Chapitre 23.1

Chapitre 23

Astrid chercha des informations sur Simon Solovine sur Internet. Et elle ne trouva rien. Son ordinateur refusait d'ouvrir les pages web qui lui correspondaient. Elle était convaincue que le russe avait demandé à Kim-Sung de le pirater, avant de le tuer, lui et Fajar Sakwan.

Pourquoi les a-t-il tués, et pas Daniel et Claudiu ? Pourquoi dit-il que nous nous reverrons ?

- J'ai réservé une table « Chez Luigi », pour ce soir. Il nous fera son menu du réveillon, annonça Salvatore.

C'était Noël, mais Astrid avait encore un peu de mal à se concentrer là-dessus. Elle avait acheté ses cadeaux au dernier moment, et n'avait pas préparé de tenue chic.

- Redescends sur terre, chérie, lui souffla Lars. À quoi penses-tu ?

- Au père Noël, répliqua-t-elle en souriant.

Elle l'embrassa et alla jouer aux cartes avec Juan et le docteur P. Ces derniers ainsi que Kate allaient manger avec eux au restaurant ce soir. Ahmet, Leïla et Queen étaient restés dans leurs universités, à Rome et à Bologne, où ils vivaient désormais, pour passer les fêtes avec leurs camarades.

- La Pension est bien triste sans eux, avait soupiré Kate. Heureusement qu'il reste Juanito.

Elle avait couvé le petit garçon d'un regard maternel, et Astrid s'était souvenue que son fils de sang était une grosse brute indigne.

Oskar, quant à lui, avait aussi quitté la Pension pour aller vivre avec son frère à Bruges, où ils avaient ouvert un garage.

En début de soirée, Astrid reçut un appel du commissaire Caramanti.

- Je tenais simplement à vous dire qu'il y a eu une autre évasion, massive cette fois, à la P.I.H.S. Faîtes attention à vous... Passez de bonnes fêtes.

Je refuse de faire un lien avec Solovine et tous les autres problèmes qui me tombent dessus en ce moment. C'est Noël ! Je ne dois pas penser à tout ce micmac ce soir.

Venue l'heure de dîner, le petit groupe rejoignit le restaurant, illuminé de guirlandes. Dans le sud de l'Italie, la tradition voulait qu'on mange maigre, et notamment du poisson, mais pour satisfaire tout le monde, Luigi avait opté pour un menu du nord de l'Italie. Antipasti et charcuterie, lasagnes et tortellinis à la viande, rôti de veau, et une petite touche napolitaine pour le dessert : des struffoli, des petites boules de pâtes frites recouvertes de miel et décorées de fruits confits. Il serait temps pour moi de me remettre au sport, songea Astrid en contemplant les plats qui arrivaient sans discontinuer.

Tous attaquaient les lasagnes quand la porte s'ouvrit pour livre passage à Madeleine Clarence, portant un épais manteau rouge sang et des bottes à talons.

- Bonjour à tous. Vous ne me connaissez pas ? Bah, Astrid va vous expliquer.

Elle tira une chaise et s'installa entre Ernesto et Kate, imperturbable. En rencontrant le regard atterré d'Astrid, elle eut un sourire éblouissant.

- Passer Noël seule, c'est tellement triste. J'ai dit que tu avais une dette envers moi, et tu commences à la rembourser ce soir, en m'invitant à un délicieux repas de réveillon.

Sans aucune gêne, elle se servit une part de lasagnes.

- Alors, bienvenue à notre table, fit Salvatore avec un sourire un peu forcé. Nous savons que vous avez sauvé la vie d'Astrid, et nous vous en sommes très reconnaissants.

- Quelle douce musique à mes oreilles ! Au fait, comment va la tienne ?

Astrid porta par réflexe la main à son lobe. Elle eut une petite grimace.

- Je ne pouvais quand même pas vous permettre de me renvoyer en prison.

À côté d'Astrid, Lars se crispa.

- La cantine était tellement répugnante, à la P.I.H.S. Une fois, j'ai trouvé un cafard dans ma purée. Il y aussi la fois où le cuisiner m'a proposé un gâteau en échange d'une...

- Madeleine, ne parlons pas de ça, sourit Astrid en posant une main apaisante sur le bras de Lars. C'est Noël.

- Tu as raison. Bon appétit !

Malgré cette intrusion, le repas se déroula dans la bonne humeur. Et puis la porte claqua de nouveau. Cette fois, ils n'étaient pas trois, comme au musée de Florence, mais une dizaine. Et ils commencèrent à tirer presque aussitôt.

Salvatore poussa violemment Astrid et l'envoya heurter le pied d'une table. Chacun plongea pour éviter la pluie de balles qui arrosait la pièce. Des cris affolés retentirent, mais Astrid ne perçut qu'un long sifflement dans son crâne. Elle essaya de se redresser mais quelqu'un la maintint solidement à terre. Une épouvantable confusion régnait à présent dans le restaurant. À nouveau, elle voulut se relever. Cette fois, quelqu'un l'y aida d'une main ferme, et avant qu'elle puisse réagir, Madeleine l'entraîna à toute vitesse hors des lieux.

Malgré le sifflement, elle entendit qu'on l'appelait. Elle aperçut Juan, en larmes, qui lui tendait les bras. Sans réfléchir, elle pivota pour l'attraper et le soulever. Madeleine continuait à courir et Astrid eut un mal fou à maintenir le rythme en portant le petit garçon. Mais elle réussit néanmoins, et bientôt, elle se retrouva assise à l'arrière d'une voiture.

Madeleine démarra et le restaurant disparut derrière eux.

- Les autres...murmura Astrid. Il faut aller les chercher...

- Ils devront se débrouiller pour l'instant. Fichons le camp d'ici.

Elle s'arrêta devant un des hôtels les plus chics de Naples, et demanda au réceptionniste deux chambres, qu'elle paya avec sa carte de crédit.

- Mets de la glace sur ton front, ordonna-t-elle à Astrid. Tu as une tête épouvantable. Au fait, qui est ce gamin ?

- Je m'appelle Juan, répondit le petit garçon. Et vous, vous êtes qui ?

- Je suis celle qui sauve constamment la vie d'Astrid.

- Les autres...bredouilla cette dernière. Je vais les appeler.

Bien que son crâne semblât peser une tonne, elle prit son téléphone et appela successivement Lars, Salvatore, Mama et Kate. Aucun ne répondit.

- Je vais aller faire un tour en ville, pour voir si je trouve l'un d'entre eux, déclara Madeleine. Je passerai à la Villa pour récupérer quelques affaires pour toi. Donne-moi les clés.

Astrid les lui tendit sans réfléchir. Après tout, il semblait qu'elle pouvait avoir confiance en Madeleine, qui lança avant de partir :

- Vous deux, vous restez bien tranquillement ici, d'accord ?

- Comment elle s'appelle, en vrai ? demanda Juan.

- Madeleine, répondit Astrid. Elle est bizarre, mais je crois qu'elle va nous aider.

- Tu crois qu'il est arrivé quelque chose à Kate ? Et au docteur ?

Astrid attira le petit garçon contre elle.

- Nous allons les retrouver. Nous sommes une famille, et les familles se retrouvent toujours.

C'était complétement faux, mais ce fut tout ce qu'elle trouvât pour le rassurer. Elle alluma la télévision. Au bout d'un moment, Juan dit :

- Tu sais, il faudrait appeler Leïla. Elle est très forte pour retrouver les gens.

- Ah, vraiment ?

- Oui. Elle m'a dit que si on sait se cacher des gens, on sait aussi les trouver.

A-t-elle cherché à se cacher du prétendant que voulait lui faire épouser son père ? Ou de son père lui-même ?

- Tu vas l'appeler ? insista Juan.

Visiblement, il avait surtout besoin de voir quelqu'un de familier. Elle lui tendit son téléphone.

- Vas-y, toi. Moi, je suis fatiguée.

- D'accord.

En effet, elle sombra rapidement dans un lourd sommeil. Quand elle se réveilla, il était près de cinq heures du matin. Le sang lui battait contre les tempes, et il y avait deux femmes dans la chambre. La première était Madeleine et la seconde, Leïla. Juan s'était lui aussi endormi.

- Tu les as retrouvés ? demanda Astrid sans savoir à laquelle des deux femmes elle s'adressait.

- Moi, je n'ai rien trouvé. J'ai juste pris quelques affaires pour toi, répondit Madeleine.

- Merci. Bonjour, Leïla. Merci d'être venue, en pleine nuit de Noël, en plus.

La jeune femme portait un foulard autour de sa tête qui cachait son profil dévasté. Elle avait un jean et de grosses bottes. Elle est venue de Rome !

- À mon tour de chercher, murmura-t-elle.

Et elle sortit de la chambre dans un silence parfait. Madeleine haussa un sourcil :

- Cette fille est assez effrayante. On dirait un fantôme.

- Vous aussi, vous êtes effrayante, à votre manière. Merci pour les affaires.

- Qui étaient ces hommes, Astrid ?

- Je ne sais pas, mentit la jeune femme.

D'une manière ou d'une autre, ils sont liés à Simon Solovine. Elle se leva et alla s'enfermer dans la salle de bain. Comme l'avait dit Madeleine, elle avait une tête épouvantable. Un gros bleu commençait à apparaître sur son front. Elle prit une longue douche et alla regarder la télévision avec Juan. Les informations du matin parlaient vaguement d'une attaque à l'arme à feu dans un restaurant près de Naples. Apparemment, aucun cadavre n'avait été retrouvé et Astrid faillit s'évanouir de soulagement. À huit heures du matin, son téléphone sonna.

- J'ai retrouvé Lars Wolfgang et le docteur P, annonça Leïla de sa voix basse et soyeuse. Ils sont à l'hôpital Monaldi.

- Oh, merci beaucoup, Leïla ! Merci !

- Aucune trace des autres. Je suis désolée.

- Certains ont dû être enlevés par ces mystérieux assaillants, décréta Madeleine quand Astrid raccrocha. Alors, qu'a trouvé ton obscure amie ?

- Lars et Claudiu sont à l'hôpital Monaldi. Il faut y aller tout de suite !

Le premier avait reçu deux balles dans le bras et le second une dans la jambe. Mais ils étaient en vie, et c'était le principal. Astrid en pleurait de joie. Lars essuya ses larmes et confirma l'hypothèse de Madeleine :

- Salvatore et Georgios ont été emmenés, je les ai vus.

- Et Kate, ajouta le docteur P. Quelqu'un d'autre aussi, avec elle, mais je n'ai pas réussi à le voir. Mes lunettes étaient cassées.

La panique envahit Astrid. Salvatore, Georgios, Kate, et un quatrième.

- Bon, qui reste-t-il à trouver, dans ce cas ? s'enquit Madeleine.

- Ernesto, Mama ou Xiu. Mais l'un d'entre eux est avec Kate. Claudiu, vous n'avez vraiment rien vu de cette quatrième personne ?

- Mmmh...je crois, en me repassant la scène, que c'était un homme.

- Alors, c'est Ernesto. Cela signifie que Mama et Xiu se trouvent quelque part dans les environs.

- Mais où ? soupira Madeleine.

Astrid chercha un endroit où les deux femmes auraient pu se réfugier...où elles se sentiraient à l'abri, dans un endroit un peu caché...et elle trouva.

Devant le « Lotus Rouge », Astrid trouva Tao en train de fumer. Il portait un filet sur la tête, et du rouge à lèvre carmin. Il lui fit un grand sourire en la voyant. Madeleine parut amusée par son allure, Lars eut une moue un peu dégoûtée.

- Tao, est-ce que Xiu est là ?

- Oui. Avec son amie américaine. Apparemment, vous avez été attaqués le soir de Noël. Quelle horreur ! Vous n'avez pas une vie simple.

Il poussa un long soupir et ajouta :

- Je vais les chercher. Elles vont être ravies de te voir. Elles étaient mortes d'inquiétude.

Xiu et Mama étaient saines et sauves. Elles confirmèrent que Salvatore, Georgios, Kate et Ernesto avaient été emmenés. Le téléphone portable de Mama avait été détruit pendant l'attaque, ce qui expliquait pourquoi elle n'avait pas répondu à Astrid.

La jeune femme se sentait rassurée, mais aussi rongée par l'angoisse.

Mon dieu, Tao a tellement raison. Notre vie n'est pas simple.


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