Chapitre 7 : Le plan machiavélique

Marge poussa la porte du bar avec l'enthousiasme triomphant de celle qui croyait à la réussite imminente de son plan : amener Marc à revenir vers elle. Elle aperçut Arnaud à une table au fond, espérant qu'il ressemblerait au moins un peu à ses photos de profil. Après tout, ses anciennes collègues avaient souvent partagé leur désarroi face à la réalité, bien différente des clichés filtrés.

Arnaud leva les yeux de son téléphone et lui adressa un sourire poli.

— Marie, c'est ça ? Enchanté, dit-il en lui tendant une main molle pour la saluer.Bien sûr, Marge n'avait pas donné son vrai prénom, de peur de faire fuir les prétendants potentiels. « Marie » lui semblait le prénom le plus banal possible.

Un instant de déception passa sur le visage de Marge en constatant qu'Arnaud était bien moins séduisant en personne. Ses couvre-chefs, manifestement choisis avec soin pour les photos, cachaient une calvitie naissante. Mais elle se ressaisit rapidement : elle n'était pas là pour trouver l'amour, mais pour mettre en œuvre son plan machiavélique.

Ils s'installèrent à la table et commencèrent à discuter, mais Marge peinait à s'enthousiasmer pour la conversation. Arnaud parlait surtout de lui-même et de ses exploits dans le monde de la finance, un sujet qui l'ennuyait profondément. Elle essayait de se rappeler leur échange virtuel, mais les détails lui échappaient. Avec tous ces enseignants, informaticiens et autres commerciaux avec qui elle avait parlé, elle finissait par mélanger les conversations.

Entre deux anecdotes ennuyeuses sur ses vacances à Saint-Tropez et ses rencontres avec des célébrités mineures, Marge tentait désespérément de trouver un sujet de conversation intéressant. Mais Arnaud semblait bien plus captivé par son propre reflet dans la fenêtre du bar que par leur interaction. Ce qui en soi n'était pas un problème pour elle. Elle n'avait besoin que de quelques rendez-vous pour justifier des photos d'amoureux sur ses réseaux sociaux.

Quand Arnaud lui confia qu'il était célibataire et sans enfant, Marge ne réprima même pas un soupir de soulagement, si elle se fichait bien qu'il soit casé ou non. Arnaud était juste un outil. Elle fit moult sourires pour se rendre agréable et ponctua la conversation d'ébahissements poussifs devant ses histoires. Marge n'était vraiment pas faite pour la drague. Elle avait toujours préféré la phase ou elle découvrait le sublime émanant naturellement de son petit-copain. Il n'y avait rien de sublime qui émanait de Arnaud et son deuxième Ricard.Elle, de son côté, sirotait une bière, et la deuxième l'aida à prendre une décision. Elle proposa à Arnaud de terminer la soirée chez elle, précisant que ce verre serait express, car sa grand-mère ne tarderait pas à rentrer.

- Ça me convient parfaitement, dit-il.

Devant son air interrogateur, il ajouta qu'il se levait tôt le lendemain.

Ils se rendirent à pied chez Mamie Claudine. En chemin, Arnaud enfila une casquette, sûrement pour dissimuler sa calvitie aux canards qui effectuaient leur balade du soir. Chez Mamie Claudine, Marge découvrit avec effroi qu'elle n'avait rien à offrir, à part de l'eau ou des croquettes de Vadrouille.

— Ça ira très bien, dit-il en prenant un verre d'eau depuis l'encadrement de la porte de la cuisine. Tu me fais visiter ?

Marge n'était peut-être pas une dragueuse née, mais elle savait parfaitement où Arnaud voulait en venir. L'heure avançant, elle l'emmena directement à l'étage, dans sa chambre. À peine avait-elle passé la porte qu'Arnaud l'embrassa. La rapidité de son initiative la surprit ; aucune de ses collègues n'avait parlé d'une telle précipitation. Mais après presque un an d'abstinence — Marc l'avait repoussée bien avant leur rupture — cette audace était presque bienvenue.

— Je peux ? demanda Arnaud, ses mains déjà en train de soulever sa chemise.

— Oui, répondit Marge.

Le moment ne fut pas fabuleux, même décevant, court, ce qui n'était pas un mauvais point dans une telle situation.

— Je vais partir avant que ta grand-mère ne rentre, dit-il en jetant un coup d'œil à sa montre. Tu me la présenteras une autre fois.

— Elle a rendez-vous tous les jeudis.

— Alors à jeudi prochain, dit-il en l'embrassant une dernière fois.

En l'observant se rhabiller, Marge remarqua qu'il était également bien moins musclé que sur ses photos. La bonne nouvelle, c'était qu'il proposait de se revoir ; la mauvaise, qu'il ne le ferait que la semaine suivante. Marge ne pouvait pas attendre si longtemps. Elle avait besoin de photos d'eux en amoureux pour rendre Marc jaloux, lui briser le cœur et le ramener à la raison.

— En fait, ce dimanche, je pourrais avoir la maison pour moi, dit-elle, réfléchissant déjà à la manière de simuler une fièvre pour que sa mère et Mamie Claudine sortent sans elle.

Elle imaginait déjà la petite séance photo dans le chemin derrière la maison, capable de paraître bucolique, à condition d'éviter l'entreprise de matériaux en arrière-plan.

— Entre le déjeuner chez ma mère et mon tennis, ça devrait être possible. Vers 15h, ça te va ?

— Parfait, s'enthousiasma Marge.

Pour une fois, tout semblait bien s'emboîter, pas comme ce rapport sexuel.


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