Point d'arrêt

Les derniers souvenirs de Morgane sont les étoiles s'éteignant toutes soudainement, la laissant dans le noir complet.

Avec grand peine, elle ouvre ses yeux. Sa vision est encore floue et elle ne distingue que du blanc. Un blanc éclatant qui lui fait mal à la rétine. Elle pousse un petit gémissement.

« Elle est réveillée ! » s'exclame une voix à son chevet.

Autour d'elle, on se presse. Elle commence à distinguer des formes humaines qui font des aller-retours, sortant et entrant de la pièce dans un va et vient incessant. Morgane en a le tournis.

« Excusez-moi... »

Sa voix est rauque, sa bouche sèche. Depuis combien de temps au juste n'a-t-elle pas parlé ?

« Ce n'est rien, repose toi, lui assure quelqu'un.

— J'ai l'impression que ça fait des jours que je dors, je ne pense pas avoir besoin de repos. »

Personne ne lui répond.

« Vous êtes toujours là ? demande-t-elle.

— Ça fait deux jours que tu "dors" Morgane, finit par déclarer la même voix. »

Sa vision devient enfin nette. La personne qui lui adresse la parole depuis quelques instants est un homme, assez âgé pour pouvoir être son père. Les cheveux poivre et sel, la mâchoire carrée, une blouse blanche sur ses épaules larges, il la fixe de ses deux yeux noirs :

« Il y a eu un accident... Un cerf a foncé droit sur votre voiture. Ton père n'a récolté que quelques égratignures, mais toi par contre... »

Morgane déglutit : elle n'est pas sûre de vouloir entendre la suite.

« J'ai raté mon concert... » soupire-t-elle.

Le médecin parait soudainement très gêné. Il humecte nerveusement sa lèvre et se triture les doigts. Il finit par prendre une grande inspiration et demander :

« Tu peux essayer de bouger ta main gauche s'il te plaît Morgane ? »

Le cœur de la jeune fille rate soudain un battement : ses doigts ne répondent plus.

« Que... que se passe-t-il ?

— Un éclat de verre a sectionné les tendons de ta main, je suis désolé Morgane. »

Sectionné ? Tendons ?

« Mais alors...

— Tu ne pourras plus jouer de violon, termine le médecin gravement. »

Les larmes coulent alors en torrents. Elle n'arrive plus à les retenir. Elles glissent le long de ses joues, trempent les draps blancs du lit. Son visage devient rouge et ses sanglots sont coupés, l'air lui manque. Elle a l'impression d'étouffer : elle était si près de son rêve, à deux doigts de l'atteindre, et il n'est maintenant plus qu'un souvenir douloureux qui ne cessera de la faire souffrir toute sa vie, un regret creusant un gouffre tellement profond qu'elle ne pourra jamais le combler. On l'a séparée de son violon, de la musique. Que va-t-elle faire ?

    Des bras l'entourent, on tente de la rassurer, on lui caresse le dos : ses parents sont arrivés. Mais elle n'arrête pas de pleurer, crier, hurler à l'aide. Elle va se noyer, elle ne peut pas supporter la nouvelle. Elle croit entendre le médecin qui demande à ses parents de la laisser, mais n'en est pas sûre. Elle est soudain prise de nausée et vomit sur le côté du lit. On approche de son visage un masque, et ses cris se calment peu à peu : elle n'a plus la force de pleurer et finit par tomber dans les bras de Morphée, les joues encore toutes mouillées.

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