Chapitre 5 : Dans la tête de Marge et ses ex


Chapitre 5 : Dans la tête de Marge et ses ex

Petit aparté à ma vie ô combien fascinante. Je vais vous parler de Quentin. Lorsque ma mère parle de "refaire le coup", elle parle de lui. Et de Alexandre, de Thomas, et peut-être aussi de Antoine. Mais restons focus sur Quentin. C'était mon copain, notre engagement n'était pas fifou, je cherchais juste à rendre jaloux Alexandre, le petit-copain d'avant. Pour lui aussi, la relation n'était pas très sérieuse. Nous étions un vrai couple, mais deux individus qui s'utilisaient mutuellement jusqu'à la séparation -que pour une fois- j'avais initiée. Le souci, c'est que je n'ai pas trop aimé être seule. Donc, bien que nous n'étions plus ensemble, nous avons continué à nous voir. Dans le même temps, j'ai repris la chasse au grand amour de ma vie. Et Quentin s'est mis à chercher sa prochaine relation sans prise de tête. Sauf que, et c'est là que mon plan infaillible a montré ses failles, Quentin a rencontré le grand amour de sa vie. Là, comme ça, alors que ce n'était pas du tout son objectif. Et il n'était plus question de nous voir. J'ai découvert le manque de Quentin, et c'était un putain de manque. J'étais folle amoureuse de lui en fait, et je n'avais rien remarqué. Donc, j'ai tenté de le récupérer. Après tout, pendant notre relation, il m'avait tendu quelques perches que je n'ai pas saisies, ce que j'ai fortement regretté, mais jusqu'à ce que je n'ai plus accès à Quentin, je ne savais pas que je le voulais. Cette situation un peu compliquée, j'ai passé beaucoup de temps, de lettres, de mails, de textos à l'expliquer à Quentin. Je l'ai un peu suivi, lui et sa nouvelle copine, pour voir à quoi elle ressemblait. Et plusieurs fois, pour être bien sûre que sa tête corresponde aux réseaux sociaux. Elle utilisait des filtres, sa peau n'était pas si clean dans la vraie vie. Et elle était beaucoup plus vulgaire en réel. En revanche, elle m'a vraiment insultée et Quentin ne m'a même pas défendue. J'ai décidé de déménager peu après. Un peu parce que Quentin a porté plainte et qu'il acceptait de la retirer si je partais. Une idée de ma mère. Heureusement, grâce à ces événements, j'ai finalement rencontré l'homme de ma vie : Marc. La prochaine fois, je vous parlerai de Alexandre ou de Antoine.

Le reste de la journée était consacré à une balade au Moulin de Boël, une promenade dominicale classique pour les gens du coin. Mamie Claudine avait passé son bras autour de celui de Marge et entreprenait de lui raconter son week-end à Paris. Il était beaucoup question de musique, de bars et d'une première expérience de théâtre. Un événement qui remontait probablement à plusieurs décennies.

— Mais pourquoi tu étais à Paris ? demanda Marge.

— Gilbert avait besoin d'une dactylo sur place, tu sais bien, c'est toi qui m'y as encouragée, Joséphine.

— J'avais oublié, répondit Marge. Et c'était bien le théâtre ?

— On y parle fort, c'était une comédie de boulevard, ça change de notre Bretagne. Il n'y a jamais rien de culturel.

— Rassure-toi, là-dessus ça a bien changé depuis les années soixante, intervint Sandrine.

Mamie Claudine se tourna vers sa fille.

— Il est bizarre ton chapeau, Maman, rétorqua-t-elle.

Sandrine fut vexée d'être prise pour une vieille dame. À moins que cela soit la critique sur son chapeau vert fluo.

— Mamie est allée à Paris dans les années soixante ? demanda Marge à sa mère.

— Plusieurs fois, pour le travail avant ma naissance. Ensuite, elle a changé de poste et ne voyageait plus qu'avec ton grand-père.

— Mais tu as eu une vie palpitante, Mamie, tu prenais le train ?

— Quelle question, évidemment que je prends le train. Et l'avion aussi.

— Sûrement pas avec papa, il craignait l'avion.

— Avec qui ? demanda Mamie Claudine.

— Avec Joseph LeCossec, ton mari.

— Ah bon ?

Claudine semblait dépitée.

— On devrait peut-être rentrer, elle a l'air fatiguée, dit Sandrine.

— Non, tu crois Mémé Huguette ? se moqua Marge.

— Je préfère le prénom Huguette à Sandrine, au moins il n'y en a pas dix mille sur une même génération.

— Tu veux vraiment qu'on parle de mon prénom à moi ?

— Non, ça ira, pesta Sandrine. J'en ai soupé.

— Moi, j'aime bien Joséphine, intervint Mamie Claudine.

— Merci, Mamie.

— Ah bon ?

À la fois amusée et inquiète, Marge caressa le bras de sa grand-mère qui se découvrait un époux, une fille et une petite-fille tous les jours.

Marge scannait les articles à la caisse tout en tentant de détourner les questions incessantes d'un client particulièrement curieux. C'était la deuxième fois cette semaine qu'il monopolisait Marge. Était-il vraiment intéressé par des asperges et la farine de sarrasin, ou venait-il uniquement pour mener un interrogatoire intempestif ?

Marge se fit un plaisir de répondre vaguement à chacune de ses questions. Ainsi, elle ne connaissait pas la ville autant qu'elle le voudrait, elle apprenait toujours du métier de commerçante parce qu'il fallait toujours apprendre d'un métier, et pour finir, oui, elle connaissait Sandrine, surtout connue pour ses gilets colorés.

Le bougre repartit avec un sourire figé, visiblement déçu de n'avoir obtenu aucun renseignement sur Marge. Après ces quelques jours passés à l'épicerie, Marge remarquait une certaine régularité dans les causeries curieuses auxquelles elle était soumise par les habitants. Visnonia étant une petite ville, sa simple présence à l'épicerie semblait susciter un intérêt marqué, transformant ainsi sa venue en une véritable attraction locale. Marge représentait un mystère à résoudre pour certains habitants. Cette situation amusait beaucoup Nancy, qui écoutait toujours avec amusement les réponses évasives de Marge.

— Un jour, tu finiras par craquer, dit Nancy.

— J'ai déjà craqué, deux clients savent que je suis la fille de ma mère.

— En tout cas, tu as bien raison. J'aurais dû agir comme toi avant de divulguer si facilement des informations sur ma famille aux clients. J'ai remarqué deux mamans en train de scruter mes filles à la sortie de l'école. Et lorsqu'il y a eu cette épidémie de poux et que Flora n'est pas allée à l'école, plusieurs parents et grands-parents sont venus à la boutique. Ils voulaient tous savoir ce qu'avait ma fille en la suspectant d'être couverte de poux.

— Les gens sont gonflés, elle avait le droit d'être malade, ta Florine.

— Flora, corrigea Nancy.

C'est pareil, songea Marge.

Nancy se baissa vers elle et murmura.

— Elle avait réellement les cheveux infestés, mais ils n'avaient pas à le savoir. C'est suffisamment pénible comme ça. Pas besoin d'être le sujet de racontar. Maintenant, j'en dis moins sur ma vie personnelle. Je ne dis même plus où je vais en vacances. Et je vais imiter ta technique, toujours répondre de façon détournée.

— Je vais étaler tout mon talent pour que tu puisses t'inspirer !

Nancy semblait ravie et passa les minutes suivantes à étaler toute sa vie de famille à Marge, à son grand désarroi. Nancy était donc mariée avec deux filles. Elle avait fourni moult détails que Marge n'écouta que d'une oreille, son attention étant toujours concentrée sur son téléphone. Marc ne répondait toujours pas. En revanche, Marge alimentait une douzaine de conversations en même temps sur l'application de rencontre. Lorsqu'un nouveau client semblait se rapprocher des caisses, Marge fit semblant de se souvenir d'une tâche à accomplir dans la réserve et planta Nancy.

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