Les mots du jeune homme tombent comme une bombe sur le porche de la maison de Morgane

    Quoi ? Comment ça il est amoureux d'elle ?

    « Mais tu ne me connais même pas Eliott !

    — Si ! Enfin... Un peu. Je suis venu assister à tous tes concerts ces deux dernières années. Et puis je t'observe souvent en classe.

    — Tu ne connais pas quelqu'un comme ça, fait-elle remarquer. »

    Morgane a cessé de crier : cette nouvelle l'a tellement surprise qu'elle l'a adoucie.

    « Un peu quand même, non ? »

    Eliott est rouge comme une tomate. Il parle de manière à peine audible et humecte nerveusement ses lèvres. Sa jambe droite tremble et il a du mal à respirer. Il ne comptait pas tout lui avouer comme ça, maintenant, devant sa porte, alors qu'elle vient de lui hurler dessus...

    « Quelle est ma couleur préférée si tu me connais si bien ?

    — Violet. »

    Morgane en tombe des nues : comment sait-il cela ?

    « Mon morceau favori ? réessaie-t-elle.

    — Un Américain à Paris.

    — La matière que j'aime le moins ?

    — Le français. Oh non pardon, le sport ! »

    La jeune fille n'en revient pas : effectivement, il la connait bien. Enfin, de toute façon, elle n'est plus celle qu'elle était, le rouquin peut passer son chemin :

    « Eliott, c'est très touchant ce que tu me dis, bien qu'un peu flippant, mais tu es tombé amoureux de la violoniste fière que j'étais. Maintenant je suis juste une pauvre fille avec une main en moins qui passe ses journées à broyer du noir dans sa chambre...

    — Ce n'est pas vrai Morgane ! s'emporte le garçon en attrapant la main paralysée de la jeune fille. »

    Surprise, elle rougit à son tour. Eliott se rend compte de la situation et lâche rapidement la main de Morgane, reculant gêné.

    « Désolé...

    — Je pense qu'il vaut mieux que tu rentres chez toi...

    — Non Morgane, je refuse de partir. »

    L'adolescente le considère quelques instants avant de ricaner :

    « Et qu'est-ce que tu vas faire alors ? T'asseoir en face de moi à manger de la pizza et à me fixer dans le blanc des yeux jusqu'à ce que mon père te jette littéralement dehors ?

    —Pourquoi pas ? répond Eliott, pris d'un soudain courage. »

    Surprise par tant d'assurance, Morgane relève le défi et le laisse rentrer dans la maison. Les deux adolescents s'installent à la table de la cuisine et continuent leur repas sans un bruit. Cependant, une question perturbe toujours la jeune fille :

    « Eliott, avant que tu ne...

    — T'attrape la main, complète le garçon gêné.

    — Exactement. Bref, avant que tu ne fasses ce geste complètement inopportun et incontrôlé...

    — C'est le moins qu'on puisse dire, surenchérit Eliott rouge de honte.

    — Oui oui, enfin laisse-moi parler ! Tu disais avant cela que je n'étais pas qu'une pauvre handicapée... Que suis-je alors ?

    — Tu es toujours une musicienne Morgane. Il te reste un instrument qui ne nécessite pas de main pour être joué... »

     Morgane le voit venir :

    « Alors ça, jamais ! Je chante comme une casserole Eliott ! Si tu pensais t'imposer en chevalier sauveur qui me ramène la musique en me faisant découvrir mon talent de chanteuse caché, je suis désolée de t'apprendre que je suis une catastrophe ! »

    Eliott ne la croit pas une seconde.

    « Ne me regarde pas avec cette tête là, c'est vrai. »

    Le garçon insiste.

    « Mais arrête ! Je ne sais pas chanter !

    — Je demande à voir ça !

    — Tant pis pour toi, je t'avais prévenu. »

    Morgane allume la radio et se met à chanter avec la chanson qu'elle diffuse. Le résultat est catastrophique. Les mains sur les oreilles pour se protéger, Eliott abdique :

    « D'accord d'accord, tu chantes comme une casserole... Mais il doit bien exister un moyen de te rendre tes rêves de musique, non ?

    — Non Eliott, il n'en existe pas. Je te l'avais dit : tu es amoureux d'une incapable.

    — Tu pourrais diriger des orchestres !

    — À une main ? Hors de question ! C'est déjà si difficile pour les gens normaux, comment veux-tu qu'une handicapée y arrive ?

     — Très bien tu as raison tu es incapable de faire quoi que ce soit ! »

    Eliott attrape son sac et se lève avant de quitter la maison et de rentrer chez lui : non mais quelle tête de mule cette Morgane ! Elle a réussi à le décourager !