IV. I
Une pluie battante avait agité la nuit et le soleil commençait à percer les nuages tristes et gris. Dans les rues demeurait une odeur moite, celle de l'eau ruisselant sur le bitume brûlant et humide.
Quelques jours s'étaient écoulés depuis que Simon et Annie avaient vu leurs sentiments éclore. Ils s'étaient revus quotidiennement, et Simon ne perdait plus une occasion pour faire une visite au Lupin.
Le patron eut pu voir d'un mauvais œil ces venues fréquentes qui distrayaient son employée de son travail. Cependant, il devait bien constater que cette dernière s'efforçait à rester assidue et accomplissait son travail avec courage et ténacité. Et puis, chaque fois que Simon passait la porte en lançant un large bonjour, le sourire habituel s'agrandissait sur les joues roses d'Annie. Tout patron qu'il était, il n'eut pu blâmer personne de la rendre aussi joyeuse.
Ce matin-là, donc, Simon se levait avec autant d'entrain qu'à son habitude, malgré la face morne des passants. Prestement, il s'était habillé, et déjà il descendait les escaliers de son immeuble. Comme à son habitude, avant de passer la lourde porte vitrée, il ouvrit sa boite aux lettres.
Au lieu de l'habituelle publicité qui l'inondait régulièrement comme une gigantesque marée, il ne trouva que quelques petites enveloppes ; sur la première, l'adresse était inscrite en lettres typographiées, et sur un coin trônait la marque d'un tampon. La banque, après un mois que Simon avait adopté son train de vie dispendieux, venait lui reprocher directement son découvert.
Une autre enveloppe provenait d'un de ses créanciers qui, d'un style ferme qui trahissait de l'impatience, sinon de l'inquiétude, lui reprochait son retard dans le remboursement de sa dette. La troisième et dernière lettre était de la même forme et du même esprit.
Simon blêmit.
Ainsi, tout était terminé. Il s'était adonné à un jeu dangereux sans possibilité de retour que ses créanciers venaient enfin conclure. Par ces quelques rappels, c'étaient plusieurs semaines de rêves et toute la vie qu'il avait recréée qui s'effondraient.
Désemparé, Simon sentit ses jambes trembler sous lui. Son cœur s'emballa. Des gouttes de sueur perlaient sur son front tout à la fois brûlant et glacé.
Pendant quelques minutes, il resta ainsi, sans qu'aucune idée ne vint quant à la façon de contrer le sort. Las, il s'appuya contre un mur le long duquel il se laissa glisser, pour se retrouver accroupi par terre.
Soudain, il se remémora ses aspirations du premier jour, son insouciance, son sentiment d'une libération nouvelle et surtout cette détermination simple mais ferme : ne pas lutter inutilement lorsque le destin inévitable viendrait tout achever. Ce jour était venu, enfin. Simon obéirait donc à sa décision première.
A cette pensée, il sentit des forces lui revenir. Il comprenait que tout était fini et qu'il ne pouvait répondre à cela que par la même insouciance que celle des beaux jours. Tout l'édifice soigneusement construit venait d'être détruit, mais une chose était certaine : à lui seul revenait le droit de retirer les fondations.
Fort de sa détermination nouvelle, il se releva et rentra chez lui.
Là, il s'assit devant son bureau et, sortant une de ses plus feuilles, parfaitement blanche et vierge, il écrivit. Il eut cru que son inspiration le pousserait à rédiger des pages entières, toujours plus longues et plus nombreuses, plus complexes et plus profondes, mais son esprit était clair et ses idées étaient simples. Ce fut court et concis.
Ayant terminé, il mit le tout dans une enveloppe, timbra et écrivit l'adresse d'Annie.
Enfin, il s'habilla de son plus beau costume, qu'il para d'une cravate d'un bleu sombre et uni, il se couvrit de son large pardessus noir et sortit en fermant la porte à double-tour.
Dehors, le soleil qui semblait apparaitre une demi-heure plus tôt était à nouveau caché par un amas de nuages mornes et tristes. La violente averse de la nuit faisait à présent place à une bruine discrète mais non moins pénétrante. Les quelques passants dépourvus de parapluie pressaient le pas pour échapper à cette nouvelle et triste pluie.
Simon se dépêcha de poser sa lettre dans une boite, puis de se rendre à la gare, où il put bien vite monter dans un RER vers Paris.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top