Chapitre 28.1

Chapitre 28

- Je crois que j'ai une solution pour en apprendre un peu plus sur ce Simon Solovine, annonça Madeleine.

Astrid avala une bouchée de pâtes au pesto. Elle se sentait beaucoup mieux. Rien ne valait de la bonne nourriture pour remonter le moral.

- Quelle solution ?

- Ma fille, Fiora.

- Vous avez une fille ? s'étonna Astrid.

- Oui. Elle est photographe.

- Vraiment ?

- Oui. Elle prend des photos compromettantes et elle fait chanter les personnes concernées.

Madeleine eut un petit sourire narquois qui signifiait : « je t'ai bien eue ».

- C'est une vraie petite garce. Ne t'avise pas de me dire : « telle mère, telle fille » ! Mais bon, c'est aussi une excellente détective.

- Vous la voyez souvent ?

- Bien sûr que non ! On ne peut pas se supporter. Mais je suis quand même sa mère, et si je lui demande quelque chose, elle obéit. Je vais lui dire d'enquêter sur Solovine.

- Oh, merci beaucoup.

Madeleine prit son téléphone et composa un numéro.

- Fiora, c'est ta mère. Oui, tu as une mère. Je suis sortie de prison, si ça t'intéresse. Non ? Très bien. J'ai une cible pour toi. Simon Solovine, un russe. Enquête sur lui, tu veux ? Oui, je te ferais un versement sur ton compte bancaire. C'est ça. Je te rappelle.

Madeleine avala une gorgée d'eau avec un soupir.

- Son père était italien, très beau, mais stupide. Heureusement, elle a hérité de mon intelligence. Mais elle est encore plus vicieuse. Tu auras des informations bientôt.

- Je ne sais pas comment vous remercier.

- Je vais chercher des affaires et m'installer ici quelques temps. Apparemment, il y a de la place. Essaie de rappeler Salvatore ou ton amoureux.

Astrid obéit, mais tomba de nouveau sur leurs messageries vocales. Une vague d'inquiétude la submergea, et l'image de Simon Solovine s'imposa à son esprit. Pitié, pas encore lui ! Comment fait-il pour être partout à la fois ?

Pendant cinq jours, il ne se passa strictement rien. Le docteur P s'était installé dans la première chambre d'amis et Madeleine dans la seconde, qui était avant celle d'Ernesto. Astrid passait ses journées à explorer Naples et ses environs en espérant apercevoir une silhouette familière. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, mais la jeune femme ne supportait plus de rester inactive. Elle téléphonait tous les soirs à Salvatore, le plus susceptible de lui répondre, sans succès. Il n'y eut pas non plus de nouvelles de Fiora.

Un après-midi particulièrement chaud, une alarme retentit dans la Villa, réveillant en sursaut Astrid, le docteur P et Madeleine qui s'étaient tous les trois endormis devant un film à l'eau de rose. Astrid fut la première à se lever.

- C'est l'alarme du portail ! Une personne non-identifiée tente d'entrer !

- Il y a un système de reconnaissance faciale sur le portail de la Villa ? s'étonna Madeleine.

- Oui, je l'ai créé moi-même, sourit fièrement le docteur P.

Madeleine lui jeta un regard stupéfait, comme s'il était un cafard se transformant en papillon.

- Je vais voir, annonça Astrid.

- Attends-moi !

Les deux femmes traversèrent prudemment le jardin jusqu'au portail. Un homme qui semblait tout droit sorti d'un film d'horreur s'y trouvait, les vêtements lacérés, le visage tuméfié et couvert de sang. Astrid mit plusieurs longues secondes à le reconnaître, grâce à ses yeux bleus

vifs. Elle eut un hoquet de stupeur.

- Björn ? C'est vous ?

- Bonjour, mademoiselle Cavaleri. Je suis désolé de me présenter dans cet état.

Astrid s'empressa de taper le code pour désactiver l'alarme et fit entrer le suédois sous le regard étonné de Madeleine.

- Tu le connais ?

- Oui. C'est un ami de Lars.

- On ne ferait pas mieux de l'emmener à l'hôpital ? Il va salir le canapé !

- Non, pas l'hôpital ! Des hommes me traquent, souffla Björn. Des russes. La Villa est le seul endroit où ils ne m'ont pas suivi.

Des russes !

- Lars est absent depuis plusieurs jours, et il ne répond pas à mes coups de fil, alors j'ai décidé de venir à Naples pour le chercher, mais des hommes me sont tombés dessus et m'ont tabassé. J'ai réussi à m'enfuir et j'ai couru jusqu'ici. À San Gennaro, ils ont fait demi-tour. Je ne sais pas pourquoi...poursuivit Björn, l'air épuisé.

L'araignée rouge ? se demanda Astrid. Est-ce que ce fichu insecte symbolique se cache encore derrière tout ça ?

- Il faut appeler un médecin, décréta Madeleine.

- Oui, je vais prévenir Tarelli. Entrez, Björn.

Le docteur Tarelli était à Benevento et ne pouvait pas venir avant le début de la soirée. Björn vacillait dangereusement et Astrid dût le soutenir pour l'empêcher de tomber.

- Vous allez prendre une douche et vous reposer.

- Il n'est même pas capable de faire trois pas, remarqua le docteur P. Il ne pourra pas se laver seul.

- Tu n'as qu'à l'aider, Astrid. Je ne veux pas de sang sur le parquet ! siffla Madeleine.

- Pourquoi moi ? protesta la jeune femme.

- Parce que tu es la seule à le connaître ! Ce ne sera qu'un homme tout nu, ma grande, ne fais pas comme si tu n'en n'avais jamais vu !

Björn était à moitié évanoui et ne suivait pas la conversation. Astrid soupira :

- Si Lars l'apprend, il va me tuer.

- Nous ne dirons rien, promit le docteur P.

Astrid se résigna et soutint Björn jusqu'à la salle de bain. Elle entreprit de défaire les boutons de sa chemise engluée de sang. Le suédois parut reprendre conscience.

- Il faut vous nettoyer, Björn. Je vais vous aider.

- M'aider ? répéta-t-il.

- Oui, euh...si vous vous sentez de le faire seul, je m'en vais et...

Mais Björn tomba de nouveau dans les pommes avant qu'elle n'ait fini sa phrase. La jeune femme lui retira sa chemise, son pantalon, ses chaussures et ses chaussettes, mais pas son caleçon. Préservons notre dignité à tous les deux.

Avec une éponge douce, elle nettoya les traînées de sang sur son torse et sur ses jambes. Mais c'était surtout son visage qui avait souffert. Son arcade sourcilière était fendue et nécessitait des points de suture. La spécialité du docteur Tarelli.

Astrid avait presque terminé quand le suédois ouvrit les yeux et lui sourit. Un sourire tellement sincère et contagieux qu'elle le lui rendit spontanément.

- Vous êtes en sécurité, maintenant, le rassura-t-elle.

- Oui. J'ai beaucoup de chance.

Sans vraiment savoir pourquoi, cette phrase la fit rougir. Elle se reprit :

- Je vais vous apporter une chemise et un caleçon propre. Lars doit faire à peu près votre taille.

Le suédois hocha la tête et Astrid l'accompagna jusqu'à sa propre chambre.

- Vous avez des nouvelles de Lars ? demanda Björn.

- Aucune. Il a disparu, comme Salvatore, Mama et tous les autres.

Elle tapota l'oreiller, à moitié pour qu'il soit confortable, à moitié pour ne pas se mettre à pleurer. Björn s'allongea docilement.

- Nous les retrouverons, j'en suis sûr. Merci pour tout.

Avec la gentillesse qui le caractérisait, il l'embrassa sur la joue. Astrid cacha sa gêne derrière un autre sourire et le laissa dormir.

- Alors ? Mon dieu, tu es toute rouge, pouffa Madeleine.

- Ce n'est pas drôle. Simon Solovine est encore mêlé à tout ça. Lars n'a pas donné de nouvelles à Björn non plus, et cela veut bien dire qu'il lui est arrivé quelque chose.

- Je vais appeler Fiora ce soir, quand le docteur sera passé, assura Madeleine.

- Encore des points de suture ? soupira Tarelli une fois arrivé. Ne me dîtes pas que c'est encore Salvatore.

- Non, c'est un ami. Il est dans ma chambre.

- Un ami dans votre chambre ?

Astrid ignora le sous-entendu et le mena à Björn. Décidemment, tout le monde a décidé de me mettre mal à l'aise, aujourd'hui.

- Eh bien, vous vous êtes pris une sacrée raclée, commenta Tarelli en découvrant le suédois.

Il avait parlé italien, et Björn, ne comprenant pas, se contenta de sourire. Un homme qui sourit tout le temps, c'est rare. Surtout quand des hommes ont essayé de le tuer... Le pauvre, il est tellement amoché que même le portail ne l'a pas reconnu...


Merci. Surtout à toi. Et toi. Et toi aussi.

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