Chapitre 17.2

Le lendemain, Astrid raccompagna Gita et Deepali à l'entrepôt. Elle insista pour y aller seule, mais Georgios refusa. Ernesto y alla donc avec elle. Kumar Sanjay Singh apparut, son bandeau sur l'œil comme un petit pirate, et l'air plus méfiant que jamais.

- On nous a dénoncés, annonça-t-il. J'ai vu des policiers rôder dehors.

- Nous n'y sommes pour rien ! protesta Ernesto. Nous...

Il ne put finir sa phrase : trois policiers moustachus, armés de matraques, venaient de pénétrer dans l'entrepôt et se jetèrent sur les enfants qui s'éparpillèrent comme une volée d'oiseaux. Astrid vit un policier lever son arme : le garçon visé réussit à l'esquiver in extremis. La jeune femme voulut se propulser vers l'avant pour l'aider, mais Ernesto la ceintura pour la plaquer contre lui. Elle se débattit :

- On doit les aider !

- Tu vas te prendre un coup de matraque, Astrid !

En voyant qu'un policier s'en prenait à Gita, la jeune femme rua, frappa à l'aveugle et finalement, Ernesto la lâcha. Au moment où la matraque s'abattait sur le crâne de Gita, elle s'interposa et reçut le bâton en plein nez. Astrid tomba à genoux, du sang coulant de ses narines. Ernesto se précipita vers elle. Le policier qui semblait être le chef annonça en anglais :

- Vous êtes en état d'arrestation ! 

                                                                                               *** 

La cellule était encore plus sale que la cuisine de Tino et Tina. Astrid s'y trouvait avec une demi-douzaine d'indiennes, qui semblaient toutes très pauvres. La plupart avait les pieds nus et durs. Ça sent le pipi !

Ernesto se trouvait dans la cellule voisine, réservée aux hommes. Elle ne pouvait pas le voir, mais elle l'entendait.

- Comment va ton nez, princesse ?

Astrid adorait l'entendre parler, parce qu'il parlait espagnol, et que c'était la langue d'Alvaro et d'Esperanza. Elle se sentait toujours un peu mieux.

- Je ne le vois pas, mais à mon avis, il doit ressembler à une tomate.

- Alors tu seras la princesse-tomate.

- Super. Quand est-ce que Georgios arrive ?

- Je suis là, fit la voix rassurante de son grand-père, qui venait d'entrer.

Astrid se précipita contre les barreaux qui les séparaient.

- Comment vont Kumar et les enfants ?

- Ils vont bien. Ils ont presque tous réussis à s'enfuir, et j'ai versé un pot-de-vin aux policiers pour que les autres soient libérés. J'en ai aussi versé un pour vous deux. Ernesto, vous allez sortir maintenant. Astrid, mon petit...tu vas devoir attendre demain matin.

- Pourquoi ?

- Ils t'en veulent de t'être interposée, je crois. Nous viendrons te chercher le plus tôt possible.

- Ce n'est pas juste, soupira Astrid en se laissant tomber sur son banc.

- Tu as besoin de quelque chose ?

- Oui ! Est-ce que tu pourrais appeler Salvatore pour moi ? Il ne m'a pas répondu la dernière fois et je m'inquiète un peu.

- Bien sûr.

Astrid passa une des pires nuits de sa vie. Il faisait chaud, certaines femmes pleuraient ou ronflaient. Elle était constamment attaquée par une mouche ou un moustique. Son nez lui faisait encore mal. Les murs étaient poisseux et répugnants, elle ne pouvait même pas s'y adosser. Il est loin, le Royal Mahārāshtra !

Quand Georgios apparut, vers six heures du matin, elle lui trouva une allure de Dieu descendu sur Terre.

- Les enfants sont tous libres, mais Kumar a refusé toutes les aides supplémentaires que je lui ai proposées. Et j'ai une mauvaise nouvelle, mon petit.

Quoi encore ?

- Si Salvatore et Daniel ne te répondaient pas, c'est parce qu'ils ont été enlevés. Leur ravisseur a laissé un message en disant qu'il voulait te rencontrer.

Il ne manquait plus que ça.

                                                                                                 ***

Astrid attendait le ravisseur de ses deux hommes dans un petit café qui donnait sur la baie de Naples. Plus que jamais, elle avait les nerfs à vif. Je ne peux plus être tranquille cinq minutes.

Une voiture noire s'arrêta et une élégante femme en sortit. Elle avait les cheveux noirs, le visage rond, les yeux gris-vert, et un âge indéfinissable. Elle portait un tailleur-pantalon noir.

Encore elle. Gloria. Elle était censée être à Turin.

- Où sont-ils ? attaqua Astrid sans même la saluer.

Gloria Solaro s'assit délicatement, posa son sac à main en cuir sur la table et croisa les jambes. Elle dévisagea Astrid avec un petit sourire.

- Tu es jolie. Tu as le nez de ton père. Ça, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose, en revanche. Enfin, tu n'as rien d'extraordinaire. Je ne comprends pas ce qui attire tant les hommes chez toi.

- Je vous interdis de critiquer le nez de mon père. Vous ne le connaissiez pas.

- Oh, si, très bien même. Je l'ai connu quand lui, Salvatore et Antonio étaient inséparables. Tu lui ressembles même dans ton comportement un peu hargneux.

- Je ne suis pas hargneuse ! Je veux savoir ce que vous avez fait de Daniel et Salvatore !

- Ils vont bien, détends-toi, ma grande. Tu étais déjà une petite enquiquineuse à un an. Mais ce cher Salvatore n'avait que ton prénom à la bouche. Il me racontait tous tes exploits de bébé insignifiant, et se hâtait de me faire l'amour, sans même se déshabiller, pour rentrer changer ta couche.

Astrid n'était pas certaine de vouloir entendre d'autres anecdotes de ce genre, mais elle laissa Gloria continuer.

- Oh, je comprends qu'un idiot pareil ait pu te trouver mignonne, avec tes risettes et la manière que tu avais de t'accrocher à lui comme un petit koala gluant. Moi, j'ai toujours détesté les enfants.

- Où sont-ils ? répéta Astrid. Qu'est-ce que vous voulez ?

Gloria héla un serveur et commanda un affogato.

- Ce garçon, Daniel, il a beaucoup de charme. Je dois retenir mes filles pour ne pas qu'elles ne se jettent sur lui. Salvatore, lui, n'est malheureusement plus ce qu'il était.

- Vos filles ?

- Je suis la chef d'un petit groupe de tueuses à gages, cent pourcents féministes. Nous ne tuons que des hommes.

- À Turin ?

- Où ailleurs. Il y a des machos partout.

Elle prit une cuillère de glace à la vanille. Astrid agrippa le bord de la table pour se contenir.

- Dîtes-moi où ils sont.

- Dans un endroit où personne ne pourra les trouver avant que tu ne me rapportes ce que je veux.

- Arrêtez de parler par énigmes stupides. Allez droit au but !

Gloria se pencha par-dessus la table, si près d'Astrid que cette dernière put voir son propre reflet dans ses pupilles.

- Je sais ce que tu penses : « tout le monde s'acharne sur moi en ce moment ». Mais ce n'est que le début, pour toi, ma grande. Le début des épreuves. Car tu es le centre névralgique de toute une communauté, une communauté que certains veulent détruire.

- Vous êtes complétement folle, articula d'Astrid.

- Au fait, mes condoléances pour Antonio et ton ami Mattia.

- Les miennes pour Andrea et Carlo.

- Je ne connaissais pas Andrea. Quant à Carlo...il était une erreur de parcours.

Gloria se leva et remit son sac à main sur son épaule.

- Attendez ! Où allez-vous ? Qu'est-ce que vous voulez, à la fin ?

- Je veux...un zèbre.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top