II. Témoignages

« J'ai mis les mains sur mon crâne et je me suis mis à genoux comme le demandaient les CRS. Puis ils m'ont frappé, frappé, et encore frappé. Ils ont fini par m'emmener au commissariat où j'ai passé la nuit la plus longue de ma vie. » 

-Manifestant, Anonyme

« J'ai perdu connaissance sur la vision effrayante de manifestants se mettant à genoux, mains derrière la tête et tombant en avant, en se faisant frapper. Je ne saurais dire ce qu'il a pu se passer par la suite. Je me souviens juste m'être réveillée, entourée de huit personnes que je ne connaissais pas, qui me disaient " réveille-toi s'il te plait " doucement à l'oreille. Je ne saurais, je pense jamais dire ce qu'il s'est passé entre temps, ni comment je suis arrivée là. D'ailleurs je ne leur ai pas demandé, je ne préférais pas savoir. »

-Manifestante, Anonyme

« Dans la rue avant les rails, quand il y a eu la charge des CRS et de la BAC, deux jeunes filles ont vu une grenade anti-émeute exploser entre elles deux. Elles ont toutes les deux été accueillies par une habitante et sa fille. Toutes les deux blessées à la cuisse, l'une s'est vue prodiguer un bandage par les pompiers une fois sur place, l'autre a été emmenée à l'hôpital par sureté vis à vis des brûlures et éclats de l'explosion au niveau de son genoux. Les forces de l'ordre, eux, sont restés à la regarder sans agir comme si le fait qu'elle pouvait manifester faisait d'elle une personne moins importante qu'une autre. »

-Manifestant, Anonyme

« J'étais avec un pote vers le rond-point de Leverrier quand la manifestation descendait en direction de la Friche de la Belle de Mai et je ne pouvais plus marcher car je m'étais fait mal au genou. Du coup, il m'a emmené sur le côté du cortège en me portant. Nous avons laissé passer le cortège puis ensuite entre cinq et huit personnes de la BAC nous sont tombées dessus et nous ont frappés à coups de matraques et m'ont également donné une droite dans la tête en nous insultant de

" petits pds ". Au bout d'un moment ils nous ont laissé partir et nous n'avons eu aucune blessure grave, juste des bleus et quelques coupures et peut être une entorse ou je ne sais quoi à la main gauche car j'ai toujours du mal à m'en servir. »

-Manifestant, Anonyme

« J'étais sur le côté à Baille, et j'ai bien vu quand le CRS a lancé le premier Flash Ball, nous étions loin et nous avancions tout simplement. Et de là s'en est suivi plusieurs tirs de gaz lacrymogène, nous avons reculé et sommes partis de tous les côtés. De leur barricade, quand ils ont bloqué le boulevard au niveau LODI, une armada de voitures de flics est arrivée, ils sont tous descendus et se sont mis à courir à notre recherche. »

-Manifestant, Anonyme

« Le cortège s'est dispersé, les gens se sont mis à courir tout en hurlant. On aurait cru que chacun tentait de sauver sa peau ; d'abord c'était une impression, puis c'est devenu réel. Le cauchemar a commencé à ce moment précis. Je me suis dirigée, avec deux des manifestants, vers une colline qu'on a grimpée rapidement. On est arrivés, devant un portail fermé. L'un des deux manifestant l'a sautée, puis l'autre m'a soulevé et m'a fait passer par-dessus tandis que le premier me réceptionnait. Heureusement qu'ils étaient là. »

-Manifestant, Anonyme

« Je me suis moi-même fait voler mon portable par un policier alors que je les filmais en train de matraquer un jeune au sol, puis violemment bousculée et gazée. J'ai vu des grenades lacrymogènes lancées à tirs tendus sur des terrasses où il y avait des familles avec des bébés. J'en ai reçu une tirée directement sur moi, qui a atterri à mes pieds. J'ai dû emmener une lycéenne de seize ans chez le docteur, elle s'en était reçu une dans le dos. »

-Manifestant, Anonyme

« Jeudi dernier au moment où tout le monde se dirigeait vers la friche, trois hommes de la BAC nous ont fermé le passage en commençant à nous viser avec les Flash Ball, les lacrymogènes. Après quelque va- et- vient on a gagné et on avançait tranquillement pour se diriger sous le pont mais à peine commencé, pleins de camion sont arrivés et là environ cent cinquante hommes de la BAC/CRS nous ont chargés en nous tirant dessus, on a commencé tous à courir et mon ami est tombé. Je l'ai aidé à se relever et j'ai vu qu'il s'était fait mal au genou. Après ça je l'ai posé dans un coin et en l'espace d'une seconde, cinq à sept hommes de la BAC nous ont vu et ont hurlés " là ! Y'a des pds !! ". Ils nous ont ensuite chargé, matraque en l'air. Ils n'oubliaient pas les belles insultes homophobes et incroyables venant de la bouche de la police tel que

" pd " ou " fils de pute " et bien d'autres. En les voyant on a levé les mains mais une fois arrivés ils nous ont frappés à plusieurs reprises en nous insultant, ils m'ont étranglé et j'ai eu quelques hématomes à la cuisse et au dos (ceux de la cuisse étaient gonflés). Mon ami lui avait une main en sang et l'autre gonflée ; après ils nous ont dit de dégager en nous insultant, bien sûr alors qu'on avait les mains levées. J'avais, de plus, bien dit " Ok ok c'est bon on coopère " et en précisant que mon pote s'était fait mal et que je m'occupais de lui. »

-Manifestant, Anonyme

« Je me suis étouffé à cause des bombes lacrymogènes, mes yeux me brulaient, ils pleuraient. »

-Manifestant, Anonyme

« Je l'entendais simplement me répéter en criant avec toujours plus de haine dans ses paroles, d'une voix toujours plus tremblante de colère

" petite salope de gauchiste ". »

-Manifestant, Anonyme

« Je ne faisais pas partie de la manifestation, j'ai été arrêté. Je marchais près du vieux port, le cortège venait d'y passer. Un CRS est arrivé devant moi et m'a demandée mon nom, prénom, âge et les numéros de mes responsables légaux. Après leurs avoir donnés, ils m'ont embarqué. La garde à vue est un endroit horrible, les gens me dévisageaient. Les policiers se moquaient et je me sentais rabaissé, humilié, incompris. On a été libéré au bout de quatre heures de détention. Nous ne faisions que marcher dans la rue, cherchez la logique. »

-Manifestant, Anonyme

« J'ai couru pour m'échapper, ce n'était que quelque seconde. Ce fut certainement les secondes les plus longues de toute ma vie. A ce moment ci, j'ai vraiment compris que le temps pouvait passer extrêmement lentement quand on souffrait. »

-Manifestant, Anonyme

« Tous les soirs, quand je me couche, je laisse la lumière allumée maintenant. C'est certainement la peur de me réveiller en garde à vue. »

-Manifestant, Anonyme

« On a bloqué neuf gares et six lycées avec une manifestation. C'était la plus dangereuse, mais aussi la plus réussie. »

-Manifestant, Anonyme

« Le CRS m'a attrapé et m'a jeté contre la voiture alors que j'étais en balade avec mon chien. Je pensais que ce serait réellement la dernière chose possible. »

-Manifestant, Anonyme

« Lors de notre deuxième entrée sur le boulevard baille les CRS nous ont gazés, j'étais sur les premières rangées donc les gaz lacrymogènes m'ont affecté directement, je me suis dirigée tant bien que mal, avec des yeux qui brûlaient, en pleurs et sans arriver à respirer, vers les trottoirs alors qu'une deuxième lancée de gaz arrivait et empirait mon état, heureusement une dame m'a aidée. Mais juste après une foule de gens à commencé à courir en m'entraînant avec eux sans que je puisse me débattre alors cette même dame m'a plaquée contre le mur d'un bâtiment pour pas que je me fasse écraser ; suite à cela nous nous sommes refait gazer et je n'avais plus rien pour protéger mes yeux, mon nez ou ma bouche. J'avais perdu mes amies, et j'étais complètement déboussolée, par un miracle, quelques minutes plus tard j'ai aperçu des amis, dès que je suis arrivée vers eux, des gaz ont encore été lancés, alors nous nous sommes enfuis le plus rapidement possible. »

-Manifestant, Anonyme

« Je suis allée chercher du sérum physiologique à l'hôpital saint Joseph et je suis rentrée avec une écharpe sur la bouche, il y avait deux civils à l'entrée que je n'ai pas vu en entrant. En ressortant de l'hôpital, avec seulement six tubes de sérum ils m'ont pris à part pour un contrôle de papier banal je pensais, et d'un coup j'ai eu le droit à des insultes, et même un tordage de doigt. Je leur ai répondu, ils m'ont menacée de m'emmener, je leur ai répondu de faire ce qu'ils voulaient. Ils m'ont insultée, et sont partis. »

-Manifestant, Anonyme

« La garde à vue c'est vraiment bizarre, les gens me dévisageaient comme si j'étais une criminelle. Et la police alors... certains étaient vraiment méchants gratuitement. »

-Manifestant, Anonyme

« La BAC a commencé à nous courir après et tout le monde a escaladé les grillages, j'ai aidé des manifestants à monter, mais j'ai dû changer de parcours à cause de mon retard. C'était une course de cent mètres perdue d'avance, mais je croyais à ma fuite. Les gens criaient, les gaz lacrymogènes nous ralentissaient, j'ai vus des gens s'arrêter de courir, mettre les mains sur la tête et s'agenouiller, à un moment je me suis cru sur un champ de bataille. Puis rattrapé, mis au sol et après un coup de matraque dans les jambes j'ai compris que c'était perdu, trente secondes après les cinq autres de la brigade me sont tombé dessus, j'ai reçu des coups de pieds, coups de poing, coups de matraque, mais après une dizaine de coups je ne sentais plus rien, j'ai cru qu'ils n'allaient jamais arrêter. Puis ils m'ont menotté, relevé car j'ai subi tous ces coups par terre, les bras sur la tête et les jambes repliées. Et les insultes ont commencé, en par de violentes claques " sale gaucho de merde ",

" espèce de pute ", ou " fils de pute de merde ", et puis ils m'ont mis la pression, " tu vas partir en garde à vue ", " tu vas y rester longtemps ",

" on t'as vu, on ne voyait que toi, sale gaucho ", puis un des policiers m'a regardé droit dans les yeux et m'a craché au visage. »

-Manifestant, Anonyme

« Les flics me regardaient et continuaient à me frapper, pourtant j'étais en sang, allongé, inoffensif. Ils n'avaient plus aucune pitié. »

-Manifestant, Anonyme

« Un policier m'a couru après, il m'a balayé et une fois à terre, il m'a craché dessus. »

-Manifestant, Anonyme

« Les paroles me blessaient plus que leurs coups que je ne sentais plus. La garde à vue, c'est l'enfer. J'y suis arrivé, prise d'ADN, empreintes digitales, nom, prénom, âge, adresse. Ils m'ont mis en cellule, je me suis faite frapper. Je crois que j'en ai honte... Un garçon plus âgé, m'a jeté à terre, il m'a craché au visage en me disant que je ne méritais pas la vie si c'était pour gâcher celle des autres. Je me suis fait frapper. Les policiers ont regardé faire, me dévisageant, un sourire en coin. L'un d'eux s'est approché après plusieurs minutes de souffrances physiques comme mentales et alors, il m'a dit " voilà ce que t'as gagné à essayer de changer le monde. C'est ta façon de penser qu'il faudrait changer. Les gens comme toi ne devraient même pas exister ". Ses mots étaient durs, blessants. La garde à vue, ce n'est plus un lieu pour moi. C'est simplement en souvenir d'un traumatisme. »

-Manifestant, Anonyme

« Je me suis reçu des coups de matraque dans les jambes et dans le dos qui sont les deux parties les plus faibles de mon corps. Comme il n'y avait pas de transport j'ai dû être porté par un ami pendant près de vingt minutes. J'étais sur son dos et pendant qu'on marchait alors qu'on faisait de mal à personne des bombes lacrymogènes nous ont été lancées, une vraie scène de guerre j'ai dû mettre mon foulard autour de la bouche de mon ami et lui mettre du sérum physiologique. Si j'avais été seul et sans matériel, je doute qu'on me serait venu en aide. »

-Manifestant, Anonyme

« J'ai pu observer un ami à moi se prendre un Flash Ball à côté de l'œil et moi-même j'ai reçu un gaz lacrymogène dans le dos qui m'a fait exploser les vaisseaux sanguins. Je l'ai vu se retourner d'un coup avec la main sur l'œil au début, je n'ai pas compris puis après je les vu saigner, je me sentais mal pour lui et énervé contre la police qui normalement avec le Flash Ball n'a pas le droit de tirer au-dessus de la ceinture. »

-Manifestant, Anonyme

« Ils nous ont couru après, alors j'ai couru moi aussi. J'ai des petites jambes et un problème cardiaque. Je me suis rapidement essoufflée. J'ai finis par être rattrapée. Un coup de matraque dans la cuisse, puis un dans le tibia ; je suis tombée à terre sans comprendre ce qu'il m'arrivait. J'avais une pointe au cœur, je ne pouvais plus respirer. Je leurs criait " j'ai des problèmes cardiaques, arrêtez je peux plus respirer ! Je vais

mourir ! ". Je croyais que j'allais mourir, et sur l'instant je pense que j'aurais préférer. Ils ne se sont pas arrêtés, aucune pitié. Ils m'ont mis au sol, maîtrisée, m'ont appuyé la tête contre la terre. Je ne parvenais pas à reprendre mon souffle ; je me recevais des coups de pieds, des coups de genoux. Puis l'un d'entre eux m'a relevé en m'attrapant par les cheveux et m'a poussé dans la voiture. Je suis tombée sur la banquette arrière telle un cadavre et je n'ai plus bougé. Je n'y arrivais plus. Puis la voiture a démarré. Je les entendais parler, c'était atroce. Ils parlaient des arrestations et répétaient " on a fait du bon boulot les gars ". »

-Manifestant, Anonyme

« L'un des CRS m'a jeté contre un grillage, par reflex j'ai crié " Aie ", ce à quoi il a répondu " Fermes là ! T'auras tout le temps d'avoir mal en garde à vue ! " »

-Manifestant, Anonyme

« Je me suis fait arrêter. Les menottes me seraient, et les regards m'apeuraient. »

-Manifestant, Anonyme

« C'était horrible. J'ai vu un CRS et j'ai paniqué. J'ai eu tellement peur, alors je me suis cachée dans un parc. Je me rappelle être restée cachée en attendant qu'il parte. Et puis il m'a trouvé et j'ai vraiment eu peur. Il m'a attrapé par le bras en criant. Puis après ça, il m'a lâché et il est parti comme s'il ne s'était rien passé. »

-Manifestant, Anonyme

Certains témoignages m'ont été transmis tels quels, d'autres m'ont été rapportés puis je les ai retranscrits.


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