Chapitre 25.1

Chapitre 25

Astrid se glissa entre les bras de Lars et appuya sa tête contre son torse. La nuit projetait des ombres étranges dans la chambre. La jeune femme songea qu'elle devait profiter de ce moment calme pour amener son amant à se confier.

- Je peux te poser une question ?

- Vas-y.

- J'aimerais que tu me parles de la P.I.H.S.

Elle guetta sa réaction dans ses yeux bleus un peu trop clairs.

- C'est un endroit où tu te perds toi-même, où tu dois te méfier de tout le monde. C'est ce qui rend le plus fou, la méfiance. Tu n'as pas d'amis, tu es seul. Rien n'est sûr, rien n'est à toi. Ça laisse des traces. Voilà pourquoi je suis méfiant et que j'ai besoin de savoir que ce qui est à moi est à moi.

- Je suis à toi.

- Oui. Heureusement.

- As-tu été blessé là-bas ?

- Quelques plaies et bosses. Il faut bien défendre son territoire, c'est-à-dire ton lit, et encore.

La prison a laissé à Lars des pulsions ; je sais que parfois, il lui suffirait d'une étincelle pour devenir violent, y compris avec moi. Comment Madeleine a-t-elle fait pour survivre, même seulement deux mois ?

Elle retrouva cette dernière dans un petit bar près de la mer, comme prévu. Elle portait une robe violet foncé à manches courtes, malgré le temps un peu frais.

- Vous avez du jus de papaye bio ? demanda-t-elle au serveur qui secoua la tête. Dommage. Un café, dans ce cas, sans sucre.

- Un jus d'orange pour moi.

Le monde d'Astrid avait un peu changé, ces derniers temps. Ernesto et Kate s'étaient achetés une magnifique maison à Torre Del Greco, une commune voisine de Naples qui se trouvait entre la Méditerranée et le Vésuve. Les mariés s'y étaient installés avec Juan, que Kate considérait comme son fils. La Villa avait donc perdu un deuxième habitant, même si cette fois-ci, ce dernier était heureux et non pas mort.

Le docteur P s'était retrouvé seul à la Pension. Alors Astrid lui avait trouvé une petite maison à San Gennaro, avec un sous-sol pour qu'il y installe son laboratoire. Elle allait le voir très souvent.

- Où habitez-vous, Madeleine, en ce moment ? demanda Astrid.

- Tu crois vraiment que je vais te le dire ?

- Pourquoi prenez-vous un verre avec moi si c'est pour ne rien raconter ?

- Tu me sers de bouclier contre cet horrible commissaire à tête d'oiseau. S'il pense que nous sommes amies, il me fichera la paix.

- Nous sommes amies.

- Dans tes rêves, ma grande.

Mais Madeleine eut un sourire qu'elle s'efforça de dissimuler en sirotant son café.

Astrid décida de passer par son magasin préféré pour s'acheter quelques vêtements et de rentrer à pieds. Une voiture noire la suivit.

Elle n'y prit d'abord pas garde, mais quand elle prit le chemin très peu fréquenté qui menait à San Gennaro, et que la voiture resta derrière elle, la jeune femme eut un doute. Astrid se retourna et soudain, un homme sortit et lui recouvrit la tête d'un sac opaque. Oh non, par pitié, pas encore ! Elle entendit quelqu'un parler en russe, puis on la traîna dans la voiture.

Astrid se promit de faire construire des lotissements à San Gennaro, et de les remplir de familles nombreuses, afin qu'il y ait toujours quelqu'un pour empêcher qu'on l'enlève comme ça, avec une facilité déconcertante, sans aucun témoin. Oh, et puis de se payer un garde du corps.

Étrangement, une fois à l'aéroport, les hommes se montrèrent très polis. Aucun ne parlait l'italien ni même l'anglais. Ils prirent un vol en première classe, en destination de Saint-Pétersbourg. On proposa à Astrid du champagne et du caviar mais elle n'aimait ni l'un ni l'autre. Elle demanda si elle pouvait téléphoner mais personne ne lui répondit.

C'est peut-être l'occasion d'enfin rencontrer Simon Solovine et de régler nos comptes une bonne fois pour toute. L'occasion de savoir ce qu'il veut et d'être enfin tranquille.

Astrid tenta de se détendre. Elle essaya d'imaginer le visage de son mystérieux ennemi.

Les kilomètres défilaient et une fois arrivés en Russie, ils prirent une seconde voiture en direction du lac Ladoga. Astrid avait un peu mal au ventre. Le trac ?

Ce qui se dressait devant elle était un vrai palais, long et étroit, d'un bleu pur comme l'était le lac en ce mois de mars, avec de hautes fenêtres blanches.

- C'est magnifique, souffla-t-elle.

Elle avait déjà vu des photos du palais Catherine, à Saint-Pétersbourg, et elle se demanda si l'architecte ne s'en était pas inspiré. Avec un peu moins de dorures, néanmoins.

On la conduisit dans un bureau strict et tout en bois d'acajou. Astrid remarqua le portrait en noir et blanc d'un homme plutôt quelconque, avec d'épais favoris.

- Mon grand-père.

Astrid se retourna et découvrit celui qui avait parlé. Grand et joufflu, les yeux bruns aux paupières lourdes et le crâne dégarni, il portait un costume beige.

- Je vous en prie, mademoiselle Cavaleri. Asseyez-vous.

Astrid était presque déçue. C'est lui ? Il est tellement...ordinaire.

- Je suis Simon Solovine.

- Oui. Je m'en doutais. Où sommes-nous ?

- Dans ma résidence secondaire. J'ai pensé que vous ne souhaiteriez pas vous y rendre sans que j'insiste un peu, pardonnez-moi.

- Vous n'étiez pas obligé de m'enlever pour autant. Et détrompez-vous, je serais venue de mon plein gré.

- Je veux bien l'admettre. Mais vous avez des protecteurs très convaincants qui auraient su vous en dissuader.

Il parlait un anglais très élégant, à peine tenté d'accent.

- J'ai des invités très spéciaux en ce moment, vous allez vous en apercevoir. Ils étaient tous à la P.I.H.S mais je les ai faits libérer.

- Vous avez... ?

Simon Solovine leva une main.

- Je vous accorde trois questions, ma chère. Pas plus. Faîtes attention.

Se prend-il pour le génie de la lampe ? Astrid fronça les sourcils et réfléchit.

- Vous disiez que vous aviez fait libérer des hommes de la P.I.H.S.

- Oui. En partie grâce à l'aide de l'équipe que vous m'avez fournie.

- Pourquoi avoir tué Lee Kim-Sung et Fajar Sakwan ?

- C'était des criminels, des personnes néfastes. Pour information, j'ai aussi fait tuer Jan Lobosky et Farid Hazdrah. J'ai cru comprendre qu'ils s'étaient très mal comportés avec des membres de votre famille.

Astrid prit une grande inspiration. Il ne lui restait qu'une question à poser, alors qu'elle avait besoin de centaines de réponses.

- Pourquoi moi ? Je veux dire...

- J'ai compris. Laissez-moi vous expliquer avec une métaphore. Imaginez que vous ne pouvez pas supporter les araignées. C'est peut-être vraiment le cas. Un jour, vous soulevez un rocher et vous trouvez une multitude de petites araignées noires et répugnantes. Et vous vous apercevez qu'elles convergent toutes vers une araignée rouge. Vous écrasez toutes les noires, soigneusement, une par une, si c'est nécessaire. Mais vous ne touchez pas à la rouge, même si elle vous révulse, parce qu'on vous a dit que les araignées rouges étaient... sacrées.

- Je suis l'araignée rouge ? murmura Astrid. Mais...

- Les questions sont terminées, mademoiselle Cavaleri.

Simon Solovine se leva et jeta un bref coup d'œil à la photo de son grand-père.

- Vous allez rester ici, avec mes invités. Nous allons voir comment vous allez vous débrouiller avec eux, car ils ne sont pas comme les mafieux apprivoisés que vous avez chez vous. Ils sont plus...sauvages. Pour ma part, je vais en Sibérie. À bientôt, mademoiselle Cavaleri.

- Attendez ! s'écria Astrid.

Mais il partait déjà, laissant à la jeune femme un goût de trop peu. Et que veut-il dire par "sauvages" ? Ces hommes vont-ils essayer de me tuer ou...?

Elle gagna la chambre qu'on lui avait attribuée, une petite pièce beige avec un lit simple dans un coin. Seule décoration : un gros buste de Lénine, en marbre, posé sur la commode. À l'intérieur, il y avait quelques vêtements, plus ou moins à sa taille. Évidemment, il n'y avait pas de téléphone.

Elle se laissa tomber sur le lit avec un petit soupir. Quelque chose lui disait qu'elle allait rêver d'araignées. Si jamais elle arrivait à s'endormir...

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