Chapitre 29.2
Astrid n'arrivait pas à se concentrer. La raison était simple : Daniel était dans les parages. Elle ne lui avait pas adressé la parole, mais quand il passait près d'elle, son cœur battait si fort qu'elle manquait s'évanouir. Je dois lui parler, avant qu'il ne reparte vers le Canada et sa fiancée. Sa fiancée ! Ça veut dire qu'il a couché avec elle ! Je suis sûre qu'elle est nulle.
Mais comment lui parler discrètement ? Lars aussi était dans les parages.
- Tu baves devant le canadien, remarqua Madeleine en se matérialisant près d'elle.
- Quoi ? Euh, non...
Elle s'essuya tout de même la bouche, pour être sûre.
- Vas le voir ! Ne reste pas plantée là comme une imbécile !
- Je ne peux pas. Lars...
- ...est avec son copain le suédois. Profites-en. Je reste ici pour monter la garde.
- Merci, Maddy.
- Ne m'appelle plus jamais comme ça. File, maintenant !
Astrid, le cœur battant comme les ailes d'un colibri, se dirigea vers l'extrémité sud du jardin, où l'on pouvait apercevoir la mer. Daniel s'y trouvait, le regard perdu vers l'horizon. La jeune femme se plaça à côté de lui, ni trop près, ni trop loin.
- Je voulais m'excuser pour la façon dont je me suis comportée à Québec, attaqua-t-elle.
Il tourna vers elle ses yeux bleus foncés.
- Tu n'as rien fait de mal.
- Si, je n'aurais pas dû te repousser. Parce que je t'aime encore. Toujours.
Il lui avait dit exactement la même chose en France. Elle espérait qu'il s'en souvenait.
- Je sais que tu as une fiancée, reprit-elle très vite. Et je...comprends.
- Toi, tu as Lars.
Astrid fixa la Méditerranée qui heurtait les roches abruptes en contrebas.
- Lars n'est pas fait pour moi. Au début, il m'a attirée parce qu'il était sauvage, mystérieux, complexe...mais maintenant je me rends compte qu'il a des blessures que je ne pourrais jamais guérir, et des défauts que je ne pourrais jamais supporter.
Daniel la regardait toujours, et ses yeux paraissaient humides. Il fit un pas et posa ses mains sur les épaules d'Astrid.
- Je vais épouser Mélissa.
- Alors, tu l'aimes.
- Elle est enceinte.
Astrid eut soudain l'impression d'être une de ces vagues qui s'écrasait implacablement contre un rocher et retombait détruite, en mille larmes d'écume.
- Oh, c'est bien, mentit-elle d'une voix pitoyable.
Si cette Mélissa était là, je serais capable de la tuer.
- Je ne sais pas, souffla Daniel. Mais je veux que tu saches que tu resteras toujours le plus grand amour de ma vie.
C'est horrible de me dire ça, alors qu'il va vivre avec une autre.
- Nos routes se séparent pour le moment, parce que je ne peux pas laisser ce bébé, tu comprends ?
- Oui.
Astrid lui agrippa les mains désespérément. Elle tenta un dernier compromis misérable.
- Reste avec moi cette nuit. Une dernière fois.
Daniel secoua doucement la tête et l'embrassa sur le front en lui tenant le crâne à deux mains.
Comme si je pouvais me dérober. Comme si je pouvais lui échapper.
- Au revoir, Astrid.
- Au revoir, sanglota-t-elle.
Elle se tourna vers la mer avec l'envie folle de s'y jeter, de se perdre dans l'eau et de ne jamais remonter à la surface. Astrid ferma les yeux et quand elle les rouvrit, Daniel était parti. Mais ce n'était que la première partie du cauchemar. Maintenant, je dois dire à Lars de s'en aller aussi.
Astrid rentra dans la Villa, ignora Madeleine qui lui lança un regard interrogatif, et monta dans sa chambre. Elle titubait comme une ivrogne, et dut se raccrocher à la balustrade. La douleur planait au-dessus d'elle, un petit nuage orageux qui la foudroyait à chaque pas, qui rendait l'air qu'elle aspirait électrique et brûlant. Astrid poussa la porte : Lars enfilait une chemise propre.
- Qu'est-ce que tu as ? demanda-t-il en avisant ses yeux pleins de larmes.
- J'ai parlé à Daniel.
- Quoi ?
Le visage du danois se décomposa et devint pâle comme de la craie. Ses yeux bleus glacier flamboyèrent de colère. Il était terrifiant, mais Astrid avait l'habitude.
- Je lui ai dit que je l'aimais. Mais il a une fiancée qui est enceinte, poursuivit la jeune femme comme si elle récitait une leçon par cœur.
- Que tu l'aimais ?
- Oui. Je veux que tu t'en ailles, Lars. Je suis désolée, mais nous deux, ça ne peut plus durer. Ça ne mènera nulle part.
- Tu dis n'importe quoi ! Ce canadien est un imbécile qui a engrossé la première fille venue, et tu continues de l'aimer ! Tu te rends compte à quel point tu es ridicule ?
Astrid lui jeta un regard noir. Maintenant, elle était en colère. Furieuse, même.
- Je veux que tu t'en ailles, répéta-t-elle, parce que je n'ai pas besoin de ta jalousie et de ta rancœur constantes, pas en ce moment. Parce que je ne te supporte plus. Parce que je ne t'ai jamais aimé.
Lars saisit soudain la lampe de chevet et l'envoya se fracasser contre le mur, à quelques centimètres de la tête d'Astrid. La jeune femme en resta muette de stupeur.
- Tu mens ! explosa-t-il. Espèce de salope !
Il fonça sur Astrid qui ne put l'éviter et la prit à la gorge.
- J'ai été gentil avec toi, je t'ai aimé, je t'ai protégé, et tu me largues comme ça ! Tu n'as pas le droit ! Tu as dit que tu étais à moi !
Astrid se tortilla, sans succès, et lâcha :
- Tu me fais peur. Souvent. Je ne peux pas vivre avec quelqu'un qui me fait peur.
- N'essaie pas de te faire passer pour la victime !
- Hé, Lars, arrête !
Björn entra et attrapa le bras de son associé. Celui-ci le repoussa, mais le suédois revint à la charge et réussit à le faire lâcher Astrid, qui tomba à genoux.
- Tu es malade ! Tu étais en train de l'étrangler !
- C'est tout ce qu'elle mérite ! éructa Lars. Et toi, tu es viré !
Björn fronça les sourcils et se plaça entre lui et Astrid.
- De toute façon, je ne veux plus travailler avec toi. Tu perds la tête !
- J'ai toujours su que tu la voulais, et bien, je te la laisse ! Deviens son toutou, son esclave, tu l'amuseras un moment, puis elle te chassera, et alors tu regretteras que je ne l'aie pas étranglée !
Lars quitta la pièce en claquant la porte avec violence. Astrid resta immobile jusqu'à ce que Björn la relève délicatement. Cette fois, son nuage lui crachait sur la tête une pluie glacée.
- N'aie pas peur. Il est parti.
- Je n'ai pas peur. Je savais qu'il réagirait comme ça. Je suis désolée, à cause de moi, il t'a renvoyé.
- Ça n'a pas d'importance.
Astrid soupira et se massa le cou du bout des doigts. Elle était étrangement soulagée, débarrassée d'un poids. Björn et elle descendirent dans le salon et y trouvèrent la télévision allumée. La consternation et l'horreur se lisaient sur les visages de Salvatore et de Mama.
- Voici le nouveau président de la Fédération de Russie : Simon Solovine. Son portrait dans un instant, annonçait le présentateur.
Astrid sentit monter dans sa gorge un rire hystérique. Elle lâcha un gloussement de folle furieuse et tous se tournèrent vers elle, l'air épouvanté.
- C'est vraiment une journée pourrie ! glapit-elle en se tenant les côtes.
***
À l'hystérie succéda l'abattement. Astrid avait encore perdu. On ne peut pas lutter contre le dirigeant d'une des plus grandes puissances mondiales. Maintenant, il est intouchable.
Enroulée dans sa couette, la jeune femme savait que tout le monde l'attendait dans le salon, pour qu'elle annonce quelque chose de courageux, comme « le combat doit continuer » ou « je suis plus que jamais prête à faire face ! ». C'est ce qu'aurait fait Bianca Manfredi. Mais je ne suis pas elle, j'ai juste la trouille. Astrid savait ce qu'elle devait faire pour limiter les dégâts. Lars et Daniel sont déjà partis et vont se construire une nouvelle vie. Je dois dire aux autres de faire pareil. Elle se dépêtra de sa couette, se brossa rapidement les cheveux et rajusta son tee-shirt.
- Bonjour à tous, et merci d'être encore là.
Gonzalo fronça les sourcils, Abu croisa les bras, Élie se gratta la tête et le tueur à gages islandais plissa les yeux.
- Mais ce n'est plus votre place. Rentrez chez vous. Nous ne pouvons plus rien faire.
Astrid haussa les épaules et poursuivit :
- Simon Solovine est trop puissant, à présent.
- Nous ne sommes pas des lâches ! s'insurgea Élie. Nous pouvons nous battre !
- Je sais. Mais Solovine a déjà tué trop de personnes à cause de moi. Si je me fais discrète, il me laissera peut-être tranquille.
- Tu vas passer le reste de ta vie à te planquer ? s'exclama Gonzalo.
- Faîtes ce qu'elle vous dit, messieurs, intervint Mama avec autorité. Ne discutez pas ! Vous avez l'occasion de commencer une nouvelle vie, alors débarrassez le plancher !
Astrid laissa Salvatore lui prendre la main et lisser ses cheveux encore fous malgré le brossage, alors que tous partaient, grommelant dans leurs barbes. Seul Björn resta.
- Tu peux partir aussi, Björn, lui dit Astrid.
- Je n'ai nulle part où aller. Si tu le veux bien, j'aimerais rester.
- D'accord. De toute façon, il y a beaucoup de chambres libres, ici, soupira-t-elle.
Coucou !
Je reviens avec un bon gros chapitre qui fracasse sa mère (pardon, je parle comme elle, du coup !) n'est-ce pas ?
La bise !!!
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