Chapitre 25.2

Astrid se leva et regarda le lac par la fenêtre. Elle avait trop peur de sortir. Alors, ils entrèrent.

Deux hommes, l'un africain et l'autre sud-américain. Le premier était athlétique, torse nu, avec de longues dreadlocks qui lui donnait un petit air de rasta. En moins pacifique, sans doute. Le second était effrayant avec un visage buriné et couturé, des cheveux noirs et gras attachés en queue-de-cheval, des yeux plissés et porcins. Son cou était couvert de tatouages. Le cliché du chef de gang sud-américain.

- Alors, c'est vrai, maintenant il y a une fille ici, sourit-il.

Il parlait un anglais très mauvais. Astrid recula prudemment.

- Approche, ma belle. Et sois gentille.

La jeune femme avisa le buste en marbre et y trouva sa seule option de défense. Elle donna un grand coup de pied dans la commode et Lénine bascula sur les jambes du sud-américain qui poussa un cri. L'africain se jeta sur Astrid mais fut arrêté en plein bond par un troisième individu. Immense, le crâne rasé, c'était une véritable montagne de muscles. Il avait le nez épaté et les yeux vaguement bridés, la peau mate. Il souleva l'africain et le lança littéralement hors de la pièce. Le sud-américain le suivit de près.

- Euh...merci.

Le géant la regarda, ramassa le buste de Lénine étonnamment intact et le reposa sur la commode, avant de partir. Astrid, le souffle court et le cœur battant, se laissa glisser le long du mur. Elle ne savait pas s'il fallait pleurer ou rire.

La nuit tombait peu à peu, et Astrid commença à avoir faim. Je ne peux rester enfermée ici. Je vais tenter une exploration des lieux pour trouver la cuisine, ramasser quelques provisions et remonter. Discrètement, comme un ninja. Elle pensa soudain aux Shiro. Non, finalement, pas comme un ninja.

Elle se glissa hors de la chambre et se dirigea vers le rez-de-chaussée. Personne ne l'arrêta. Elle finit par trouver la cuisine, une grande salle avec des tomettes et des casseroles en cuivre au mur. Il y avait du pain et une corbeille de fruits sur la table.

- Que faîtes-vous là ?

Astrid sursauta brutalement. Un grand type maigre et ridé venait d'allumer la lumière.

- Je...je voulais juste...

- Oh. Vous êtes Cavaleri, c'est ça ?

- Oui. Astrid.

- Vous voulez manger, Astrid ?

Elle hocha docilement la tête. Il haussa les épaules.

- Suffit de demander. Je m'appelle Mikhaïl. Je m'occupe de tout ici. Si tu as besoin de quelque chose, tu t'adresses à moi, d'accord ?

Il se dirigea vers le réfrigérateur et l'ouvrit.

- Des œufs et des saucisses. C'est tout ce qu'on a pour le moment.

- Juste les œufs, s'il vous plaît.

Elle n'était pas vraiment d'humeur à manger des saucisses.

- Tu ne devrais pas traîner seule quand il fait nuit. Les hommes sont dangereux pour toi. Certains n'ont pas vu de filles depuis des années.

- Il y en a deux qui...sont venus dans ma chambre.

Mikhaïl se retourna et la fixa.

- Ça va ?

- Oui. Il y en a un troisième qui m'a aidée. Vous connaissez ces hommes ?

- Comment étaient-ils ?

Astrid entreprit de les décrire en attaquant un morceau de pain. Mikhaïl paraissait agréablement calme et équilibré. Il semblait avoir des années d'expérience en matière de criminels tout juste évadés de prison.

- L'africain, c'est Abu El Kabar. Un somalien, et un pirate. Il a pillé des bateaux dans la mer Rouge, le golfe d'Aden, et la mer d'Arabie. La légende dit qu'il gardait pour lui toutes les filles qu'il trouvait. Alors fais attention. L'autre, c'est Gonzalo Erizo. Il était le chef d'un des cartels les plus influents d'Amérique du Sud, de la Colombie à l'Uruguay en passant par l'Équateur et la Bolivie. À l'époque, on appelait la région « La ceinture de feu ». Parce qu'il brûlait tout, y compris ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.

Astrid déglutit difficilement son bout de pain.

- Le géant, c'est Le Métis. On l'appelle comme ça parce qu'il ne parle jamais. On ne connait donc ni son nom, ni son origine, ni pourquoi il était à la P.I.H.S. Il y a aussi le tueur à gage islandais, qui a tué des types de cent vingt nationalités différentes, et Élie, un ancien du Mossad. Les autres, ce sont des hommes d'El Kabar ou d'Erizo.

- Et vous ? demanda poliment Astrid.

- Je n'étais pas en prison ! Simon Solovine m'a employé pour...garder ces types. J'ai travaillé au KBG, et maintenant, je suis freelance.

- Vous savez quelque chose sur Simon Solovine ?

- Même si c'était le cas, je ne pourrais rien te dire. Un conseil : ne pose pas de questions. Tu ne sais pas ce dont ces gars sont capables.

- Je suis la filleule d'Antonio Cavaleri. Je connais un peu le...milieu.

- Antonio Cavaleri était un diplomate. Il usait de la violence quand c'était nécessaire. Eux, ils en usent parce qu'ils aiment ça. Ils aiment faire mal, tu comprends ?

Bien qu'il lui parlait comme à une enfant de six ans, Mikhaïl semblait vraiment vouloir l'aider. Astrid le remercia chaudement et prit une bouchée d'œufs brouillés.

- Simon Solovine a dit que tu étais très précieuse, fit Mikhaïl.

- Pourtant, il m'a abandonné au milieu de toutes ces brutes.

- Il veut sûrement voir comment vous allez réagir.

- Eh bien, je vais aller me rouler en boule sous mon lit et pleurer.

Elle n'était même pas sûre de plaisanter. Mikhaïl sourit.

- Vous êtes intelligente. Vous êtes mignonne. Vous trouverez peut-être un moyen de les amadouer.

Astrid finit ses œufs et leva vers son nouvel ami des yeux suppliants.

- Est-ce que je peux téléphoner ?

Il secoua négativement la tête.

- Je ne peux pas m'échapper d'ici non plus ?

- Essayez, et une alarme se déclenchera.

- Je ne pourrais jamais repartir ?

- Seulement quand Simon Solovine le décidera.

Voilà une perspective d'avenir plus que déprimante. Astrid remercia encore Mikhaïl et quitta la cuisine. Dans le couloir qui menait à sa chambre, elle trouva Le Métis debout, immobile, devant la plus grande fenêtre. Il regardait le ciel étoilé comme s'il tentait de résoudre une énigme. Astrid s'approcha doucement. Il ne cilla pas.

- C'est vrai que tu ne parles jamais ? demanda-t-elle.

Il ne répondit pas. Lui ferait un bon garde du corps. Très discret.

- Tu as un prénom, au moins ?

Il continua à regarder le ciel.

- Tu aimes l'astronomie ? Voyons si je me souviens de toutes les planètes : Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Neptune. C'est ça. Non. Il m'en manque une.

Astrid chercha la huitième planète et finit par la retrouver :

- Uranus !

Le géant sembla réagir. Il se tourna lentement vers Astrid.

- Je pourrais t'appeler comme ça...Urano.

Il pencha la tête sur le côté comme si l'énigme qu'il cherchait à résoudre était maintenant Astrid. Ce nom parût néanmoins lui plaire.

- Bonsoir, Urano. Moi, c'est Astrid.

Elle lui tendit la main, mais il ne la prit pas. D'un geste, il indiqua la porte de sa chambre à Astrid et se retourna vers la fenêtre.

- D'accord. Je te dérange. Bonne nuit.

La jeune femme s'endormit, pleine d'optimisme. Elle était bien décidée à se faire des alliés de tout le monde. Y compris d'Abu El Kabar et de Gonzalo Erizo. Mikhaïl a dit que j'étais intelligente. Et Urano est juste devant ma porte. J'ai tous les atouts en main.

Le lendemain matin, elle fut réveillée par Mikhaïl en personne.

- Prépare-toi et descends. Je vais faire la liste des courses.

Astrid ne voyait pas bien pourquoi cela nécessitait qu'elle se lève, mais elle obéit. Elle enfila un jean et un pull marron discret, et s'attacha les cheveux. Elle devait garder profil bas. Elle remarqua alors une tâche rouge sur son pantalon de pyjama, et grimaça. Mince. Pourquoi maintenant ? Et je n'ai pas de protection hygiénique.

Tous les criminels étaient réunis dans la grande salle, dominée par un lustre monumental, une sorte d'amas énorme de cristaux de verre. Les hommes la regardèrent entrer, avec un petit sourire aux lèvres. Elle resta dans un coin de la pièce et fit mine de regarder le lustre. Mikhaïl entra. Il tenait un calepin et un crayon.

- Liste de courses ! annonça-t-il.

Immédiatement, les hommes se mirent à parler en même temps, réclamant pêle-mêle du dentifrice, des gâteaux au chocolat, du shampooing, des magazines ou des lacets de chaussures. Astrid comprit que c'était le moment de demander ce dont elle avait besoin, mais il était hors de question qu'elle le fasse devant ces brutes. Mais Mikhaïl, une fois avoir tout soigneusement noté, s'éloigna.

- Mikhaïl ! l'appela Astrid.

- Quoi donc, Cavaleri ? Tu as besoin de quelque chose ?

- Oui, euh...

Elle jeta un regard par-dessus son épaule et remarqua que tous la regardait. Elle souffla le plus discrètement possible :

- Il me faut des tampons.

- Des quoi ? demanda Mikhaïl en fronçant les sourcils.

- Des tampons, répéta-t-elle un peu plus fort.

Cette fois, Mikhaïl entendit. Ainsi que tous les hommes, qui se mirent à crier ou à siffler. Astrid rougit de honte. Et voilà. C'est arrivé.

- Écartez-vous, les gars, la demoiselle a ses règles ! Elle risque de s'énerver ! aboya Gonzalo, provoquant une vague de rire.

Astrid lança un regard de reproche à Mikhaïl, qui eut au moins la décence d'afficher un air contrit. Elle regagna sa chambre, où elle fondit en larmes.

Encore de nouveaux personnages. Non, ne me frappez pas ! Ils seront tous très importants à un moment donné, promis !

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