Avant que ne résonne la Grande Révélation et que ne surviennent les terribles évènements de Paris, nous coulions de jours heureux. Du moins, c'est les souvenirs qu'il m'en reste. La vie d'avant les évènements, d'avant la tragédie me paraît comme un tableau où la lumière du jour et de la lune auraient fait passer les couleurs, atténuer les contrastes de telle sorte que l'ensemble paraisse aussi brumeux qu'un rêve lointain dont on tente en vain de rassembler les divers éléments épars.

Nous nous souvenons tous de la tragédie, de la cruauté de ces évènements et des changements qu'ils ont apportés, nous avons tous été éprouvés d'une certaine manière. Certains diront que c'était inéluctable, que nous devions en passer par là, par les ténèbres et le chaos pour retrouver la lumière. Toutefois je me refuse à croire en un mal nécessaire, à ne voir dans ces événements qu'une étape clé, nous avons tous souffert, perdu des êtres chers, pour certains, comme pour moi-même, c'est notre vie d'avant que nous avons perdu.

C'est au nom des disparus, de ceux dont la vie a été sacrifiée pour que ce monde change, pour que l'on connaisse cet avenir, peut-être plus lumineux que notre passé, que j'ai voulu tracé le récit des événements ayant amené la tragédie parisienne et bien sûr, la Grande Révélation.

Beaucoup de choses ont été dites sur le sujet, mais je crois que personne n'a pris le temps de donner une voix à ceux y ayant participé de près ou de loin, ceux qui ont été pris dans les rouages de la grande Histoire. C'est ce pourquoi je me suis décidée à coucher tout cela sur le papier.

Certains se demanderont comment je puis parler au nom des morts, de ceux que je n'ai croisés qu'un bref instant, d'autres y verront l'application des légendes vampiriques. Je ne sais si tout était prédictible. Je sais seulement qu'en un bref instant, je les ai connus, j'ai partagé leur souffrance, et qu'il m'a été donné de lire leurs pensées, leurs inquiétudes, leurs troubles. La plupart sont morts aujourd'hui ou portés disparus. Je crois leur rendre hommage en rapportant ce qu'ils ont vécu. Je pense aussi que c'est ce qu'ils auraient voulu. Tout particulièrement Alessandro.

Moi-même, je figure dans ce récit. Bien sûr, j'ai changé mon nom ainsi que celui des autres. Je me devais de protéger leurs identités. Leurs gestes ont été parfois ignobles, mais les circonstances étaient particulières. Je ne leur cherche pas d'excuse, certains d'entre eux sont monstrueux. Vous le connaissez, ce cercle vicieux, quand on se montre cruel envers vous, vous vous sentez obligé de l'être à votre tour. C'est ma théorie de la contamination du mal. Enfin, ma théorie, je ne crois pas être la seule à l'avoir.

J'ai préféré vous dire ces quelques mots avant que vous n'entamiez la lecture de ce texte. J'ai essayé de retranscrire au mieux les pensées et les personnalités de chacun d'entre eux. Vous aurez sans doute du mal à y croire, qu'ils aient pu faire cela, songer cela, et vous vous demanderez quelle part d'imagination j'ai pu ajouter. Sachez que je n'ai rien imaginé, rien inventé, tout vient d'eux. N'oubliez pas que ceux qui se sont retrouvés embarqués dans cette histoire n'avaient aucune idée d'où cela allait les mener. Ils ignoraient ce qu'ils faisaient.

Je comprends maintenant pourquoi Alessandro s'est mis à me raconter son existence. Son récit à lui remonte bien plus loin que les évènements qui nous interrogent. Je crois que son histoire permet de mieux appréhender ce qu'il s'est passé, du moins, les agissements de certains. C'est pour cela que j'ai décidé de l'intégrer à ce récit.

Tout ce que je souhaite c'est que quelqu'un puisse les comprendre, quelqu'un d'autre que moi, quelqu'un possédant encore une âme et un cœur battant. Vous, peut-être.