Deuxième Mouvement - Andante

    Le réveil de la cuisine annonce midi vingt-deux lorsque la sonnette de la maison et le téléphone sonnent en même temps. Si elle avait regardé un film d'horreur hier soir, Morgane serait probablement affolée. Mais heureusement pour elle, elle s'était contentée d'aller sagement se coucher, l'humeur morose comme tous les soirs depuis l'accident. La jeune fille court jusque dans le salon, décroche et file à la porte :

    « Allô ?

    — Coucou c'est maman. Je suis vraiment désolée, on ne va pas pouvoir rentrer ce midi... Tu penses pouvoir te débrouiller ?

    — Si je n'arrive pas à faire cuire des pâtes à une main je commanderai des pizzas ! déclare-t-elle distraitement tout en ouvrant la porte. »

    La mère de Morgane déteste lorsque sa fille se met à tourner sa paralysie en dérision.

    « Morgane ma chérie... »

    Mais l'adolescente ne l'écoute plus, bien trop surprise par la personne qui se tient devant elle : Eliott, le roux qui était assis à côté d'elle en cours avant son accident.

    « Il faut que je te laisse maman, salut, déclare-t-elle simplement en raccrochant.

    — Coucou, lance Eliott un peu gêné.

    — Salut...»

    Morgane ne comprend pas bien ce que le garçon vient faire chez elle. Et comment sait-il où elle habite ?

    « Je me suis proposé pour t'apporter les devoirs, explique-t-il.

    — C'est gentil. »

    Le silence s'installe entre les deux adolescents. Eliott regarde le bout de ses chaussures, agitant ses orteils à l'intérieur, tandis que les doigts de la main droite de Morgane pianotent nerveusement sur le plastique du téléphone. Finalement, elle se décide à relancer la conversation :

    « Tu veux entrer ? Mes parents ne sont pas là ce midi, je vais probablement commander des pizzas.

    — Euh, je ne voudrais pas te déranger...

    — Ah oui, c'est vrai que j'ai tellement de choses à faire toute seule chez moi avec une main paralysée ! ironise Morgane. »

    Eliott se mordille la lèvre inférieure, hésitant, puis finit par déclarer :

    « Alors c'est vrai ce qu'on dit. Ta main est vraiment paralysée.

    — Elle répond aussi bien à mes ordres que toi aux questions de maths. »

    Les joues parsemées de tâches de rousseur d'Eliott prennent une teinte rosée ; les sourcils froncés, le garçon décide de répliquer :

    « Hé ! Tu veux qu'on parle de tes notes en français ?

    — Ne t'aventure pas sur ce terrain le rouquin, ma moyenne est largement supérieure à la tienne.

    — Ah ouais ? Pourtant regarde : ça c'est ta copie... »

    Eliott fouille dans son sac et en sort une feuille à carreaux. Dans le coin supérieur sont inscrits en chiffres rouges un zéro et un huit. Il en tire ensuite une seconde marquée cette fois-ci d'un très beau quatorze.

    « Et... Oh, mais serait-ce mon nom écrit dans la marge à côté du quatorze ? Oh mais il me semble bien que j'ai eu le double de ta note !

    — Non, répond froidement Morgane.

    — Quoi, "non" ? répète Eliott, reprenant un peu de son assurance.

    — Le double de huit c'est seize, pas quatorze, conclut nonchalamment la jeune fille. »

    Elle pose alors sa main valide sur sa hanche et s'appuie sur une jambe, contemplant son camarade qui a viré au rouge pivoine.

    « Quatre fromages ça te va ? finit-elle simplement par déclarer pour couper ce silence gênant.

    — Ouais, bégaye-t-il en retour.

    — Oh et quatre c'est la moitié de huit, hein ? Pas de sept, rajoute-t-elle en rentrant dans la maison, un sourire narquois sur les lèvres. »

    Eliott reste d'abord planté devant la porte, rouge cramoisi et les yeux écarquillés, surpris de la réflexion de sa camarade, puis se ressaisit et la suit à l'intérieur.

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