisées et un panneau fixé à une chaîne en interdisait l'entrée. Sanzu l'enjamba et tous les quatre le suivirent. 

À l'intérieur, les cadres de l'ancien Rokuhara Tandai, reconnaissables à leurs uniformes gris, se levèrent. Parmi eux, les frères Haitani, Ran et Rindô, avaient préféré revêtir leurs habituels manteaux noirs frappés d'une tête de mort au col. Plus loin, se tenaient les représentants du Brahman : Takeomi Akashi, le frère de Sanzu et Senju, et les anciens Black Dragon, Wakasa Imaushi et Keizo Arashi, dit Benkei.

Durant un moment, les représentants des trois gangs qui se partageaient les bas-fonds de Tokyo il y a encore quelques mois, se dévisagèrent. 

Kyôko les connaissait tous de nom, à défaut de les avoir déjà rencontrés. Kakucho Hitto, l'homme à la cicatrice, l'ancien bras droit de South Terano, mais surtout le cofondateur du Tenjiku avec Izana Kurokawa, pour qui il aurait autrefois donné sa vie sans hésiter. Ran et Rindô Haitani, les frères de Roppongi. Ils avaient mis le quartier en coupe réglée à eux deux quelques années auparavant. Kanji Mochizuki, alias Mochi. Un homme qui pouvait illustrer à lui seul le surnom de génération brutale que ses compagnons et lui avaient gagné en maison de correction. 

Face à eux, Takeomi, Benkei et Waka, avaient presque l'air inoffensif en comparaison. Kyôko savait qu'il n'en était rien. Waka et Benkei avaient régné chacun sur une moitié du Kanto avant que Shinichiro Sano, le frère de Mikey, ne fonde le Black Dragon après avoir mis un terme à leur conflit.

– Nous sommes réunis ici pour mettre fin à la guerre entre nos clans, commença Mikey. Si vous voulez parler, c'est maintenant.

Kakucho s'avança.

– En tant que porte-parole du Rokuhara Tandai, dit-il, je déclare que nous décidons de rallier le Kanto Manji Kai. À compter de ce jour, le Rokuhara Tandai n'existe plus.

Cette fusion était prévue. La nouvelle n'en était pas moins de taille. Le Kanto Manji Kai devenait le plus grand gang de la capitale.

Takeomi prit la parole à son tour.

– Le Brahman, dit-il, c'était le gang de Senju. Sans elle, il n'a plus lieu d'être. Nous avons décidé de le dissoudre et de rejoindre les rangs du Kanto Manji Kai nous aussi.

– Senju, dit Mikey, a donné sa vie pour ses ambitions...

Il regarda Kakucho et poursuivit.

– Mais elle n'était pas la seule. Avant elle, Izana Kurokawa avait fait la même chose. Nous devons honorer la mémoire de nos morts et ne pas oublier ce pour quoi ils se sont battus.

Kakucho releva la tête, surpris. Il ne s'était pas attendu à cette déclaration. 

Un silence passa dans les rangs des anciens membres des Trois Cieux. 

Mikey les regarda l'un après l'autre, puis il reprit.

– Le Rokuhara Tandai et le Brahman disparaissent aujourd'hui, et le Kanto Manji Kai va disparaître avec eux.

Les visages étonnés de leurs anciens adversaires accueillirent son annonce.

– L'Ère des Trois Cieux s'achève, dit Mikey. Elle va donner naissance à une nouvelle organisation. J'ai décidé qu'elle porterait le nom de Bonten en mémoire de ceux que nous avons perdus.

(NDA : Bonten, 梵天, est constitué des kanjis du Brahman, 梵 , et du premier kanji du Tenjiku, 天竺, le gang de Izana Kurokawa.)

– Comprenez, reprit Mikey, qu'il ne s'agit pas d'un jeu. Ce pays nous appartiendra d'une manière ou d'une autre et ce, quel que soit le nombre de morts que nous devrons semer sur notre route. Si vous décidez de vous retirer, faites-le sur-le-champ. À partir de demain, vous serez considérés comme des traîtres et abattus comme tels.

Un silence pesant tomba sur l'entrepôt. 

Les anciens Black Dragons, qui se tenaient à l'écart encore un instant auparavant, s'approchèrent.

– Je te suis Mikey, intervint Kakucho.

Une lueur qu'il croyait avoir perdue s'était rallumée dans son regard.

– Je remets le rêve d'Izana et le mien entre tes mains, dit-il.

– Ouais, dit l'aîné des frères Haitani, ça va être fun.

Son cadet approuva avec un sourire en coin et Mochi se contenta de hocher la tête.

– Très bien Mikey, dit Takeomi, après avoir consulté Waka et Benkei du regard. On te suit. On a payé trop cher nos erreurs. Cette fois, on mise sur toi.

– Vous venez d'engager votre parole, dit Mikey. Si vous venez à y manquer, le prix sera la mort.

Sanzu éclata d'un rire dément.

– Que le marteau du Bonten s'abatte sur les traîtres ! S'écria-t-il.

Kyôko sentait son cœur battre à toute allure dans sa poitrine. Mikey avait réussi, il avait créé la plus grande organisation criminelle du Japon, en tout cas le Bonten allait le devenir et elle allait tout faire pour cela. Personne ne se mettrait en travers de son chemin.

Un bras entoura son cou, interrompant le cours de ses pensées.

– Mais au fait, t'es qui toi poupée ? dit Ran Haitani.

Shuji dégagea sa main d'une claque.

– Fais gaffe à qui tu touches toi, dit-il.

– Kyôko est notre spécialiste du renseignement, répondit Mikey.

Et Sanzu ajouta :

– Elle se charge aussi de faire parler nos invités occasionnels. Évite de tomber entre ses petites mains ou tu pourrais bien te retrouver à poils en train de la supplier de continuer à t'arracher les ongles après avoir vendu ton père et ta mère !

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