14 - Réunion au sommet

Kyôko inspira, puis elle se dirigea vers le comptoir de l'accueil, Shuji derrière elle.

– Bonsoir.

L'hôtesse se tourna vers elle.

– Bonsoir, que puis-je faire pour vous ? Demanda-t-elle.

– Pourriez-vous avertir Kokonoi Hajime que Nakaba Yo est là ? Dit Kyôko.

– Bien sûr.

L'hôtesse décrocha son téléphone. Elle composa un numéro et attendit.

– La réception pour monsieur Kokonoi, dit-elle.

Elle écouta et reprit.

– Une jeune femme du nom de Nakaba Yo est ici, dit-elle.

À l'autre bout du fil, le combiné parut changer de mains.

Kokonoi Hajime à l'appareil.

Kyôko entendit distinctement sa voix et l'hôtesse se détourna pour respecter la vie privée de son client. Le Mandarin Oriental n'engageait vraiment des employés triés sur le volet, remarqua Kyôko, pour peu qu'on ait de l'argent, c'était l'endroit idéal où se cacher.

L'échange à voix basse reprit. Un instant plus tard, l'hôtesse raccrocha et elle revint vers Kyôko.

– Monsieur Kokonoi vous attend, dit-elle avec un sourire.

– Je vous remercie.

Kyôko se détourna, mais l'hôtesse la rappela.

– Attendez ! dit-elle. Je ne vous ai pas indiqué la chambre.

– C'est inutile, répondit Kyôko. Je connais la route.

Elle rejoignit Shuji et tous les deux se dirigèrent vers une autre série d'ascenseurs qui ne desservaient que les six derniers étages de la tour. Ils étaient cette fois réservés aux clients de l'hôtel.

Tandis qu'ils attendaient la cabine, Shuji lui demanda.

– Ça fait combien de temps que tu connais Koko ?

– À peu près quatre ans, répondit Kyôko. Il cherchait à amasser de l'argent, j'avais les informations... c'était inévitable que finissions par faire affaire.

– Mais tu ne l'as jamais rencontré, dit-il.

L'ascenseur arriva et ils y entrèrent.

– Non, dit Kyôko au bout d'un moment, jamais. En réalité, personne n'a jamais vu mon visage. Avant aujourd'hui.

Elle inspira à nouveau pour tenter de maîtriser le tremblement qui s'était emparé de sa voix. Elle s'apprêtait à jeter aux orties la règle la plus importante qu'elle s'était fixée, et cette idée l'angoissait. Mais cette étape aussi était inévitable. 

Shuji posa son bras sur ses épaules, il l'attira contre lui et se pencha pour lui murmurer à l'oreille.

– Du calme, je suis là.

Elle sourit.

– C'est vrai.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur le trente-troisième étage, trois étages en dessous de la réception, et Kyôko se dirigea sans hésitation vers le couloir de droite. 

Une fois devant la porte de la suite présidentielle, elle frappa. 

La porte s'ouvrit et le métal froid du canon d'un révolver se posa contre son front. 

Son cerveau, déconnecté de la réalité, prit les commandes sans qu'elle eût besoin d'intervenir. Il enregistra les informations et prit les décisions. Kyôko ne nota pas d'odeur de poudre et elle remarqua que leur hôte semblait averti de la présence de Shuji.

Accès aux caméras de sécurité, se dit-elle pour elle-même.

Shuji écarta négligemment l'arme de la main.

– On se calme Sanzu, dit-il. C'est pas une façon de recevoir des invités.

Haruchiyo Akashi, alias Sanzu, reconnut Kyôko. Le bras droit du boss du Kanto Manji Kai.

Les informations qu'elle détenait à son sujet défilèrent dans sa tête. La voix de Mikey l'interrompit, glaciale.

– Je n'ai pas souvenir de t'avoir invité Hanma.

Sanzu s'écarta. Derrière lui, Kyôko vit Mikey assis sur le canapé, les mains pendant entre les genoux et Kokonoi Hajime à ses côtés.

Manjiro Sano dit Mikey, le frère de Emma Sano.

Kyôko entra, Shuji sur les talons, et Sanzu ferma la porte derrière eux. 

Tous les cinq se regardèrent sans un mot. La tension dans la pièce était palpable. 

Mikey reprit.

– Donne-moi une bonne raison de ne pas te tuer, Hanma.

Kyôko répondit.

– Cette raison, c'est moi, dit-elle.

Mikey la regarda comme s'il la voyait pour la première fois. Koko, lui, ne l'avait pas quittée des yeux nota-t-elle.

– Vérifie qu'ils ne sont pas armés Sanzu, dit Mikey.

Sanzu s'avança et Shuji vint placer son bras sur les épaules de Kyôko.

– Pose seulement un doigt sur ma femme, dit-il, et je te défonce à un tel point que même ta mère te reconnaîtra pas.

Son assurance était tout ce dont Kyôko avait besoin. Elle écarta Sanzu comme s'il n'était pas armé, et vint s'asseoir dans le fauteuil qui faisait face au boss du Kanto Manji. 

Shuji se pencha et il croisa les bras sur le dossier, derrière elle.

– Vous savez qui je suis ? Demanda-t-elle.

Elle regardait Mikey, mais elle s'adressait en réalité à Koko. Ce dernier souffla quelques mots à l'adresse de son chef. 

Le visage de Mikey demeura dénué d'expression. 

Kyôko appuya les coudes sur ses genoux et elle joignit les doigts devant ses yeux.

– J'ai une question, dit-elle sans quitter Mikey du regard. As-tu déjà suffisamment perdu la raison pour nous tuer ici et maintenant, ou pouvons-nous discuter ?

Elle était passée au tutoiement et Sanzu étouffa un grognement.

– Où tu te crois pétasse ? Dit-il.

Mikey leva la main et Sanzu s'immobilisa.

– Discuter de quoi ?

Bien, se dit Kyôko.

– De ce que je peux faire pour vous, dit-elle.

– Qui a dit que j'avais besoin de toi ?

Kyôko sourit, elle ne répondit pas. Finalement, Mikey reprit.

– Qui me dit que tu es bien qui tu prétends être ?

Koko intervint.

– Je connais au moins une quinzaine de personnes qui ont porté le nom de Nakaba Yo.

Elle tourna les yeux vers lui.

– Et je pourrais toutes te les citer. Mais j'imagine que ça ne serait pas suffisant...

Elle se leva. 

Après un instant de réflexion, elle s'avança vers Sanzu. 

Shuji la regarda faire, un sourire confiant aux lèvres. 

Elle s'approcha si près de Sanzu qu'il pointa à nouveau son arme sur son front. Elle le défia du regard.

– Tire, dit-elle.

Dans la pièce, la tension monta d'un cran. 

Sanzu ne fit pas mine de bouger. 

Kyôko leva les mains et prit la sienne entre ses doigts.

– Tu veux que je t'aide ? Dit-elle.

Mikey ne dit pas un mot. Lui et Koko regardaient la scène en silence. Finalement Kyôko pressa sur la détente, mais seul un claquement retentit.

Elle lâcha la main de Sanzu et retourna s'asseoir en face de Koko et de Mikey.

– Sanzu ne charge jamais la première balle de son arme, dit-elle.

Elle sourit, Mikey lui demanda.

– Et s'il s'était servi de son arme juste avant ?

– Je n'ai pas senti d'odeur de poudre sur ses vêtements lorsque nous sommes entrés, répondit-elle.

Pour la première fois, le visage du chef du Kanto Manji Kai exprima de l'intérêt. Sano Manjiro, l'homme qui savait s'entourer mieux que personne.

– Mais, reprit Kyôko en s'installant plus confortablement dans le fauteuil, il y a erreur sur un point. Je ne suis pas Nakaba Yo.

Après un instant, elle ajouta en prenant la main de Shuji :

Nous sommes Nakaba Yo.

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